La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2001 | LUXEMBOURG | N°13060

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2001, 13060


Numéro 13060 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2001 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … KURGAS, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13060 du rôle, déposée le 13 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Esbelta DE FREITAS, avocat à la Cour, assistée

de Maître Olivia KIRSCH, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des av...

Numéro 13060 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2001 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … KURGAS, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13060 du rôle, déposée le 13 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Esbelta DE FREITAS, avocat à la Cour, assistée de Maître Olivia KIRSCH, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KURGAS, né le … à Bijelo Polje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 janvier 2001 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivia KIRSCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 juillet 2001.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 19 avril 1999, Monsieur … KURGAS, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur KURGAS fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur KURGAS fut entendu en date du 23 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile, une audition complémentaire ayant eu lieu le 21 décembre 2000.

Le ministre de la Justice informa Monsieur KURGAS, par lettre du 8 janvier 2001, notifiée en date du 14 février suivant, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet de sa demande d’asile, Monsieur KURGAS a fait introduire un recours en annulation par requête déposée le 13 mars 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, la décision ministérielle du 8 janvier 2001 n’a pu faire l’objet que d’un recours en réformation.

Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit (Cour adm. 30 mai 2000, Pjanic, n° 11891C). Le recours en annulation est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il aurait fondé sa décision sur un examen superficiel des faits sans prendre en considération ses craintes réelles de persécution en raison de son origine. Il fait valoir qu’en tant que musulman, il aurait été contraint de quitter le Monténégro où les populations concernées ne parviendraient pas à cohabiter et où il lui serait impossible de retourner en toute sécurité au vu des circonstances politiques et économiques et de la grande insécurité y régnant, emportant l’existence d’un danger concret de persécution à son égard du fait de ses origines. Estimant que la Convention de Genève n’exigerait nullement que la personne concernée ait déjà fait l’objet d’actes de persécution, mais simplement une crainte légitime de persécution, il conclut que sa crainte de subir des représailles et des persécutions en cas de retour au Monténégro serait fondée et que la décision ministérielle attaquée devrait encourir l’annulation.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait 2 de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 10052C, Adrovic, Pas.

adm. 1/2000, v° Recours en annulation, n° 7).

En l’espèce, les moyens du demandeur s’analysent en substance en l’expression d’un sentiment général de peur, sans qu’il n’ait établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que sa vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il y a lieu de relever à cet égard qu’il a déclaré lors de son audition en date du 21 décembre 2000 qu’il n’a pas subi personnellement de persécutions, qu’il a « peur de l’Etat, du régime politique, de l’armée » et qu’il a quitté son pays d’origine « à cause de tout : la situation politique, la crise économique. C’est très dur de vivre là-bas ». Quant à sa peur liée à sa religion musulmane, le demandeur a certes déclaré avoir peur des Serbes, mais, dans la mesure où il a confirmé ne pas avoir été menacé personnellement, cette peur s’analyse pareillement en une crainte exprimée d’une manière générale, sans que le demandeur n’ait établi, voire allégué des éléments suffisamment concrets permettant de conclure à l’existence d’une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Le demandeur reste partant en défaut d’établir des faits suffisants pour faire admettre que le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation en lui refusant la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Il résulte des développements qui précèdent que la décision attaquée repose sur des motifs valables et que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

3 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juillet 2001 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13060
Date de la décision : 25/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-25;13060 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award