Tribunal administratif N° 12382 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2000 Audience publique du 25 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … WIRTZ et son épouse, Madame … SIEBENALER, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de marché public
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 12382 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 2000 par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … WIRTZ, …, et de son épouse, Madame … SIEBENALER, …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2000 approuvant l’avant-projet détaillé de construction du centre scolaire et culturel de Junglinster ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 25 septembre 2000 portant signification de ce recours à l’administration communale de Junglinster ;
Vu le transmis du secrétaire du tribunal administratif du 13 octobre 2000 donnant avis du dépôt du recours au ministre de l’Intérieur ;
Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 25 avril 2001 par laquelle le tribunal administratif a invité les parties à l’instance à produire un mémoire supplémentaire afin de prendre position sur une question soulevée d’office par le tribunal ;
Vu le mémoire intitulé « mémoire supplémentaire » des demandeurs déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2001 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 15 mai 2001 portant signification de ce mémoire à l’administration communale de Junglinster ;
Vu le mémoire intitulé « mémoire supplémentaire » déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mai 2001 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Junglinster ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifé, du 21 mai 2001, portant signification de ce mémoire aux demandeurs ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Alex KRIEPS et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 2000, Monsieur … WIRTZ et son épouse, Madame … SIEBENALER, préqualifiés, ont formé un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre d’une décision du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2000 approuvant l’avant-projet détaillé de construction du Centre scolaire et culturel de Junglinster.
Ladite décision, communiquée au commissaire de district à Grevenmacher, et ayant pour objet « l’avant-projet détaillé d’un Centre scolaire et culture à Junglinster », est libellée comme suit : « En premier lieu, je tiens à signaler que les constructions et aménagements projetés ne sont pas tout à fait conformes aux dispositions du projet d’aménagement général de la commune de Junglinster.
En effet, même si le centre scolaire est projeté dans une zone réservée aux bâtiments et aménagements publics, il fait cependant partie d’un secteur sauvegardé. Or, l’article 10 de la partie écrite du projet d’aménagement général stipule pour ce secteur les règles suivantes :
« Le secteur sauvegardé comprend un ensemble d’architecture rurale dont il convient de chercher la protection, la rénovation et la réhabilitation en tenant compte de l’agencement caractéristique des bâtiments et des aires libres.
A cet effet, toutes démolition, construction, reconstruction, transformation et rénovation de bâtiments existants ou projetés sont interdits tant qu’un plan d’aménagement couvrant l’ensemble du secteur ne règle pas l’implantation et le volume des constructions, leur aspect, l’emploi des matériaux et le cas échéant les plantations nouvelles à effectuer ou que des conditions spéciales et des façades types ne seront pas édictés par le collège des bourgmestre et échevins sur avis d’une commission d’homme de l’art instituée conformément à l’article 57 de la loi du 12 juin 1937 ».
Une procédure en vue d’adopter un règlement spécial concernant notamment le village de Junglinster avait été entamée en 1992. La commission de l’aménagement avait émis un avis en sa séance du 8 juillet 1992. Toutefois cette procédure n’a pas été achevée.
Par ailleurs, des conditions spéciales et des façades n’ont pas non plus été édictées par le collège des bourgmestre et échevins selon la procédure fixée à l’article 57 de la loi du 12 juin 1937.
Au vu des considérations qui précèdent, il importe donc aux autorités communales de se conformer aux dispositions de l’article 10 de la partie écrite du projet d’aménagement général, soit de modifier cet article selon la procédure définie à l’article 9 de la loi du 12 juin 1937.
2 Afin de ne pas retarder davantage l’avancement du projet, j’approuve néanmoins la délibération du 14 mai 1999 ayant trait aux travaux d’agrandissement du centre scolaire à Junglinster et de transformation de l’ancienne école à Junglinster en centre culturel au montant de 420.577.737.- LUF en tant qu’avant-projet détaillé (…).
Dès que le projet définitif sera en conformité avec le projet d’aménagement général de la commune de Junglinster et après avoir été adopté par le conseil communal, les autorités communales pourront communiquer le dossier complet du projet définitif, y compris la demande de subside, à l’autorité supérieure ».
A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’aux termes de l’article 8 du règlement grand-ducal du 10 janvier 1989 portant exécution du chapitre 2 de la loi du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures, un avant-projet détaillé doit être approuvé par l’autorité supérieure. Ils relèvent qu’au titre de l’article 107 de la Constitution, les communes forment des collectivités autonomes et que l’approbation par l’autorité ministérielle d’un acte soumis à contrôle doit en principe être pure et simple. En l’espèce, tel ne serait pas le cas, de sorte que la décision ministérielle « qui n’a ni refusé d’approuver ni approuvé purement et simplement l’avant-projet détaillé soumis pour approbation, viole le principe constitutionnel de l’autonomie communale et doit encourir l’annulation » .
A titre subsidiaire, au cas où le tribunal serait d’avis que la décision critiquée ne serait pas constitutive d’un refus d’approbation (sic !), les demandeurs font valoir qu’elle devrait encourir l’annulation pour violation de l’article 10 du plan d’aménagement général de la commune de Junglinster.
Les parties défenderesse et tierce intéressée ayant omis de déposer un mémoire en réponse dans le délai prévu par la loi, le tribunal a pris l’affaire en délibéré à l’audience fixée pour les plaidoiries.
En date du 25 avril 2001, le tribunal administratif a prononcé la rupture du délibéré en application de l’article 7, paragraphe (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et a invité les parties à prendre position quant à la question de savoir si la décision du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2000 constitue une décision de nature à faire grief, susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux devant les juridictions administratives.
Dans leur mémoire « supplémentaire », les demandeurs font valoir que « le caractère décisoire de l’acte attaqué ne souffre d’aucune contestation, dès lors que les actes de tutelle administrative qui approuvent les actes d’autorités subordonnées ont le caractère d’une condition suspensive à laquelle la loi ordonne l’efficacité de l’acte à approuver. En ce qu’ils produisent des effets juridiques, ces actes présentent dès lors le caractère décisoire nécessaire à ce qu’un recours puisse être introduit à leur encontre ».
Ils estiment en outre que la décision d’approbation du ministre n’aurait ni le caractère d’une simple information ni celui d’une déclaration d’intention.
Pour établir qu’il s’agirait d’une décision de nature à faire grief, ils se livrent à une analyse du règlement grand-ducal précité du 10 janvier 1989 pour conclure que le ministre, en approuvant la délibération du conseil communal du 14 mai 1999 en tant qu’avant-projet 3 détaillé, aurait définitivement marqué son accord quant à l’agrandissement du centre scolaire de Junglinster et sur la transformation de l’ancienne école en centre culturel, ainsi que son accord pour une majeure partie des modalités d’exécution de ce projet.
Ils relèvent finalement que la décision serait susceptible de leur causer grief, étant donné qu’ils seraient propriétaires d’une maison située dans le secteur sauvegardé du village de Junglinster, que la construction du complexe scolaire porterait un préjudice irrémédiable à l’ensemble exceptionnel d’architecture villageoise dans lequel ils auraient choisi de vivre et qu’elle leur causerait en outre une « perte de qualité de vie ».
A titre subsidiaire, ils font valoir qu’un acte préparatoire peut être assimilé à une décision administrative si ledit acte détermine ou limite une décision future qui reste à prendre.
Dans son mémoire supplémentaire, déposé au greffe à la suite de la rupture du délibéré, l’administration communale de Junglinster conclut à l’irrecevabilité du recours pour ne pas être dirigé contre une décision susceptible d’un recours contentieux.
Il ressort des pièces se trouvant à la disposition du tribunal, que le conseil communal de Junglinster, par délibération du 14 mai 1999, a approuvé le « projet remanié avec devis d’un montant de 420.577.637.- francs, TVA et honoraires compris, concernant l’agrandissement du centre scolaire à Junglinster et transformation de l’ancienne école à Junglinster en centre culturel à titre de projet définitif ».
Le ministre de l’Intérieur a approuvé, sous réserves, cet avant projet détaillé par décision du 12 mai 2000, en application du règlement grand-ducal précité du 10 janvier 1989.
Cette approbation est intervenue en vertu des dispositions des articles 5 à 12 du prédit règlement grand-ducal, et plus particulièrement de l’article 8, qui dispose que « l’élaboration des projets de travaux et leur approbation par le conseil et l’autorité supérieure suivront les trois phases suivantes : 1. L’avant-projet sommaire ; 2. L’avant-projet détaillé ; 3. Le projet ».
Force est de constater que la délibération du conseil communal ainsi que l’approbation subséquente par le ministre de l’Intérieur s’inscrivent dans le cadre de la procédure administrative préalable à la passation des marchés publics de travaux et de fournitures. Avant l’adjudication des travaux publics par le collège échevinal, le conseil communal doit, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, conformément à l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 10 janvier 1989, 1) avoir décidé le principe des travaux, fournitures ou services qui font l’objet des contrats, 2) avoir approuvé les projets de travaux visés à l’article 2 (2) du prédit règlement (à savoir les marchés de travaux publics communaux) et 3) avoir prévu l’allocation des crédits nécessaires au règlement de la dépense qui découle de l’exécution des contrats.
Il résulte de l’agencement du règlement grand-ducal précité du 10 janvier 1989 et notamment des dispositions des articles 5 à 12 applicables au cas d’espèce, qu’ils ont pour finalité d’assurer le contrôle des dépenses en matière de marchés publics financés au moyen des deniers publics.
Comme l’a relevé à juste titre l’administration communale de Junglinster, l’approbation ministérielle du 12 mai 2000 ne vaut pas autorisation de construire, mais cette approbation a 4 uniquement une portée financière, en ce qu’elle autorise un montant prévisible de la dépense publique fixé à 420.577.637.- LUF. Cette « approbation » ne dispense pas la commune de l’observation des règles applicables en matière d’urbanisme. Ainsi, le ministre a attiré l’attention de la commune de Junglinster sur la nécessité de se conformer à son propre plan d’aménagement général ainsi qu’à la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.
Il découle des constatations qui précèdent que la décision « d’approbation » du ministre de l’Intérieur est intervenue dans le cadre d’une procédure préparatoire en vue de la passation d’un marché de travaux publics communaux. En effet, le prédit ministre a donné son accord, en émettant certaines réserves, sur un avant-projet détaillé en vue de la passation d’un marché public ultérieur.
Les demandeurs n’ont toutefois pas établi dans quelle mesure l’acte critiqué est de nature à leur causer grief et en quoi consiste leur intérêt à solliciter l’annulation ou la réformation d’une éventuelle décision portant sur l’approbation d’un avant-projet détaillé de construction, « décision » intervenue dans le contexte particulier de la surveillance tutélaire en matière de financement de travaux communaux. En effet, il ne ressort d’aucun élément du dossier que les demandeurs aient un intérêt quelconque à faire introduire un recours contre une prétendue décision rendue en matière de marchés publics, alors qu’ils n’ont à aucun moment marqué leur intention à participer audit marché public.
Abstraction faite de toute autre considération, à défaut par les demandeurs de posséder un intérêt individuel suffisamment caractérisé pour leur conférer un intérêt à agir, la défense de l’intérêt général ne pouvant satisfaire à ce critère, le recours est à déclarer irrecevable.
Encore que l’administration communale de Junglinster, à laquelle le recours fut dûment signifié par exploit d’huissier de justice du 25 septembre 2000, ainsi que le ministre de l’Intérieur, lequel fut avisé en date du 13 octobre 2000 du dépôt du recours, n’aient pas déposé de mémoires en réponse dans le délai légal, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, ceci conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties;
déclare le recours irrecevable ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président, 5 M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 juillet 2001, par le vice-président, en présence de Monsieur Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Schockweiler 6