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24/09/2001 | LUXEMBOURG | N°13163

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 septembre 2001, 13163


Tribunal administratif N° 13163 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2001 Audience publique du 24 septembre 2001

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Requête formée par Monsieur … ADROVIC et son épouse Madame … … en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13163 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à Vrbica (Monténégr...

Tribunal administratif N° 13163 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2001 Audience publique du 24 septembre 2001

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Requête formée par Monsieur … ADROVIC et son épouse Madame … … en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13163 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à Vrbica (Monténégro), et de son épouse, Madame … …, née le … à Bérane (Monténégro), tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, agissant en leur nom personnel ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 20 septembre 2000, notifiée le 25 septembre 2000, portant refus du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 11 juin 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS pour compte de Monsieur et Madame ADROVIC-

… ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2001 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie HAGER, en remplacement de Maître Guy THOMAS, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Les consorts ADROVIC-…, préqualifiés, se virent notifier à personne en date du 25 septembre 2000, une décision du ministre de la Justice datant du 20 septembre 2000, portant refus dans leur chef du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, prononcé sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Le recours gracieux daté du 15 novembre 2000 contre la prédite décision a été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté par décision du ministre de la Justice du 3 janvier 2001.

En date du 2 avril 2001, les consorts ADROVIC-… ont fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux contre la décision précitée du ministre de la Justice du 20 septembre 2000.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’en date du 29 septembre 2000, ils auraient, en vue d’exercer le recours prévu par la loi dans le délai d’un mois de la notification de la décision de refus du ministre de la Justice, présenté une demande en assistance judiciaire auprès du bâtonnier de l’ordre des avocats, qu’en date du 5 octobre 2000, l’ordre des avocats les aurait informé qu’ils bénéficieraient de l’assistance judiciaire et du nom de l’avocat qui leur avait été désigné pour les assister dans leur recours. Ils soutiennent que le mandat de déposer un recours résulterait de cette désignation d’office.

Ils estiment partant avoir effectué toutes les diligences nécessaires et qu’ils devraient être relevés de la déchéance résultant de l’expiration du délai imparti pour agir en justice étant donné que sans faute de leur part, ils se seraient trouvés dans l’impossibilité d’agir.

Le délégué du gouvernement fait valoir que les deux conditions posées par l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice ne seraient pas remplies en l’espèce.

Il fait notamment valoir que le fait, par le premier avocat désigné d’office aux demandeurs, de ne pas avoir déposé un recours devant le tribunal administratif respectivement, trop tard, un recours gracieux devant le ministre de la Justice, serait à considérer comme étant une faute au sens de l’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986.

Le nouveau mandataire des demandeurs, désigné par l’ordre des avocats en date du 31 mai 2001, fait répliquer qu’une telle approche serait trop rigoureuse, étant donné que les demandeurs auraient effectué toutes les diligences nécessaires afin qu’un recours soit introduit, qu’ils auraient été en droit de s’attendre à ce que des suites soient données à leurs instructions et il ne saurait leur être reproché de ne pas s’être informés davantage de l’exécution du mandat donné à leur avocat. Comme ils auraient pu légitimement croire que leurs instructions allaient être exécutées, ils se seraient trouvés dans l’impossibilité d’agir, de sorte qu’ils seraient à relever de la déchéance encourue. Il conclut que ce ne serait qu’en raison d’un concours d’inadvertances nullement imputables aux demandeurs, qui auraient déjà beaucoup de problèmes pour se débrouiller dans un pays dans lequel ils ne connaîtraient pas la langue et les procédures, qu’actuellement les demandeurs seraient forclos à agir, de sorte que ce serait un « excès de rigueur » si le tribunal refusait de relever les demandeurs de la déchéance encourue par la faute de tierces personnes.

Il soulève en dernier lieu la question de savoir si l’on peut imputer le comportement fautive d’un avocat commis d’office aux demandeurs, alors que les demandeurs « n’ont 2 pas exercé le libre choix de leur avocat et que les conditions d’un véritable mandat ne sont pas données en l’espèce ».

Dans son mémoire en duplique, le représentant étatique fait encore valoir que depuis la date de la désignation de leur premier mandataire, à savoir le 5 octobre 2000, et la date à laquelle la requête en relevé de forclusion a été déposée au greffe du tribunal administratif, à savoir le 2 avril 2001, plus de 6 mois se seraient écoulés, sans que les demandeurs se seraient empressés d’entreprendre les démarches et diligences nécessaires, de sorte qu’il y aurait lieu de retenir une faute dans leur chef.

La requête en relevé de déchéance, non autrement contestée sous ce rapport, ayant été présentée suivant les formes et délai prévus par la loi, elle est recevable.

La loi précitée du 22 décembre 1986 dispose en son article 1er que « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».

Il est constant en cause qu’à partir de la notification en date du 25 septembre 2000, les demandeurs ont eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, étant entendu que ladite décision comprend l’indication complète des voies de recours ensemble l’indication de sa communication aux demandeurs et qu’elle a été traduite dans une langue comprise par eux.

Les demandeurs ne rentrent dès lors pas sous les prévisions du premier cas d’ouverture d’un relevé de déchéance prévu par la loi.

L’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 prévoit néanmoins un autre cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance, à savoir l’hypothèse dans laquelle, bien que les demandeurs ont eu connaissance de l’acte en question, ils étaient néanmoins dans l’impossibilité d’agir.

Le relevé de forclusion, intervenant par rapport à des délais de recours ayant un caractère d’ordre public ainsi qu’un effet en principe automatique, constitue un incident grave et exceptionnel de sorte qu’il y a lieu d’interpréter la notion d’impossibilité d’agir d’une manière restrictive ( cf. Cour d’appel, 20 décembre 1991, Pas. 28, p. 250).

Dans l’hypothèse où un mandataire a été chargé par une personne, même si, comme dans le cas d’espèce, le mandataire a été chargé par le délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, qui agit en nom et pour compte des demandeurs, en vue de l’introduction d’un recours dans une matière dans laquelle le droit de postulation d’un professionnel est la règle, comme celle sous rubrique réservant aux avocats à la Cour le monopole des recours à intenter au fond contre des décisions administratives individuelles, l’impossibilité d’agir n’est en principe pas donnée, lorsque le mandat pour agir a été conféré en temps utile au professionnel par les justiciables concernés (cf. trib.

adm. 2 octobre 2000, Mujkovic, n° 12175 du rôle).

3 Il est dès lors de principe que la négligence de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie pas un relevé de forclusion (cf. Encyclopédie Dalloz, Procédure Civile, V° Délais, n° 45).

En effet, admettre le raisonnement adverse impliquerait que la partie demanderesse, une fois son mandat conféré, devrait être relevée de la déchéance, quelle que soit la cause justificative de l’inaction du professionnel concerné, ce qui reviendrait à outrepasser sans cause légitime des délais par ailleurs fixés à titre obligatoire par le législateur, le relevé de déchéance étant à interpréter de façon restrictive, vu son caractère exceptionnel, suivant la loi précitée du 22 décembre 1986.

En l’espèce, aucune justification valable de l’inaction du professionnel initialement chargé du dossier des demandeurs n’a été établie, de sorte qu’aucune impossibilité d’agir dans le chef du mandataire des demandeurs ne saurait être retenu par le tribunal.

Il échet également de constater que les demandeurs n’ont entrepris aucune diligence en vue de s’assurer de la bonne exécution de leur mandat.

Il s’ensuit que le deuxième cas d’ouverture du relevé de déchéance n’est pas vérifié en l’espèce.

A ce titre, il est sans incidence que le mandataire des demandeurs ait été désigné d’office par le bâtonnier et non pas librement par ceux-ci, étant donné que par cette désignation, qui n’a pas été contestée par les demandeurs, l’avocat ainsi nommé est chargé de défendre les intérêts de ses mandants et il agit en nom et pour compte de ces derniers.

Le moyen non autrement précisé que les conditions d’un véritable mandat ne seraient pas données est partant à rejeter.

La requête en relevé de forclusion n’est par voie de conséquence pas fondée.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare la demande en relevé de forclusion recevable ;

au fond la dit non justifiée et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge 4 et lu à l’audience publique du 24 septembre 2001 par le vice président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13163
Date de la décision : 24/09/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-09-24;13163 ?

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