La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12776

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juillet 2001, 12776


Numéro 12776 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2001 Audience publique du 18 juillet 2001 Recours formé par les époux … COKOVIC et … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12776 du rôle, déposée le 15 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … COKOVIC, ...

Numéro 12776 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2001 Audience publique du 18 juillet 2001 Recours formé par les époux … COKOVIC et … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12776 du rôle, déposée le 15 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … COKOVIC, né le … à Dobrusa (Kosovo), et de son épouse, Madame … …, née le … à Godijevo (Monténégro/Yougoslavie), tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-… , agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 novembre 2000 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frédéric NOEL, en remplacement de Maître Eyal GRUMBERG, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2001.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 1er mars 1999, Monsieur … COKOVIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, les époux COKOVIC-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux COKOVIC-… furent entendus séparément en date du 3 novembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux COKOVIC-…, par lettre du 20 novembre 2000, notifiée en date du 15 décembre suivant, que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet de leur demande d’asile, les époux COKOVIC-… ont fait introduire un recours en annulation par requête déposée le 15 janvier 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, la décision ministérielle du 20 novembre 2000 n’a pu faire l’objet que d’un recours en réformation.

Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et des délais dans lesquels le recours doit être introduit (Cour adm. 30 mai 2000, Pjanic, n° 11891C). Le recours en annulation est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent que ce serait à tort que le ministre a rejeté leur demande et ils se basent sur la désertion de Monsieur COKOVIC et le risque de sanctions et représailles en découlant qui devrait être considéré comme fondant dans leur chef un risque très sérieux de persécution. Ils font valoir que la coexistence pacifique entre les différentes communautés au Kosovo ne serait pas encore garantie, de manière que leur peur de représailles de la part de la population albanaise, constituant la majorité ethnique au Kosovo, en raison de l’accomplissement par Monsieur COKOVIC de son service de réserve dans la police serbe.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a 2 pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 10052C, Adrovic, Pas.

adm. 1/2000, v° Recours en annulation, n° 7).

En l’espèce, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée en ce qu’elle énonce que l’insoumission de Monsieur COKOVIC n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs une crainte justifiée d’être persécuté dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

Les demandeurs restent en défaut d’établir des faits suffisants pour ébranler la légalité de cette conclusion et plus particulièrement la subsistance d’un risque actuel de poursuites en raison de l’insoumission de Monsieur COKOVIC ou un risque d’exécution effective à l’heure actuelle d’une condamnation d’ores et déjà prononcée le cas échéant de ce chef, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du Parlement de la République Fédérale Yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave.

Les craintes de persécutions des demandeurs en raison de l’accomplissement par Monsieur COKOVIC de son service au sein de la police serbe ne constituent pas non plus des éléments d’une gravité suffisante pour énerver la légalité de la décision attaquée, étant donné qu’elles constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que les demandeurs n’aient établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que leur vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine.

Il résulte des développements qui précèdent que la décision attaquée repose sur des motifs valables et que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, 3 condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juillet 2001 par:

M. SCHOCKWEILER, vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. SCHOCKWEILER 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12776
Date de la décision : 18/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-18;12776 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award