Tribunal administratif N° 13142 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2001 Audience publique du 24 septembre 2001
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Requête formée par Madame … MEHMEDOVIC en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 13142 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2001 par Maître Benoît ARNAUNE-GUILLOT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MEHMEDOVIC, sans état particulier, née le … à Novi Pazar, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 21 décembre 2000, notifiée le 22 janvier 2001, portant refus du statut de réfugié politique ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2001 ;
Vu les pièces versées en cause ;
Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Benoît ARNAUNE-
GUILLOT et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
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Madame … MEHMEDOVIC, préqualifiée, se vit notifier à personne en date du 22 janvier 2001, une décision du ministre de la Justice datant du 21 décembre 2000, portant refus dans son chef du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, prononcée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.
En date du 29 mars 2001, Madame MEHMEDOVIC a fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux contre la décision précitée du ministre de la Justice du 21 décembre 2000.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’elle aurait, en vue d’exercer le recours prévu par la loi contre la décision ministérielle de refus, contacté le délégué du bâtonnier pour se voir désigner un avocat dans le cadre de l’assistance judiciaire. Elle fait exposer qu’elle n’aurait pas encore reçu de réponse du bâtonnier lui confirmant qu’elle bénéficiera effectivement de l’assistance judiciaire.
Le mandataire de la demanderesse relève encore n’avoir reçu aucune pièce qui lui aurait permis de prendre position et « de répliquer utilement à l’argumentaire développé par le ministre de la Justice dans son courrier du 21 décembre 2000 » et qu’il n’aurait pu consulter le dossier de sa mandante qu’en date du 20 mars 2001. Il soutient que ce serait en raison « de cette combinaison malencontreuse d’impondérables » que la demanderesse se serait trouvée dans « l’impossibilité d’agir dans le délai requis par la loi, à savoir un mois ».
Le délégué du gouvernement fait valoir que les deux conditions posées par l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice ne seraient pas remplies en l’espèce.
La requête en relevé de déchéance, non autrement contestée sous ce rapport, ayant été présentée suivant les formes et délai prévus par la loi, elle est recevable.
La loi précitée du 22 décembre 1986 dispose en son article 1er que « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».
Il est constant en cause qu’à partir de la notification en date du 22 janvier 2001, la demanderesse a eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, étant entendu que ladite décision comprend l’indication complète des voies de recours ensemble l’indication de sa communication à la demanderesse.
La demanderesse ne rentre dès lors pas sous les prévisions du premier cas d’ouverture d’un relevé de déchéance prévu par la loi.
L’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 prévoit néanmoins un autre cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance, à savoir l’hypothèse dans laquelle, bien que le demandeur a eu connaissance de l’acte en question, il était néanmoins dans l’impossibilité d’agir.
Le relevé de forclusion, intervenant par rapport à des délais de recours ayant un caractère d’ordre public ainsi qu’un effet en principe automatique, constitue un incident grave et exceptionnel de sorte qu’il y a lieu d’interpréter la notion d’impossibilité d’agir d’une manière restrictive ( cf. Cour d’appel, 20 décembre 1991, Pas. 28, p. 250).
Il incombe partant à la demanderesse - qui a été informée sur les voies et délai de recours - d’établir une impossibilité d’agir dans son chef.
En l’espèce, force est de constater qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que la demanderesse ait effectué dans le délai légal imparti pour agir en justice une démarche quelconque consistant soit à contacter directement un avocat de son choix soit à s’adresser à un organe compétent en vue de se faire désigner un avocat à commettre d’office en vue 2 de le charger de la défense de ses intérêts. En effet, la simple affirmation qu’elle aurait contacté le délégué du bâtonnier pour se voir désigner un avocat sans préciser à quelle date elle aurait effectué cette diligence, notamment de rapporter la preuve qu’elle a effectué cette démarche avant l’expiration du délai légal d’agir en justice, ne suffit dès lors pas à la relever de la déchéance encourue. Elle n’avance par ailleurs aucune justification pour établir qu’elle se trouvait dans l’impossibilité d’agir dans le délai légal, d’autant plus qu’il lui était possible, quoi que hors du délai du recours contentieux, de s’adresser à son mandataire actuel et qu’elle a pu introduire le présent recours.
Il découle des considérations qui précèdent que le deuxième cas d’ouverture du relevé de déchéance n’est à son tour pas vérifié en l’occurrence.
La requête en relevé de forclusion n’est par voie de conséquence pas fondée.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare la demande en relevé de forclusion recevable ;
au fond la dit non justifiée et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 24 septembre 2001 par le vice président, en présence de M.
Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 3