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25/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12677

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2001, 12677


Tribunal administratif N° 12677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2000 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … MAOUJOUD, … contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal admi

nistratif le 22 décembre 2000 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au table...

Tribunal administratif N° 12677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2000 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … MAOUJOUD, … contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2000 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MAOUJOUD, docteur en sciences, demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1.) d’une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du 19 octobre 2000 portant refus d’homologuer son diplôme de docteur en sciences et 2.) d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 13 juillet 2000 par laquelle la reconnaissance d’équivalence de son diplôme du baccalauréat marocain au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois a été refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 5 mars 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Dean SPIELMANN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … MAOUJOUD, né en 1958, de nationalité luxembourgeoise, obtint son baccalauréat au Maroc en juin 1976. Il poursuivit des études universitaires au Maroc où il reçut en juin 1980 le diplôme de licence en chimie à la faculté des sciences - Université Mohammed V - Rabat. Il obtint en juin 1981 un diplôme d’études approfondies (DEA) et en mai 1984 le diplôme de doctorat de 3ème siècle de l’Université Mohammed V, Faculté des Sciences.

En 1987, il entama des études en Belgique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) qui lui délivra en novembre 1990 le diplôme de « doctorat en sciences ».

De 1993 à 1997, il était engagé par une entreprise luxembourgeoise en qualité d’ingénieur des procédés et de 1997 à 1999 par une autre entreprise luxembourgeoise en qualité de chimiste.

Suite à un avis paru dans un quotidien luxembourgeois concernant le recrutement auprès des lycées et des lycées techniques notamment de professeurs de sciences, le demandeur s’adressa en date du 12 juillet 2000, d’une part, au ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, dénommé ci-après le « ministre de l’Education nationale », pour soumettre sa demande afin d’obtenir l’équivalence de son baccalauréat marocain avec le diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois, et, d’autre part, au ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, dénommé ci-après le « ministre de la Culture », pour solliciter l’homologation de son diplôme de doctorat en sciences délivré par l’ULB, et ceci dans le but de s’inscrire au stage pour le professorat de l’enseignement secondaire au Luxembourg.

Par lettre du 13 juillet 2000, le ministre de l’Education nationale informa Monsieur MAOUJOUD de ce que « la décision d’équivalence requise dans le cas présent est prise par le ministre de l’Education nationale sur la base de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 13 décembre 1954. Le Maroc n’ayant pas signé cette convention, le ministre de l’Education nationale ne dispose d’aucune base légale ni réglementaire pour arrêter la reconnaissance d’un diplôme délivré par le Maroc ».

Par lettre du 19 octobre 2000, le ministre de la Culture déclara sa demande en homologation de son diplôme « doctorat en sciences » irrecevable au motif que l’article 2 du règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en sciences en vue de l’admission au stage pour le professorat de l’enseignement secondaire stipule que « nul ne pourra présenter à l’homologation un diplôme final d’enseignement supérieur étranger en sciences s’il n’est pas titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires, luxembourgeois ou étranger, reconnu équivalent suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur ». Le prédit ministre poursuit en faisant valoir que « par lettre du 13 juillet 2000, le ministre compétent en la matière, le ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports vous a fait savoir qu’il ne dispose d’aucune base légale ni réglementaire pour arrêter la reconnaissance de votre diplôme de fin d’études secondaires délivré au Maroc. La reconnaissance d’équivalence du diplôme de fin d’études secondaires avec le diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires étant une condition préalable à toute demande en homologation, j’ai l’honneur de vous faire savoir que la demande en homologation de votre diplôme en sciences n’est pas recevable ».

2 Par requête déposée le 22 décembre 2000, Monsieur MAOUJOUD a introduit un recours en annulation contre les deux décisions précitées prises respectivement par le ministre de l’Education et par le ministre de la Culture en date des 13 juillet et 19 octobre 2000.

Le demandeur soulève en premier lieu « l’illégalité et l’inconstitutionnalité » de l’article 4 de la loi du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, dans la mesure où le prédit article prévoit une délégation au profit du pouvoir réglementaire pour régler la question de l’homologation des diplômes du baccalauréat d’une école d’un Etat n’ayant pas adhéré à la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 13 décembre 1954, dénommée ci-après la « Convention de Paris », alors que cette matière, en vertu de l’article 23 de la Constitution, serait un domaine réservé du pouvoir législatif. Il critique encore cette délégation, en considération du fait qu’aucune réglementation n’aurait été prise en cette matière par le pouvoir exécutif. Au cas où le tribunal « devait avoir un doute concernant l’inconstitutionnalité de l’article 4 de la loi précitée du 18 juin 1969 », il demande au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle.

Le demandeur estime en deuxième lieu que le ministre aurait procédé à une « interprétation erronée de l’article 2 » du règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en sciences en vue de l’admission au stage pour le professorat de l’enseignement secondaire et qu’il aurait partant commis une « violation du principe de l’épuisement des équivalences ». Dans cet ordre d’idées, il fait valoir qu’il n’appartiendrait pas aux autorités luxembourgeoises de remettre en cause « une équivalence de baccalauréat - fût elle implicite - accordée par une université belge ». Dans ce contexte, il estime encore que l’interprétation donnée par « le ministre » au « texte légal » serait « excessive et disproportionnée alors qu’il exige l’équivalence préalable du diplôme de fin d’études secondaires dont l’équivalence a déjà été - du moins implicitement - admise par l’Université de Bruxelles ». Cette exigence serait excessive au regard de l’objectif poursuivi, à savoir assurer un contrôle de qualité des candidats présentant leur diplôme à l’homologation.

En dernier lieu, il soutient que les décisions ministérielles de refus seraient contraires au droit communautaire et plus particulièrement au principe de libre circulation des personnes et des services prévu par les articles 39 du traité instituant la Communauté économique européenne, ci-après dénommé « CE », (ex-article 48) et 49 CE (ex-article 59) et au droit d’établissement prévu par l’article 43 CE (ex-article 52) ainsi qu’aux directives communautaires 89/48/CE et 92/51/CE, et ceci à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes en matière de liberté de circulation et d’établissement.

Elles seraient en outre contraires aux principes généraux du droit communautaire et notamment au principe de proportionnalité.

A titre subsidiaire, le demandeur propose de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes sur le fondement de l’article 234 CE pour poser la question préjudicielle suivante : « Le fait pour un Etat membre de soumettre l’homologation d’un diplôme universitaire obtenu par un ressortissant de cet Etat membre dans un autre Etat membre à la reconnaissance préalable du diplôme de fin d’études secondaires accomplies dans un Etat tiers alors qu’une équivalence de ce diplôme de fin d’études secondaires a déjà été accordée par les autorités académiques dans l’autre Etat membre, viole-t-il le droit communautaire ? ».

3 Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Culture ainsi que le ministre de l’Education nationale auraient fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Dans sa réplique, le demandeur, tout en reprenant et développant ses moyens initiaux, souligne qu’il détiendrait un diplôme universitaire de niveau bac +4 et que le fait pour devenir professeur en Belgique, il faudrait en plus un diplôme d’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur ne saurait porter à conséquence, étant donné que cette exigence constituerait un élément extrinsèque au diplôme.

Le recours en ce qu’il est dirigé contre les deux décisions ministérielles précitées des 13 juillet et 19 octobre 2000, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Force est de constater de prime abord que le demandeur a présenté ses moyens sans préciser contre lesquelles des deux décisions attaquées ils sont dirigés. Force est encore de constater que les deux décisions ministérielles des 13 juillet et 19 octobre 2000 sont basées sur le même motif de refus à savoir la non reconnaissance du diplôme de fin d’études secondaires entraînant, d’une part, le refus d’accorder l’équivalence de son baccalauréat marocain avec le diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois et, d’autre part, le refus d’accorder l’homologation de son diplôme de doctorat en sciences. Comme les demandes à la base des deux décisions ministérielles tendent en fait à la même fin, à savoir obtenir l’homologation de son diplôme de doctorat en sciences et comme les décisions ministérielles litigieuses, nonobstant le fait qu’elles émanent de deux ministres agissant chacun dans sa sphère de compétence propre, sont basées sur le même motif de refus, il y a lieu d’analyser les moyens proposés par le demandeur comme étant dirigés contre la décision finale du ministre de la Culture qui englobe celle prise antérieurement par le ministre de l’Education nationale dans la mesure où elle s’y réfère expressément et qu’elle reprend sa motivation.

Avant d’analyser les moyens et arguments développés par les parties à l’instance, il convient encore de situer le cadre juridique du présent litige.

Il est constant en cause que le demandeur, titulaire d’un diplôme de doctorat en sciences délivré par l’ULB de Bruxelles, s’est adressé, d’une part, au ministre de l’Education nationale en vue d’obtenir la reconnaissance d’équivalence du diplôme de baccalauréat marocain au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois et, d’autre part, au ministre de la Culture pour solliciter l’homologation du diplôme de doctorat en sciences dans le but de s’inscrire au stage pour le professorat de l’enseignement secondaire en vue d’accéder à la profession d’enseignant. Le demandeur n’est pas titulaire d’un diplôme qui lui donne un accès direct à l’enseignement secondaire supérieur en Belgique, c’est-à-dire d’un diplôme lui permettant d’y accéder directement et d’exercer la profession d’enseignant, mais il y devrait poursuivre une formation professionnelle supplémentaire en vue de ce faire. Mais plutôt que de suivre cette voie en Belgique, il a opté pour la poursuite de sa formation professionnelle au Luxembourg afin d’accéder à ladite profession.

Au Luxembourg, la formation post-universitaire requise pour accéder à la profession d’enseignant est organisée par le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 concernant la formation 4 théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement postprimaire.

L’article 2 dudit règlement grand-ducal de 1999 dispose que « (…) les aspirants aux fonctions de professeurs de lettres ou de sciences doivent ou bien justifier du grade de docteur en philosophie et lettres ou en sciences physiques et mathématiques ou en sciences naturelles conféré selon la loi du 5 août 1939 sur la collation des grades, ou bien, avoir obtenu l’homologation de leurs titres et grades étrangers d’enseignement supérieur selon la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur ».

Aux termes de l’article 4 alinéa 4 de loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur « nul ne pourra présenter à l’homologation un diplôme final d’enseignement supérieur étranger, s’il n’est pas titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires, luxembourgeois ou étranger reconnu équivalent suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur ».

Il convient de préciser que la loi du 20 avril 1977 modifiant la loi précitée du 18 juin 1969 a notamment ajouté un sixième alinéa à l’article 4 précité, aux termes duquel « un règlement grand-ducal peut déterminer la procédure et les conditions d’une reconnaissance d’équivalence au certificat luxembourgeois de fin d’études secondaires des diplômes étrangers correspondants délivrés par des pays qui n’ont pas adhéré à la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et approuvée par la loi du 13 décembre 1954 ». - Il ressort des documents parlementaires relatifs à ladite loi de 1977 que « (…) la condition préalable indispensable à la présentation d’une demande d’homologation est d’être titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires. Si ce diplôme a été obtenu à l’étranger, il faut qu’il soit reconnu équivalent au certificat de fin d’études secondaires luxembourgeois suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur. La réglementation en vigueur découle de la "Convention européenne relative à l'équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires" (Convention de Paris) signée le 11 décembre 1953 (…). Il n'y a donc pas de réglementation pour les diplômes délivrés par les pays non-membres du Conseil de l'Europe » (doc. parl. n°20561, rapport de la commission de l'Education Nationale et des Affaires Culturelles, p. 3). « Cette lacune rend irrecevables, aux termes de l’alinéa 4 de l’article 4 de la loi du 18 juin 1969, les demandes en homologation des personnes, de nationalité luxembourgeoise ou étrangère, titulaires d’un certificat de fin d’études émis par un pays qui n’a pas adhéré à la Convention de Paris (…) » (doc. parl. n°2056, exposé des motifs, p.4). - Il convient de constater que jusqu’à ce jour, aucun règlement grand-ducal n’a encore été pris sur base de ladite disposition habilitante.

La Convention de Paris pose dans son article 1er, paragraphe premier, l’obligation pour chaque partie contractante de reconnaître aux diplômes délivrés sur le territoire des autres parties contractantes la même qualification que celle qui y est attachée dans le pays d’origine.

Néanmoins, il convient de constater que le Maroc n’a pas adhéré à la Convention de Paris, de sorte que les diplômes délivrés par le Maroc ne tombent pas dans le champ d’application de la dite convention.

Par conséquent, l’autonomie du Grand-Duché de Luxembourg quant à la faculté de reconnaissance sur son territoire des diplômes qui sont délivrés dans un Etat tiers reste 5 complète et le Grand-Duché ne saurait être obligé de reconnaître un diplôme délivré dans un Etat tiers en raison du seul fait qu’un autre pays signataire ou pays ayant adhéré à la Convention de Paris, usant de la même faculté, a volontairement et unilatéralement reconnu ledit diplôme. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’admission en équivalence de son baccalauréat marocain aurait été reconnue par une décision d’équivalence d’études délivrée par l’U.LB. en date du 9 septembre 1987 n’est pas fondé.

Concernant le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de l’article 4 alinéa 6 de la loi précitée du 18 juin 1969 en ce que le législateur a voulu « déléguer l’ensemble de la matière des équivalences au pouvoir réglementaire, du moins pour ce qui est des pays n’ayant pas adhéré à la convention de Paris », il y a lieu de relever que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 23 de la Constitution « [la loi] règle (…) tout ce qui est relatif à l’enseignement ( …) », de sorte que la Constitution a réservé à la loi la matière déterminée de l’enseignement, néanmoins dans le cas d’espèce, il est reproché au législateur voire au pouvoir exécutif de ne pas avoir satisfait à son obligation d’édicter une réglementation. En effet, dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser que « le législateur a accordé un blanc-seing au pouvoir réglementaire qui non seulement a mal exécuté ce mandat, mais n’est pas intervenu du tout ».

Abstraction faite de la question de savoir si l’article 4 alinéa 6 de la loi précitée du 18 juin 1969 accorde effectivement un « blanc-seing » au pouvoir réglementaire et de ce que l’inconstitutionnalité d’une loi ne peut pas résulter du fait que le pouvoir exécutif n’a pas pris une mesure d’exécution d’une disposition législative, force est de relever que les décisions litigieuses sont basées sur l’article 4 alinéa 4, complété par la Convention de Paris, de sorte qu’elles disposent d’une base légale suffisante. Le demandeur n’a de ce fait aucun intérêt à soulever le moyen de l’inconstitutionnalité de l’article 4 alinéa 6 de la loi précitée du 18 juin 1969, étant donné que même si l’inconstitutionnalité de la prédite disposition devait être constatée, les décisions litigieuses n’encourraient pas pour autant l’annulation.

En effet, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a fait préciser que la Convention de Paris constitue la base légale sur laquelle se fonde le ministre de l’Education nationale pour reconnaître un diplôme étranger sanctionnant des études postprimaires équivalent au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois et que le Luxembourg n’est pas « fautif de ne pas avoir pris de réglementation complétant la convention précitée, étant donné qu’aucune disposition légale de droit international ne force un Etat signataire de la Convention de Paris à prendre, à l’encontre d’un Etat non signataire, des dispositions légales « spéciales » permettant de procéder à la reconnaissance de [ses] diplômes, alors que l’Etat non signataire a pris la volonté délibérée de ne pas adhérer à cette convention. (…) De ce fait, la base légale sur laquelle repose une reconnaissance d’un baccalauréat marocain est la convention précitée ».

Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen tendant à voir constater l’inconstitutionnalité de l’article 4 alinéa 6 est à écarter et que la demande tendant à poser une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle est à rejeter pour être non pertinente et non concluante.

Le tribunal est encore appelé à examiner le moyen du demandeur tiré de la violation du droit communautaire, notamment des articles 39, 43, et 49 du traité instituant la Communauté économique européenne et des directives communautaires 89/48/CE et 92/51/CE.

6 Le traité instituant la Communauté économique européenne prohibe les discriminations exercées en raison de la nationalité (article 7 du traité). Les articles 39, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs salariés à l’intérieur de la Communauté, 43 et 49, en ce qui concerne le droit d’établissement et la libre prestation de services ont notamment pour objet de mettre en oeuvre le principe fondamental de non-discrimination et l’article 57 dudit traité prévoit l’adoption d’instruments juridiques « visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres », afin de garantir l’exercice effectif de la libre circulation professionnelle.

C’est en application du prédit article 57 que le conseil des ministres de l’Union Européenne a pris les deux directives invoquées par le demandeur, à savoir la directive n° 89/48 du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, entrée en vigueur le 4 janvier 1991 et transposée en droit luxembourgeois par une loi du 13 août 1992, complétée par deux règlements grand-ducaux des 2 juin 1994 et 16 avril 1996, étant précisé que, pour ce qui concerne la profession des enseignants de l’enseignement postprimaire, le Luxembourg a adopté en outre le règlement grand-ducal précité du 2 juin 1999 qui, dans son article 4, par référence aux directives précitées, définit les conditions d’études afin de pouvoir avoir accès à la profession de l’enseignant de l’enseignement secondaire et la directive n° 92/51 du 18 juin 1992, relative à un système de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive n° 89/48, entrée en vigueur le 18 juin 1994 et transposée en droit luxembourgeois par règlements grand-

ducaux des 2 juin 1994 et 16 avril 1996.

Le tribunal doit en premier lieu examiner la question de savoir si le demandeur est en droit d’invoquer les garanties accordées par le droit communautaire et les systèmes de reconnaissance des diplômes susvisés.

Il est constant en cause qu’il s’agit d’un ressortissant d’un Etat membre, en l’espèce d’un ressortissant luxembourgeois, qui a acquis, dans un autre Etat membre, en l’espèce la Belgique, une qualification universitaire complémentaire à sa formation de base et dont il entend se prévaloir après son retour dans son pays d’origine. Il s’agit donc d’une situation où le droit communautaire a vocation à s’appliquer (cf. Cour de Justice des Communautés Européennes, arrêt D. Kraus c. Land Baden-Württemberg, aff. C.19/92, Rec., p. I-1663) Il convient ensuite d’analyser le champ d’application des deux directives précitées n° 89/48 du 21 décembre 1988 et n° 92/51 du 18 juin 1992, qui instituent, la première, un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur et, la deuxième, un système général complémentaire. Abstraction faite de toutes autres considérations et différences entre les systèmes général et complémentaire, force est de constater que si les deux directives visent effectivement à garantir la libre circulation professionnelle et, par conséquent, des mesures tendant à en faciliter l’usage, il convient de ne pas perdre de vue que leur champ d’application est limité aux diplômes qui préparent à l’accès et à l’exercice d’une profession déterminée, c’est-à-dire aux diplômes qui répondent aux exigences minimales de formation pour l’accès à une profession dans l’Etat de délivrance du diplôme.

Dans ce contexte, il convient de citer Madame Hildegard SCHNEIDER, « Die Anerkennung von Diplomen in der Europäischen Gemeinschaft », Ius Commune - Metro, p.

172, selon laquelle: « Aus dem Diplom muss desweiteren hervorgehen, "dass der 7 Zeugnisinhaber über die beruflichen Voraussetzungen verfügt, die für den Zugang zu einem reglementierten Beruf oder dessen Ausübung in diesem Mitgliedstaat erforderlich sind, wenn die durch das Diplom, Prüfungszeugnis oder einen sonstigen Befähigungsnachweis bescheinigte Ausbildung überwiegend in der Gemeinschaft erworben wurde" (…). Ist in einem Mitgliedstaat der Zugang zum Beruf zusätzlich von einer an die Prüfung anschliessenden einführenden Tätigkeit unter Anleitung einer Person, die den vollen Berufstatus hat, abhängig, ist erst mit dem Zeugnis über den Abschluss dieser einführenden Tätigkeit " die über das Studium hinaus erforderliche Ausbildung" abgeschlossen. Man spricht in diesem Zuammenhang von dem sogenannten "Endprodukt". Ein typisches Beispiel für ein "Endprodukt" ist der Beruf des Rechtsanwalts. In nahezu allen Mitgliedstaaten bedarf der Rechtsanwalt zur Zulassung nicht nur den Nachweis seiner akademischen Qualifikation, sondern auch eine Bescheinigung der praktischen Ausbildung [selon une note en bas de page -

« Eine Ausnahme gilt lediglich für Spanien »]. (…) Der Inhaber eines Universitätsdiploms, ohne die anschliessende für die Ausübung eines bestimmten Berufes geforderte Praxisausbildung, fällt daher nicht unter den Anwendungsbereich der Richtlinie [89/48/CE], da er nicht als Endprodukt qualifiziert werden kann ».

En l’espèce, à défaut d’être titulaire d’un diplôme donnant accès direct à la profession d’enseignant de l’enseignement secondaire, le demandeur n’étant en possession que d’un diplôme dit « académique », les directives précitées ne sont pas applicables et les moyens et arguments afférents sont à écarter, de même que sont à écarter comme non fondés les moyens, non autrement développés, tirés de la violation des articles 39, 43 et 49 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Il convient encore de relever que l’article 1er point a) de la directive précitée n° 89/48 du 21 décembre 1988, pose en outre comme condition que la formation sanctionnée par le diplôme, certificat ou autre titre doit être acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté. Force est de constater qu’en l’espèce le demandeur n’a réalisé que 3 années d’études en Belgique, la formation primaire, post-primaire et même universitaire ayant été effectuée au Maroc. Or, il résulte de l’ouvrage précité de Madame Hildegard SCHNEIDER ce qui suit : « Weiteres Kriterium für die Qualifikation zum « Endprodukt » ist, dass die Gesamtausbildung « überwiegend » in der Gemeinschaft stattgefunden hat. Die Anforderung « überwiegend » hat bei der Umsetzung der Richtlinie zu unterschiedlichen Interpretationen geführt. Einige Mitgliedstaaten sahen nur dann das Kriterium « überwiegend » in der Gemeinschaft genossene Ausbildung erfüllt, wenn die Ausbildung zumindest zu zwei Drittel in der Gemeinschaft stattgefunden hat. Diese Interpretation ist m.E. jedoch zu restriktiv. Eine überwiegend in der Gemeinschaft genossene Ausbildung liegt auch dann vor, wenn diese zu mehr als fünfzig Prozent in der Gemeinschaft absolviert worden ist. Ansonsten müssen die Anerkennungskriterien für Drittstaatsdiplome gelten ». Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur ne tombe dès lors pas dans le champ d’application de la directive précitée pour ne pas avoir réalisé au moins la moitié de ses études en Belgique, le demandeur restant par ailleurs en défaut de prouver qu’il remplit les conditions pour la reconnaissance du diplôme délivré par un Etat tiers.

Dans cet ordre d’idées, il n’y a pas non plus lieu d’analyser plus spécifiquement le moyen d’annulation tiré de ce que les décisions ministérielles attaquées violeraient le principe de proportionnalité en droit communautaire, ce dernier n’étant pas applicable en l’espèce.

8 Au vu des développements qui précèdent, il y a également lieu de rejeter la demande tendant à voir poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes pour ne pas être concluante ni pertinente.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et doit être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

rejette la demande tendant à soumettre une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle ;

rejette également la demande tendant à soumettre une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 juillet 2001, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12677
Date de la décision : 25/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-25;12677 ?

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