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24/09/2001 | LUXEMBOURG | N°13162

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 septembre 2001, 13162


Tribunal administratif N° 13162 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2001 Audience publique du 24 septembre 2001

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Requête formée par Madame … ADROVIC en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13162 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de Madame … ADROVIC, sans état particulier, née le … à Niksic (Monténégro), d...

Tribunal administratif N° 13162 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2001 Audience publique du 24 septembre 2001

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Requête formée par Madame … ADROVIC en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13162 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ADROVIC, sans état particulier, née le … à Niksic (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 20 septembre 2000, notifiée le 25 septembre 2000, portant refus du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 11 juin 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy THOMAS pour compte de Madame ADROVIC ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2001 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie HAGER, en remplacement de Maître Guy THOMAS, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … ADROVIC, préqualifiée, se vit notifier à personne en date du 25 septembre 2000, une décision du ministre de la Justice datant du 20 septembre 2000, portant refus dans son chef du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, prononcé sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Le recours gracieux daté du 15 novembre 2000 contre la prédite décision a été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté par décision du ministre de la Justice du 20 novembre 2000.

En date du 2 avril 2001, Madame ADROVIC a fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux contre la décision précitée du ministre de la Justice du 20 septembre 2000.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’en date du 28 septembre 2000, elle aurait, en vue d’exercer le recours prévu par la loi dans le délai d’un mois de la notification de la décision de refus du ministre de la Justice, présenté une demande en assistance judiciaire auprès du bâtonnier de l’ordre des avocats, qu’en date du 5 octobre 2000, l’ordre des avocats l’aurait informé qu’elle bénéficierait de l’assistance judiciaire et du nom de l’avocat qui lui avait été désignée pour l’assister dans son recours. Elle soutient que le mandat de déposer un recours résulterait de cette désignation d’office. Elle relève que le 29 novembre 2000, elle aurait reçu de la part de son avocat une copie d’un recours devant le tribunal administratif, mais qu’il se serait avéré que ce recours n’avait jamais été déposé au greffe du tribunal administratif. Elle estime partant avoir effectué toutes les diligences nécessaires et qu’elle devrait être relevée de la déchéance résultant de l’expiration du délai imparti pour agir en justice étant donné que sans faute de sa part, elle se serait trouvée dans l’impossibilité d’agir.

Le délégué du gouvernement fait valoir que les deux conditions posées par l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice ne seraient pas remplies en l’espèce.

Il fait notamment valoir que le fait, par le premier avocat désigné d’office à la demanderesse, de ne pas avoir déposé un recours devant le tribunal administratif respectivement trop tard un recours gracieux devant le ministre de la Justice, serait à considérer comme étant une faute au sens de l’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986.

Le nouveau mandataire de la demanderesse, désigné par l’ordre des avocats en date du 31 mai 2001, fait répliquer qu’une telle approche serait trop rigoureuse, étant donné que la demanderesse aurait effectué toutes les diligences nécessaires afin qu’un recours soit introduit, qu’elle aurait été en droit de s’attendre à ce que des suites soient données à ses instructions et il ne saurait lui être reproché de ne pas s’être informée davantage de l’exécution du mandat donné à son avocat. Comme elle aurait pu légitimement croire que ses instructions allaient être exécutées, elle se serait trouvée dans l’impossibilité d’agir, de sorte qu’elle serait à relever de la déchéance encourue. Il conclut que ce ne serait qu’en raison d’un concours d’inadvertances nullement imputables à la demanderesse, qui aurait déjà beaucoup de problèmes pour se débrouiller dans un pays dans lequel elle ne connaîtrait pas la langue et les procédures, qu’actuellement la demanderesse serait forclos à agir, de sorte que ce serait un « excès de rigueur » si le tribunal refusait de relever la demanderesse de la déchéance encourue par la faute de tierces personnes.

Il soulève en dernier lieu la question de savoir si l’on peut imputer le comportement fautive d’un avocat commis d’office à la demanderesse, alors que la demanderesse « n’a 2 pas exercé le libre choix de son avocat et que les conditions d’un véritable mandat ne sont pas données en l’espèce ».

Dans son mémoire en duplique, le représentant étatique fait encore valoir que depuis l’envoi du projet de recours en date du 29 novembre 2000 à la demanderesse et la date à laquelle le nouveau mandataire de la demanderesse s’est renseigné auprès du greffe du tribunal administratif de l’évolution de l’affaire, et notamment si un recours avait été déposé, quatre mois se seraient écoulés, sans que la demanderesse ne se serait inquiétée du sort réservé à son affaire, de sorte qu’il y aurait lieu de retenir une faute dans son chef.

La requête en relevé de déchéance, non autrement contestée sous ce rapport, ayant été présentée suivant les formes et délai prévus par la loi, elle est recevable.

La loi précitée du 22 décembre 1986 dispose en son article 1er que « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».

Il est constant en cause qu’à partir de la notification en date du 25 septembre 2000, la demanderesse a eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, étant entendu que ladite décision comprend l’indication complète des voies de recours ensemble l’indication de sa communication à la demanderesse et qu’elle a été traduite dans une langue comprise par elle.

La demanderesse ne rentre dès lors pas sous les prévisions du premier cas d’ouverture d’un relevé de déchéance prévu par la loi.

L’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 prévoit néanmoins un autre cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance, à savoir l’hypothèse dans laquelle, bien que le demandeur a eu connaissance de l’acte en question, il était néanmoins dans l’impossibilité d’agir.

Le relevé de forclusion, intervenant par rapport à des délais de recours ayant un caractère d’ordre public ainsi qu’un effet en principe automatique, constitue un incident grave et exceptionnel de sorte qu’il y a lieu d’interpréter la notion d’impossibilité d’agir d’une manière restrictive ( cf. Cour d’appel, 20 décembre 1991, Pas. 28, p. 250).

Dans l’hypothèse où un mandataire a été chargé par une personne, même si, comme dans le cas d’espèce, le mandataire a été chargé par le délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, qui agit en nom et pour compte de la demanderesse, en vue de l’introduction d’un recours dans une matière dans laquelle le droit de postulation d’un professionnel est la règle, comme celle sous rubrique réservant aux avocats à la Cour le monopole des recours à intenter au fond contre des décisions administratives individuelles, l’impossibilité d’agir n’est en principe pas donnée, lorsque le mandat pour agir a été conféré en temps utile au professionnel par le justiciable concerné (cf. trib. adm.

2 octobre 2000, Mujkovic, n° 12175 du rôle).

3 Il est dès lors de principe que la négligence de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie pas un relevé de forclusion (cf. Encyclopédie Dalloz, Procédure Civile, V° Délais, n° 45).

En effet, admettre le raisonnement adverse impliquerait que la partie demanderesse, une fois son mandat conféré, devrait être relevée de la déchéance, quelle que soit la cause justificative de l’inaction du professionnel concerné, ce qui reviendrait à outrepasser sans cause légitime des délais par ailleurs fixés à titre obligatoire par le législateur, le relevé de déchéance étant à interpréter de façon restrictive, vu son caractère exceptionnel, suivant la loi précitée du 22 décembre 1986.

En l’espèce, aucune justification valable de l’inaction du professionnel initialement chargé du dossier de la demanderesse n’a été établie, de sorte qu’aucune impossibilité d’agir dans le chef du mandataire de la demanderesse ne saurait être retenue par le tribunal.

Il échet également de constater que la demanderesse n’a entrepris aucune diligence en vue de s’assurer de la bonne exécution de son mandat et ce n’est que lorsqu’un refus de prolongation de son autorisation de séjour a été prononcé au courant du mois de novembre 2000, qu’elle s’est rendue auprès de son avocat.

Il s’ensuit que le deuxième cas d’ouverture du relevé de déchéance n’est pas vérifié en l’espèce.

A ce titre, il est sans incidence que le mandataire de la demanderesse ait été désigné d’office par le bâtonnier et non pas librement par celle-ci, étant donné que par cette désignation, qui n’a pas été contestée par la demanderesse, l’avocat ainsi nommé est chargé de défendre les intérêts de sa mandante et il agit en nom et pour compte de cette dernière. Le moyen non autrement précisé que les conditions d’un véritable mandat ne seraient pas données est partant à rejeter.

La requête en relevé de forclusion n’est par voie de conséquence pas fondée.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare la demande en relevé de forclusion recevable ;

au fond la dit non justifiée et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge 4 Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 24 septembre 2001 par le vice président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13162
Date de la décision : 24/09/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-09-24;13162 ?

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