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18/07/2001 | LUXEMBOURG | N°13027

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juillet 2001, 13027


Tribunal administratif N° 13027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2001 Audience publique du 18 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … XERXA, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13027 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2001 par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … XERXA, né le … à Djakovica (Kosovo/Yougoslavie), ...

Tribunal administratif N° 13027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2001 Audience publique du 18 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … XERXA, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13027 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2001 par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … XERXA, né le … à Djakovica (Kosovo/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er février 2001, lui notifiée suivant courrier recommandé datant du même jour réceptionné le 6 février 2001, refusant de prolonger son autorisation de séjour pour étrangers au Grand-Duché de Luxembourg, venue à échéance le 31 décembre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Véronique ACHENNE en ses plaidoiries à l’audience publique du 27 juin 2001.

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Monsieur … XERXA, préqualifié, a épousé en date du 23 mai 1997 Madame …, de nationalité portugaise, demeurant à Luxembourg. Sur base dudit mariage, Monsieur XERXA s’est vu délivrer une première autorisation de séjour en date du 12 août 1997, laquelle fut prolongée en date des 25 janvier 1999 et 24 janvier 2000.

Par courrier recommandé datant du 1er février 2001, réceptionné par Monsieur XERXA en date du 6 février 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur XERXA de ce qui suit :

« Monsieur, Suite à un réexamen de votre dossier, j’ai dû constater que vous êtes séparé de votre épouse et que la communauté de vie n’existe donc plus.

Or, les autorisations de séjour des 12 août 1997, 25 janvier 1999 et 24 janvier 2000 vous étaient accordées sur base de votre mariage avec Madame ….

Pour le surplus, je constate que vous n’êtes pas en possession de moyens d’existence personnels, légalement acquis, vous permettant d’assurer votre séjour indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient vous faire parvenir, tel que prévu à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Vu ce qui précède, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de prolonger votre autorisation de séjour.

Comme votre autorisation de séjour est venue à échéance le 31 décembre 2000 et que vous séjournez dès lors en séjour irrégulier au pays, vous êtes invité à quitter le pays dans un délai d’un mois. (…) ».

Par requête déposée en date du 8 mars 2001, Monsieur XERXA a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 1er février 2001.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Encore que ledit recours fut signifié à l’Etat par courrier du greffe datant du 8 mars 2001, l’Etat n’a pas fourni de mémoire en réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive, prévu à l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999, précitée, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties.

A l’appui de son recours le demandeur expose qu’il est venu au Luxembourg pour épouser Madame …, laquelle était établie depuis plusieurs années au pays et y travaillait comme femme de ménage. Tout en admettant que les époux ont connu une crise et ont vécu séparés du 20 février 2000 au 2 mars 2001, il fait valoir qu’actuellement ils se seraient réconciliés et vivraient à nouveau sous le même toit sans avoir l’intention de divorcer. Il conclut à l’annulation de la décision déférée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits en relevant qu’il a repris la vie commune et que son épouse s’adonnerait toujours à un travail rémunéré au Luxembourg, de même que lui-même aurait disposé d’un poste de travail rémunéré jusqu’au 25 janvier 2001, date à laquelle son permis de travail a expiré.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

S’il est certes constant en l’espèce qu’en date du 1er février 2001, jour de la prise de la décision déférée, la communauté de vie entre le demandeur et son épouse n’existait plus en fait, il n’en demeure cependant pas moins que leur mariage n’était pas encore dissous et qu’entre-temps, suivant les informations non contestées en cause, les époux se sont réconciliés, de manière à avoir repris leur vie commune à partir du 2 mars 2001 sans qu’un divorce n’ait été envisagé concrètement.

2 Il se dégage des pièces versées au dossier que l’épouse du demandeur est un ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne occupant au Luxembourg un emploi salarié au sens de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales. Il s’ensuit que les dispositions dudit règlement grand-ducal sont également applicables à Monsieur XERXA, en sa qualité de conjoint d’une personne visée sub 1) de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, ceci au vœu même des dispositions inscrites sub 8) dudit article 1er.

L’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 précité en disposant que « les personnes mentionnées à l’article 1er sub 1) à 10), âgées de plus de quinze ans, qui se proposent de résider au Luxembourg plus de trois mois, obtiennent une carte de séjour », consacre dès lors directement dans le chef du demandeur le droit à une carte de séjour au Luxembourg, le droit ainsi consacré au niveau de la législation nationale découlant par ailleurs directement de l’article 10 du règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 qui confère aux ressortissants d’un Etat tiers marié avec un ressortissant communautaire, le droit de s’installer avec leur conjoint sur le territoire d’un Etat membre de l’Union Européenne.

Dans la mesure où ce droit au séjour dérivé à partir du droit à la libre circulation d’un ressortissant communautaire repose directement sur le lien matrimonial les unissant, ce droit est appelé à perdurer, tant que le lien matrimonial n’est pas dissous (v° Jurisclasseur Europe, fasc. 700, n° 20, cf. Cour de Justice des Communautés Européennes, 13 février 1985, aff. 267/83), exception faite d’un mariage blanc, hypothèse non directement invoquée comme motif à la base de la décision déférée. En effet, le ministre n’a fait que constater que la communauté de vie n’existait plus au moment où il a pris la décision déférée, sans alléguer, voire établir pour autant que ledit mariage aurait été, d’emblée, un mariage blanc.

Il s’ensuit que le premier motif de refus basé sur le fait que la communauté de vie entre les époux était dissoute en fait, n’est pas de nature à justifier, en l’état actuel du dossier, la décision ministérielle déférée.

La décision déférée est encore motivée par la considération que Monsieur XERXA n’était pas en possession de moyens d’existence personnels, légalement acquis, lui permettant d’assurer son séjour indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient lui faire parvenir, tel que prévu à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

S’il est certes vrai que sur base de la disposition d’ordre général en la matière prérelatée, l’autorisation de séjour peut en principe être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, il n’en reste pas moins que la situation du demandeur s’inscrit dans le cadre plus spécifique du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 précité, de sorte que le droit de séjourner au Grand-Duché de Luxembourg se dégageant dans son chef des 3 dispositions dudit règlement grand-ducal ne saurait être mis en échec par application de la règle générale relative à l’existence de moyens d’existence personnels dans son chef.

Aucun autre motif n’ayant été invoqué pour justifier, en l’état actuel du dossier, la décision ministérielle déférée, celle-ci encourt partant l’annulation pour violation de la loi.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée du 1er février 2001 et renvoie le dossier au ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juillet 2001 par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13027
Date de la décision : 18/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-18;13027 ?

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