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25/07/2001 | LUXEMBOURG | N°13019

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2001, 13019


Tribunal administratif Numéro 13019 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2001 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par les époux … CALAKOVIC et … … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13019 du rôle, déposée le 7 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsie...

Tribunal administratif Numéro 13019 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2001 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par les époux … CALAKOVIC et … … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13019 du rôle, déposée le 7 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CALAKOVIC, né le … à Drage/Tutin (Serbie/Yougoslavie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), tous les deux de nationalité yougoslave, agissant tant en nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, … et …, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 octobre 2000 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 juin 2001.

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Le 25 juin 1999, Monsieur … CALAKOVIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs communs … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, les époux CALAKOVIC-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Madame … fut entendue en date du 28 juin 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demandes d’asile, tandis que l’audition correspondante de Monsieur CALAKOVIC eut lieu le lendemain.

Le ministre de la Justice informa les époux CALAKOVIC-…, par lettre du 19 octobre 2000, notifiée en date du 7 février 2001, que leurs demandes avaient été rejetées au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 19 octobre 2000, les consorts CALAKOVIC-… ont fait introduire un recours en réformation par requête déposée le 7 mars 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au ministre une appréciation erronée des faits en ce qu’il a retenu que les éléments par eux soumis ne seraient pas de nature à fonder dans leur chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution. Ils soutiennent que la désertion devrait être admise comme pouvant fonder une crainte légitime de persécution dès lors que l’attitude de la personne visée a été dictée par des raisons politiques et de conscience, voire lorsque son comportement est perçu par les autorités comme un acte d’opposition contre le pouvoir en place et donc comme l’expression d’une opinion politique. Ils exposent plus particulièrement à cet égard que Monsieur CALAKOVIC aurait « refusé pour des raisons de conscience de participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables ». Ils font valoir qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, l’insoumission de Monsieur CALAKOVIC serait sévèrement sanctionnée par les autorités judiciaires et qu’il risquerait de subir une condamnation militaire d’une sévérité disproportionnée l’exposant à un traitement discriminatoire en raison de sa religion musulmane, pour soutenir que cette sanction devrait être considérée comme un acte de répression à caractère politique intolérable justifiant dans leur chef l’existence d’une crainte légitime de persécution. Les demandeurs relèvent à cet égard qu’en raison du système de droit actuellement appliqué en Yougoslavie, la loi fédérale régirait exclusivement toute la matire du service militaire obligatoire et les sanctions pour son non-accomplissement, de manière que notamment la loi d’amnistie votée en novembre 1999 par le parlement monténégrin et d’autres mesures prises par le pouvoir monténégrin pour préserver les jeunes monténégrins d’une participation à des opérations militaires seraient restées dépourvues de tout effet contraignant face aux actions des autorités militaires fédérales lesquelles auraient notamment entamé systématiquement des procès pénaux contre les insoumis monténégrins.

2 Les demandeurs concluent que Monsieur CALAKOVIC, originaire du territoire serbe, risquerait dès lors a fortiori de se faire arrêter dès qu’il traverserait les frontières et serait exposé au risque concret et réel d’être condamné à une peine d’une sévérité disproportionnée, de sorte que le statut de réfugié politique devrait lui être reconnu.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

En cours de procédure contentieuse, les demandeurs ont pu prendre inspection, par l’intermédiaire de leur mandataire, d’une traduction de la loi d’amnistie votée récemment par le parlement yougoslave et visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave produite en cause par le délégué du Gouvernement. Lors des plaidoiries à l’audience, les demandeurs ont fait observer, par l’intermédiaire de leur mandataire, qu’il ne serait pas certain que Monsieur CALAKOVIC pourrait effectivement bénéficier de cette loi d’amnistie.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des 3 demandeurs une crainte justifiée d’être persécuté dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et que, d’autre part, il n’est pas établi qu’actuellement, Monsieur CALAKOVIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés, ni encore qu’il subsiste à l’heure actuelle un risque de poursuites en raison de son insoumission, ni encore qu’une condamnation d’ores et déjà prononcée le cas échéant de ce chef serait encore effectivement exécutée à l’heure actuelle. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, les demandeurs n’établissent pas que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées, ceci compte tenue de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du Parlement de la République Fédérale Yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, dont notamment, à travers les articles du code pénal yougoslave y visés, ceux ayant quitté le pays afin de se soustraire à leurs obligations militaires.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre leur a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juillet 2001 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

4 s. SCHMIT s. CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13019
Date de la décision : 25/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-25;13019 ?

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