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25/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12781

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2001, 12781


Tribunal administratif N° 12781 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2001 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … SAYAD, … (F) contre une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’équivalence des diplômes

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2001 par Maître Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SAYAD, médecin, demeurant à F-…, tendant...

Tribunal administratif N° 12781 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2001 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … SAYAD, … (F) contre une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’équivalence des diplômes

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2001 par Maître Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SAYAD, médecin, demeurant à F-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 6 novembre 2000 par laquelle la reconnaissance d’équivalence de son diplôme du baccalauréat marocain au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois a été refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 février 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 19 mars 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Pascale PETOUD, en remplacement de Maître Alain GROSS et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre datée du 9 octobre 2000, Monsieur … SAYAD, préqualifié, introduisit auprès du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, dénommé ci-après le « ministre de l’Education nationale », une demande afin d’obtenir l’équivalence de son baccalauréat marocain avec le diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois.

Par lettre du 18 octobre 2000, le ministre de l’Education nationale informa Monsieur SAYAD de ce que « la décision d’équivalence requise dans le cas présent est prise par le ministre de l’Education nationale, de la Formation Professionnelle et des Sports sur la base de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 13 décembre 1954. Le Maroc n’ayant pas signé cette convention, le ministre de l’Education nationale ne dispose d’aucune base légale ni réglementaire pour arrêter la reconnaissance d’un diplôme délivré par le Maroc ».

Le 26 octobre 2000, Monsieur SAYAD s’adressa une nouvelle fois au ministre de l’Education nationale afin d’obtenir « la mise en place d’une procédure d’homologation de [son] baccalauréat », demande qui fut rencontrée par une décision négative datée du 6 novembre 2000, par laquelle le prédit ministre confirma qu’il ne pourrait pas procéder à la reconnaissance du diplôme marocain, étant donné qu’il ne disposerait d’aucune base légale ni réglementaire pour ce faire.

Par requête déposée le 16 janvier 2001, Monsieur SAYAD a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 6 novembre 2000.

Comme unique moyen à l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision méconnaîtrait « l’article 52 du traité CE, devenu après modification, l’article 43 CE, qui doit être interprété en ce sens que, lorsque dans une situation non régie par une directive relative à la reconnaissance mutuelle des diplômes, un ressortissant communautaire présente une demande d’autorisation d’exercer une profession dont l’accès est, selon, la législation nationale, subordonnée à la possession d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d’expérience pratique, les autorités compétentes de l’Etat membre concerné sont tenues de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d’autre part, les connaissances et qualifications exigées par la législation nationale ».

Le demandeur fait préciser dans ce contexte que les autorités françaises auraient reconnu le diplôme marocain du baccalauréat lors de l’attribution du diplôme de spécialité en pédiatrie et de la délivrance de l’autorisation d’exercer la médecine en France.

Il conclut de ce qui précède que la décision ministérielle attaquée serait dépourvue de toute base légale et serait partant à annuler.

Il demande finalement l’allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile.

Le délégué du gouvernement fait valoir, d’une part, que le demandeur, qui base son recours sur l’article 43 du traité CE relatif à la liberté d’établissement à l’intérieur de l’Union Européenne, n’aurait pas établi qu’il est un ressortissant européen et, d’autre part, que le recours ne contiendrait aucun élément concret quant à une profession que le demandeur entendrait exercer au Luxembourg.

Il estime que le refus ministériel serait motivé à suffisance de droit par le fait que le Maroc n’est pas signataire de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 13 décembre 1954, dénommée ci-après la « Convention de Paris », et qu’il n’existerait donc pas de base légale pour accorder l’équivalence demandée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser qu’il serait de nationalité française, qu’en date du 5 juin 1990, il aurait obtenu un diplôme de l’université de Rennes 2 attestant des études spéciales en pédiatrie et puériculture, que par arrêté ministériel du 29 mars 2000, le gouvernement français l’aurait autorisé à exercer la médecine en France et que depuis le 14 avril 2000, il serait admis par le conseil départemental de l’Ordre des Médecins de la Moselle à faire état de la qualité de médecin spécialiste en pédiatrie.

Le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle précitée du 6 novembre 2000, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il est constant en cause que le demandeur s’est adressé au ministre de l’Education nationale en vue d’obtenir la reconnaissance d’équivalence de son diplôme de baccalauréat marocain au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois.

Au Luxembourg, la décision d’équivalence est prise par le ministre de l’Education nationale sur la base de la Convention de Paris qui pose dans son article 1er, paragraphe premier, l’obligation pour chaque partie contractante de reconnaître aux diplômes délivrés sur le territoire des autres parties contractantes la même qualification que celle qui y est attachée dans le pays d’origine. Néanmoins, il convient de constater que le Maroc n’a pas adhéré à la Convention de Paris, de sorte que les diplômes délivrés par le Maroc ne tombent pas dans le champ d’application de la dite convention.

Par conséquent, l’autonomie du Grand-Duché de Luxembourg quant à la faculté de reconnaissance sur son territoire des diplômes qui sont délivrés dans un Etat tiers reste complète et le Grand-Duché ne saurait être obligé de reconnaître un diplôme délivré dans un Etat tiers en raison du seul fait qu’un autre pays signataire ou pays ayant adhéré à la Convention de Paris, usant de la même faculté, a volontairement et unilatéralement reconnu ledit diplôme. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’admission en équivalence de son baccalauréat marocain aurait été reconnue, du moins implicitement, par un diplôme intitulé « attestation d’études spéciales de pédiatrie et de puériculture » délivré par l’université de Rennes en date du 5 juin 1990, n’est pas fondé.

Le tribunal est encore appelé à examiner le moyen du demandeur tiré de la violation du droit communautaire, notamment de l’article 43 CE, concernant le droit d’établissement à l’intérieur de la Communauté.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle est essentiellement limité dans la mesure des griefs invoqués, eux-mêmes conditionnés par l’intérêt à agir existant dans le chef du recourant à la base de la requête introduite.

Par ailleurs, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise.

Il se dégage de la lettre adressée en date du 26 octobre 2000 au ministre de l’Education nationale que le demandeur a uniquement sollicité la reconnaissance d’équivalence de son diplôme de baccalauréat marocain au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois et non pas l’homologation d’un diplôme ou autre titre équivalent donnant droit à l’exercice d’une 3 profession au Luxembourg. D’ailleurs, il ne ressort d’aucun élément ou pièce du dossier que le demandeur a sollicitée une autorisation d’établissement au Luxembourg ou que la demande en reconnaissance d’équivalence précitée ait été introduite dans le cadre d’un futur établissement au Luxembourg. En effet, ce n’est qu’au cours de la procédure contentieuse que le demandeur a fait valoir qu’il entend exercer une profession au Luxembourg et plus particulièrement celle de médecin spécialiste en pédiatrie.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision ministérielle violerait l’article 43 du traité CE, étant donné que le ministre compétent aurait été tenu d’examiner « sa demande d’autorisation d’exercer une profession (…) ». Néanmoins, comme relevé ci-dessus, le demandeur a uniquement sollicité l’équivalence de son baccalauréat marocain et, à aucun moment de la procédure, il a précisé qu’il souhaiterait exercer une profession au Luxembourg, et notamment celle de médecin spécialiste en pédiatrie, de sorte que le moyen tiré de la violation de la liberté d’établissement, par ailleurs non autrement développé, est à écarter. En effet, une décision portant sur la non-reconnaissance d’équivalence d’un diplôme ne saurait, en elle-même, avoir une influence sur les libertés de circulation et d’établissement, telles que garanties par le droit communautaire, d’autant plus qu’en l’espèce, le ministre d’Education nationale a valablement pu refuser l’équivalence sollicitée en se basant sur l’absence de ratification par le Maroc de la Convention de Paris, comme il a été retenu ci-avant.

Il y a lieu de rappeler dans ce contexte, que le tribunal est saisi en l’espèce d’un recours dirigé contre une décision du ministre de l’Education nationale qui a refusé de reconnaître le baccalauréat marocain comme étant équivalent au diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires. L’objet de la demande et la décision subséquente du ministre limitent donc le cadre du recours, le tribunal statuant par rapport à la décision administrative lui déférée.

Le ministre n’ayant pas été tenu et ne s’étant pas prononcé sur un éventuel droit d’établissement du demandeur, les développements y afférents du demandeur sont à écarter purement et simplement.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et doit être rejeté.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure, erronément basée sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, seul l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pouvant servir de base légale à une telle demande.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

4 rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 juillet 2001, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12781
Date de la décision : 25/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-25;12781 ?

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