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26/09/2001 | LUXEMBOURG | N°11993

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2001, 11993


Tribunal administratif N° 11993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mai 2000 Audience publique du 26 septembre 2001

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Recours formé par Monsieur … KAUFFMAN contre un règlement grand-ducal en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11993 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 mai 2000 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, en son nom propre, déclarant habiter à L-…, tendant à l’annulation d’u...

Tribunal administratif N° 11993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mai 2000 Audience publique du 26 septembre 2001

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Recours formé par Monsieur … KAUFFMAN contre un règlement grand-ducal en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11993 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 mai 2000 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en son nom propre, déclarant habiter à L-…, tendant à l’annulation d’un règlement grand-ducal du 21 janvier 2000 déclarant obligatoire la partie du plan d’aménagement partiel « Zones inondables et zones de rétention » pour le territoire de la commune de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 15 mai 2000, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 septembre 2000 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 11 septembre 2000, par lequel le prédit mémoire en réponse a été notifié à Maître Jean KAUFFMAN ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 octobre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé par le demandeur au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 2000 ;

Vu le récépissé, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2000, dont il ressort que Maître Jean MEDERNACH a réceptionné le prédit mémoire en réplique, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, en date du 7 novembre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement grand-ducal attaqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Jean KAUFFMAN et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … KAUFFMAN, préqualifié, est propriétaire d’un terrain situé à Luxembourg-Clausen, …, inscrit au cadastre de la commune de Luxembourg, section LA de Clausen, sous le numéro …, anciennement numéro …, lot B, d’une contenance de …ares.

Le 27 mai 1994, le gouvernement en conseil prit la décision de faire élaborer un plan d’aménagement partiel dit « zones inondables et zones de rétention », ci-après dénommé le « PAP « zones inondables et zones de rétention » », couvrant tout le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg.

A la suite de ladite décision de principe, il fut notamment élaboré une partie dudit PAP « zones inondables et zones de rétention » pour le territoire de la Ville de Luxembourg, cette partie du sus-dit plan affectant le terrain précité de Monsieur … KAUFFMAN.

Par règlement grand-ducal du 21 janvier 2000, publié au Mémorial A, n° 10 du 11 février 2000, la partie du PAP « zones inondables et zones de rétention » concernant le territoire de la Ville de Luxembourg fut déclarée obligatoire.

Par requête introduite auprès du tribunal administratif en date du 10 mai 2000, Monsieur … KAUFFMAN a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement grand-

ducal précité du 21 janvier 2000 ayant déclaré obligatoire la partie du PAP « zones inondables et zones de rétention » pour le territoire de la Ville de Luxembourg.

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Alors que l’administration communale de la Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice tant en ce qui concerne la compétence du tribunal qu’en ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation, en soulevant notamment la question de savoir si l’acte déféré au tribunal administratif range parmi les actes administratifs à caractère réglementaire susceptibles d’être attaqués au titre de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans la pure forme et dans les délais, en estimant plus particulièrement que le demandeur n’aurait pas intérêt à attaquer le règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000, dans la mesure où il ne serait pas intervenu en tant qu’« intéressé » au cours de la phase de consultation préalable à l’élaboration du projet de PAP précité. Sur ce dernier point, le demandeur rétorque que, contrairement à la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire, applicable aux faits de l’espèce, tout en prévoyant une procédure de consultation, ne tirerait aucun moyen de déchéance ou de forclusion du fait qu’une partie intéressée n’a pas participé à ladite procédure de consultation. Il estime par ailleurs qu’aucun reproche ne saurait lui être fait du fait de ne pas être intervenu au cours de la procédure préparatoire, étant donné que cette absence d’agir ne saurait le priver de son droit à l’introduction d’un recours contentieux.

2 Avant de procéder à l’examen de la recevabilité et du bien-fondé du recours, le tribunal est amené à examiner en premier lieu la question de sa compétence pour connaître de l’acte déféré.

D’après l’article 7 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est actuellement appelé à statuer « sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».

Il se dégage de ladite disposition légale que le tribunal administratif est compétent pour connaître des recours en annulation dirigés contre toute disposition à caractère réglementaire, peu importe que ledit acte administratif à caractère réglementaire est ou n’est pas de nature à produire un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes ou qu’il nécessite, en vue d’affecter immédiatement la situation d’une telle personne, la prise d’un acte administratif individuel d’exécution, cette question devant être examinée lors de l’analyse de la recevabilité du recours, dans le cadre de l’appréciation de l’intérêt à agir (cf.

trib. adm. 6 avril 2000, n° 10632 du rôle).

En l’espèce, l’acte attaqué du 21 janvier 2000 dispose en son article 4 que sont en principe interdits sur les terrains visés par l’article 3 du même règlement, dont celui du demandeur, « tous les ouvrages et installations » ainsi que « toutes les activités susceptibles de nuire au régime des cours d’eau ou de réduire la capacité de rétention » des zones en question. Le prédit règlement grand-ducal a encore une influence directe sur la classification du terrain du demandeur, telle que résultant du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, en ce que, suivant l’article 7 du règlement en question, celui-ci modifie de plein droit le plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg « dans la mesure où il est incompatible avec celui-ci ». En pratique, ledit acte a pour effet, dans la mesure où, avant son entrée en vigueur, le terrain du demandeur était classé, d’après la partie graphique du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, dans le « secteur protégé des vallées de la Pétrusse, de l’Alzette et du promontoire du Rham », dans lequel sont admis, au titre de l’article C.5.RB, sous certaines conditions, des logements, des équipements d’intérêt public, ainsi que des installations et des établissements servant aux besoins propres d’un quartier d’habitation, que le terrain du demandeur se trouve actuellement soumis à une interdiction de principe de la construction de tout ouvrage et de toute installation.

Il suit de ce qui précède que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre l’acte précité du 21 janvier 2000, qui comporte notamment des restrictions au droit de construire des immeubles sur le terrain du demandeur et d’y organiser des activités voire une interdiction absolue d’y construire des ouvrages et des installations, auxquelles le demandeur ne peut se soustraire sous peine d’enfreindre la loi, étant donné qu’il constitue un acte administratif à caractère réglementaire.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, au motif que le demandeur n’aurait pas introduit une réclamation au cours de la phase administrative, malgré le fait que les dispositions légales applicables prévoiraient une procédure de réclamation à respecter obligatoirement par celui qui, par après, entend introduire un recours contentieux.

S’il est vrai que la loi précitée du 20 mars 1974, applicable aux faits de l’espèce sur base de l’article 28, aliéna 2 de la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire, 3 prévoit en son article 13 une procédure de publication des plans d’aménagement que le gouvernement envisage de déclarer obligatoire, celle-ci s’effectuant par voie de dépôt pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ledit dépôt étant publié par voie d’affiche et que le public peut présenter ses observations au collège échevinal dans un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt public, il n’en demeure pas moins, comme l’a relevé à bon droit le demandeur, qu’il ne s’agit pas d’une procédure de réclamation obligatoire, en ce que les dispositions légales en question ne prévoient pas que les objections des tiers intéressés doivent être présentées au collège échevinal à peine de forclusion et que partant lesdits tiers intéressés ne sauraient encourir une irrecevabilité de leur recours contentieux du fait qu’ils n’ont pas, préalablement, fait usage de ladite procédure de réclamation.

Il est constant en l’espèce que le demandeur n’a pas fait usage de son droit de formuler des objections au cours de la période pendant laquelle le projet de PAP « zones inondables et zones de rétention », tel qu’élaboré par le gouvernement en conseil en date du 27 mai 1994 lui était accessible en la maison communale de la Ville de Luxembourg. Toutefois, aucun reproche ne saurait lui être fait à ce titre dans la mesure où, comme il a été retenu ci-avant, ladite procédure de réclamation ne constitue pas une procédure obligatoire, prévue sous peine de forclusion par les dispositions légales applicables, de sorte que le demandeur garde, au moins dans cette mesure, un intérêt à agir et à introduire un recours contentieux devant les juridictions administratives.

Quant aux développements contenus tant dans la requête introductive d’instance que dans le mémoire en réplique du demandeur et sur lesquels il est revenu au cours des plaidoiries, suivant lesquels il n’aurait pas introduit une réclamation au cours de la phase administrative au motif que le projet de PAP « zones inondables et zones de rétention » initialement proposé par le gouvernement se serait exclusivement basé sur les crues de l’année 1993, au cours desquelles son terrain n’aurait pas été inondé et qu’il aurait estimé à l’époque ne pas avoir un intérêt à introduire une telle réclamation au vu des faits ayant existé à l’époque et qu’en réalité son préjudice ne serait né que postérieurement à ladite phase de consultation préalable des tiers intéressés, dans la mesure où le règlement grand-ducal incriminé se baserait en outre sur les crues de l’année 1995, tel que cela ressortirait d’une photographie aérienne prise en date du 23 janvier 1995, versée au dossier par le délégué du gouvernement, qui auraient été tout à fait exceptionnelles en ce qu’elles auraient constitué une « véritable catastrophe météorologique », il échet de retenir que s’il est vrai que d’après la prédite photographie versée au dossier du tribunal, le gouvernement semble s’être basé sur des faits ayant eu lieu en 1995 pour décider le classement du terrain litigieux en zone inondable, il n’en demeure pas moins qu’il se dégage sans aucune équivoque possible du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000 et plus particulièrement de son article 2, point 1) que seules ont été prises en considération les crues des eaux ayant eu lieu au cours des inondations de janvier ou décembre 1993. Ladite photographie aérienne ne saurait partant, à elle seule, et sans qu’elle fasse l’objet d’une référence au règlement grand-ducal précité, constituer une preuve suivant laquelle les crues de 1995 ont servi de justification pour la prise du prédit règlement. Par ailleurs, dans la mesure où le demandeur entend tirer des prédits développements un argument ayant pour but de justifier sa non-participation à la procédure de réclamation et dans la mesure où il a été retenu ci-avant que le demandeur possède un intérêt à agir nonobstant le fait qu’il n’a pas introduit des objections auprès du collège échevinal au cours de la phase de consultation de la population concernée par le projet établi par le gouvernement en conseil, lesdits développements sont à écarter comme n’étant pas pertinents.

4 Il suit de ce qui précède que le moyen tiré d’un défaut d’intérêt à agir du demandeur est à écarter pour n’être pas fondé.

Le recours en annulation, non autrement contesté, est recevable en ce qu’il est dirigé contre le règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000 ayant déclaré obligatoire la partie du PAP « zones inondables et zones de rétention » pour le territoire de la Ville de Luxembourg pour répondre par ailleurs aux exigences légales posées en matière de forme et de délai.

Quant au fond Le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que le demandeur aurait dû être informé au préalable de l’intention de l’autorité compétente de prendre le règlement incriminé, il y a lieu de constater, comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement au cours des plaidoiries, que ledit règlement grand-ducal n’a pas vocation à s’appliquer aux actes administratifs à caractère réglementaire, tel que cela se dégage de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse suivant lequel le prédit règlement grand-ducal ne s’applique qu’aux décisions administratives individuelles. Partant, ledit moyen est à rejeter.

Le demandeur critique le fait que les 14 planches de plans cadastraux visées par l’article 3 alinéas 2 et 3 du règlement grand-ducal, dont ressortiraient les délimitations des zones visées par le règlement grand-ducal en question comme constituant des zones inondables, n’ont pas fait l’objet d’une publication au Mémorial, nonobstant le fait qu’en vertu de l’alinéa 2 de l’article 3 du prédit règlement grand-ducal, elles sont censées en faire partie intégrante. Il soutient que le fait de ne pas publier lesdites planches au Mémorial contreviendrait à l’article 112 de la Constitution en vertu duquel les lois et règlements sont à publier dans la forme déterminée par la loi et qu’ils ne sont obligatoires qu’après ladite publication, ainsi qu’à l’arrêté grand-ducal du 22 octobre 1842 réglant le mode de publication des lois, ce qui aurait pour conséquence que ledit règlement grand-ducal ne pourrait pas avoir d’effet obligatoire à son encontre.

Le délégué du gouvernement explique dans son mémoire en réponse que les planches cadastrales en question seraient, au vu de leur taille, « inaptes » à la publication au Mémorial et il estime que le fait par le règlement grand-ducal de faire expressément référence à leur existence, à leur contenu et aux lieux auxquels elles peuvent être consultées satisferait au critère de la publication au Mémorial, d’autant plus que l’intégralité du texte réglementaire lui-même a été publié au Mémorial.

Il se dégage des articles 3 et 2 de l’arrêté royal grand-ducal précité du 22 octobre 1842 que les règlements grand-ducaux, pour être obligatoires dans toute l’étendue du Grand-Duché de Luxembourg, doivent faire l’objet d’une publication au Mémorial.

En l’espèce, il est constant en cause que les 14 planches de plans cadastraux auxquelles il est fait référence à l’article 3, alinéa 2 du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000 n’ont pas été publiées au Mémorial. Ledit article 3 spécifie dans son alinéa 3 que « les intéressés peuvent en prendre connaissance auprès de l’administration communale de Luxembourg ainsi qu’au ministère ayant l’Aménagement du Territoire dans ses attributions ».

5 S’il est vrai que suivant l’alinéa 2 du prédit article 3 lesdites planches sont censées faire partie intégrante du règlement grand-ducal litigieux et qu’elles auraient de ce fait dû être publiées au Mémorial conformément à l’arrêté royal grand-ducal précité du 22 octobre 1842, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce les indications quant aux zones inondables figurant à l’alinéa 1er du prédit article 3, le fait que les planches précitées bénéficient d’une publicité adéquate dans la mesure où toute personne intéressée peut en prendre connaissance tant auprès de l’administration communale de Luxembourg, qu’auprès du ministère ayant l’Aménagement du Territoire dans ses attributions ensemble le fait que, comme l’a indiqué à bon droit le délégué du gouvernement, lesdites planches cadastrales sont, de par leur taille, inaptes à être publiées au Mémorial, constituent une publication par équivalent desdites planches au Mémorial, leur caractère obligatoire résultant à suffisance de droit de la référence qui y a été faite par l’article 3 précité. Le moyen afférent est partant à écarter.

Le demandeur soutient en outre qu’en ce qui concerne son terrain, les données factuelles à la base de la délimitation du périmètre de la zone inondable seraient erronées. Il conteste, dans ce contexte, que lors des crues exceptionnelles de janvier et de décembre 1993, son terrain ait été inondé. Il insiste de surcroît sur le point qu’au cours des mois précités, il n’y aurait eu aucune inondation à cet endroit, en précisant toutefois que seules certaines caves d’immeubles voisins, situés le long de l’Allée Pierre de Mansfeld auraient été en partie inondées, en raison du fait que ces caves seraient reliées par leurs canalisations respectives à l’Alzette. Il estime que le pouvoir réglementaire se serait basé sur des considérations de fait erronées pour justifier une décision qui, en droit, devrait être annulée pour défaut de légalité, une telle inexactitude des motifs invoqués devant entraîner l’annulation du règlement grand-

ducal précité du 21 janvier 2000.

Il admet toutefois qu’en janvier 1995, son terrain aurait été inondé. Toutefois, à cette période il y aurait eu une véritable catastrophe météorologique ayant eu un caractère tout à fait exceptionnel et unique. Par ailleurs, il soutient que de toute façon le règlement grand-

ducal précité ne se serait pas basé sur les inondations de 1995, alors que l’article 2 point 1) dudit règlement grand-ducal se réfère exclusivement aux inondations de janvier ou décembre 1993. Ainsi, l’Etat ne pourrait pas se baser sur des photographies prises en 1995 pour justifier le caractère inondable de son terrain, d’autant plus que ces photographies ne révéleraient pas l’importance des inondations ayant eu lieu en janvier 1995.

Il convient d’analyser ce moyen d’annulation ensemble avec un autre moyen soulevé par le demandeur, à savoir celui tiré de la violation du principe de proportionnalité, en ce que le classement absolu et sans différenciation aucune en zone où restent interdits tous les ouvrages et toutes les installations serait disproportionné par rapport au but poursuivi, lequel aurait pu être atteint par une réglementation de la zone concernée moyennant fixation de conditions de construction, notamment en exigeant des constructions « en surélévation permettant de parer aux inconvénients d’une crue exceptionnelle d’un cours d’eau voisin ».

Le délégué du gouvernement rétorque que la photo aérienne prise lors de la crue de janvier 1995 « témoigne du risque d’inondation » dont serait affecté le terrain du demandeur.

Il estime encore que la définition des « zones inondables » telle que figurant à l’article 2 point 1) du règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000 serait « inexacte » dans la mesure où au lieu de faire référence aux crues de 1993, qui auraient été d’une envergure comparable à celle de 1995, ladite définition aurait dû faire référence à la crue ayant eu lieu en janvier 1995.

Il estime toutefois que l’inexactitude de la définition du terme en question n’aurait pas de 6 conséquence pour la délimitation de la zone inondable, alors que celle-ci serait définie par les plans cadastraux faisant partie intégrante du règlement grand-ducal précité.

Concernant plus particulièrement le respect du principe de proportionnalité, le délégué du gouvernement expose qu’en date du 7 janvier 1994, le conseil de gouvernement aurait décidé l’institution d’un groupe de travail interministériel chargé, dans une première phase, de délimiter, sur base de plans régionaux et des inventaires actuels réalisés par les administrations compétentes, les zones inondables pour l’ensemble du pays et que ce serait à la suite des consultations menées par le groupe de travail avec les communes concernées que la Vallée de l’Alzette aurait été considérée comme une des priorités du projet de PAP « zones inondables et zones de rétention », ceci en raison, d’une part, de l’ampleur des dommages déjà occasionnés par les inondations et, d’autre part, de la pression urbaine continuelle sur les secteurs à risque pour ce tronçon.

Ainsi, il aurait paru inévitable de définir, sur base du niveau des eaux des rivières en crue atteint en janvier 1993, en décembre 1993 ou en janvier 1995, les zones inondables dans les plans et projets d’aménagement. Cette mesure étant « un moyen essentiel dans la mesure où les catastrophes naturelles se manifestent de manière discontinue dans le temps, ce qui amène souvent la population et les pouvoirs publics [à ignorer] voire à nier, l’existence du danger », étant donné qu’en vue de la réduction du risque des dommages, « le premier principe à respecter consiste à ne pas implanter de personnes ni de biens dans les secteurs dangereux, voire à diminuer cette présence au besoin par des moyens contraignants si des vies humaines sont en danger manifeste. La politique d’urbanisme doit être cohérente avec cet objectif, qui implique notamment de ne pas permettre d’extension spatiale des sites urbains dans les zones inondables ».

Sur base de ces considérations, le représentant étatique soutient que le règlement grand-ducal attaqué répondrait au principe de proportionnalité.

Il convient de relever que s’il est vrai qu’aucune disposition légale n’impose une obligation générale de motivation des actes administratifs à caractère réglementaire, c’est à dire une obligation générale d’indiquer les motifs qui ont guidé le pouvoir exécutif dans sa prise de décision, il n’en reste pas moins que la légalité desdits actes est conditionnée par l’existence de motifs légaux et que la mission du juge administratif, statuant, dans la limite des griefs invoqués, en tant que juge de la légalité à l’égard d’un acte administratif à caractère réglementaire, implique un examen de l’existence des motifs qui sont à la base de la décision et le contrôle de ce que lesdits motifs répondent à une finalité d’intérêt général, ce dernier étant la mesure de toute action des autorités administratives.

Ceci étant, il convient encore d’ajouter qu’en vertu du principe de proportionnalité, les mesures que l’administration se propose de prendre doivent être dans la mesure de l’objectif poursuivi.

En l’espèce, le classement du terrain prévisé du demandeur situé sur le territoire de la Ville de Luxembourg à l’intérieur du PAP « zones inondables et zones de rétention », déclaré obligatoire par le règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000, est lourd de conséquences pour ledit terrain, étant donné que ce classement implique, d’une part, l’interdiction d’y ériger tous ouvrages et installations, à l’exception de ceux qui comblent une lacune dans le tissu urbain existant et, d’autre part, l’interdiction d’y exercer des activités susceptibles de nuire au régime des cours d’eau ou de réduire la capacité de rétention de la zone couverte.

7 L’insertion du terrain à l’intérieur de la zone couverte par le PAP « zones inondables et zones de rétention » concernant le territoire de la Ville de Luxembourg n’est basée que sur un seul document, à savoir une photographie aérienne qui montre l’état d’inondation du terrain appartenant au demandeur, lors de la crue de janvier 1995, sans que d’autres éléments de preuve, photographies, expertises, rapports scientifiques ou autres, documentant la situation factuelle ayant existé en janvier et décembre 1993, n’aient été apportés.

Or, la seule pièce produite en cause, à savoir la photographie prérelatée ne renseigne ni sur la nature des eaux ni sur leur provenance ni surtout sur la hauteur de l’eau, spécialement en ce qui concerne la parcelle appartenant au demandeur.

De même, aucune pièce ne documente les circonstances météorologiques exactes au cours des jours précédant l’inondation du terrain litigieux en janvier 1995. – Or, pareille information aurait été utile et nécessaire pour évaluer les causes exactes de la présence d’eau sur le terrain litigieux, c’est-à-dire pour savoir s’il s’agissait exclusivement d’un débordement du cours d’eau de l’Alzette ou s’il s’agissait, en tout ou en partie, d’eaux de surface, suite à des pluies abondantes non évacuées correctement, notamment à cause d’un éventuel gel du sol.

Par ailleurs, aucune étude, dans le temps et dans l’espace, permettant de retracer et d’anticiper, partant d’apprécier les phénomènes et risques de crues et d’inondations par rapport au terrain litigieux, ne semble avoir été réalisée préalablement à la prise de décision.

En outre, il convient de relever qu’il n’est pas établi que l’interdiction de toute construction sur la partie du terrain appartenant au demandeur soit la solution adéquate pour atteindre le but légitime poursuivi par l’administration ou s’il avait suffit d’imposer que les constructions à y ériger remplissent certaines conditions et respectent certaines précautions et prescriptions architecturales ou techniques pour prévenir des atteintes au régime des cours d’eau et pour prévenir la réduction de la capacité de rétention de la zone concernée.

Il suit des considérations qui précèdent que les faits à la base de la décision querellée, en ce qui concerne le classement du terrain appartenant au demandeur, ne sont pas établis, partant vérifiables, à suffisance de droit pour justifier une décision incisive par rapport au droit du demandeur d’user pleinement de sa propriété.

Il s’ensuit que le règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000 en ce qu’il a déclaré obligatoire le PAP « zones inondables et zones de rétention » pour le terrain prévisé du demandeur situé sur le territoire de la Ville de Luxembourg doit encourir l’annulation, sans qu’il y ait lieu, d’une part, de faire droit à la demande formulée par le demandeur dans son mémoire en réplique tendant à l’audition de témoins sur des faits y plus particulièrement énoncés portant essentiellement sur le fait que son terrain n’aurait été recouvert d’eau qu’une seule fois, à savoir au cours du mois de janvier 1995, cette demande étant devenue non pertinente au vu des conclusions qui précèdent et, d’autre part, de se prononcer sur le bien-

fondé d’un moyen d’annulation supplémentaire soulevé par le demandeur dans son mémoire en réplique, pareil examen étant surabondant.

8 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

rejette la demande tendant à l’audition de témoins formulée dans le mémoire en réplique ;

au fond, déclare le recours justifié ;

partant, annule le règlement grand-ducal précité du 21 janvier 2000 en ce qu’il a déclaré obligatoire le PAP « zones inondables et zones de rétention » pour le terrain prévisé du demandeur situé sur le territoire de la Ville de Luxembourg ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 septembre 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11993
Date de la décision : 26/09/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-09-26;11993 ?

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