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15/07/2001 | LUXEMBOURG | N°13689

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juillet 2001, 13689


Tribunal administratif N° 13689 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2001 Audience publique du 15 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13689 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2001 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave...

Tribunal administratif N° 13689 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2001 Audience publique du 15 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13689 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2001 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 10 janvier 2001, notifiée le 5 mars 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative de refus du 28 mai 2001, faisant suite au recours gracieux par lui introduit en date du 4 avril 2001 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 10 janvier 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 juin 2002.

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Le 2 mars 1998, Monsieur …, préqualifié, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du 4 mars 1998, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en outre en dates des 18 novembre et 8 décembre 1998 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 10 janvier 2001, notifiée le 5 mars 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que force serait de constater que le conflit armée entre l’ex-Yougoslavie et le Kosovo est terminé, ce qui aurait eu pour conséquence que les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté le territoire et qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies s’est installée dans cette province où une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies a été mise en place, de sorte que, eu égard au fait notamment que des centaines de milliers de personnes qui avaient quitté le Kosovo au moment du conflit ont réintégré leur foyer après l’entrée des forces internationales sur le territoire, Monsieur … n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre actuellement sa vie intolérable dans son pays d’origine.

Par courrier de son mandataire datant du 4 avril 2001, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 28 mai 2001, il a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 10 janvier et 28 mai 2001 par requête déposée en date du 2 juillet 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Kosovo, de nationalité yougoslave et de religion musulmane et que son départ de son pays d’origine aurait été motivé notamment par des faits qui se sont produits quelques jours avant, en l’occurrence des actes de violence dont il aurait fait l’objet à l’occasion d’une arrestation par la police serbe, lors de laquelle il aurait été très violemment frappé au point qu’il en garderait encore aujourd’hui des séquelles physiques et psychiques. Il reproche au ministre d’avoir fait une appréciation erronée des faits de l’espèce en ce sens que ce serait à tort qu’il est arrivé à la conclusion que les faits par lui invoqués ne justifieraient pas dans son chef une crainte raisonnable de persécution en raison de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou d’une croyance religieuse, et que le ministre n’aurait pas tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait de la gravité des persécutions dont il aurait été victime en raison notamment de sa confession religieuse et de son appartenance ethnique. Il insiste ainsi avoir été torturé et sauvagement frappé par des policiers serbes, alors même que son comportement n’aurait nullement été de nature à justifier pareille réaction, pour soutenir qu’en raison de l’exceptionnelle gravité des persécutions par lui subies, son refus de retourner au Kosovo serait justifié. Il estime que le fait qu’une administration civile ait été mise en place au Kosovo ne lui serait d’aucun secours en raison du caractère particulier des persécutions dont il était victime, de même que l’entrée des forces de la KFOR au Kosovo ne réglerait pas pour autant la situation dans le pays, étant donné que quelques milliers de personnes auraient encore été tuées au Kosovo depuis lors.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur … et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de ses auditions en dates des 18 novembre et 8 décembre 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. - Sur ce, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a relevé que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

En l’espèce, le demandeur se prévaut d’un climat général d’insécurité dans son pays d’origine à l’heure actuelle sans faire état d’un risque particulier de persécution dans son chef, de sorte qu’il n’est pas établit que sa situation subjective spécifique serait telle qu’elle laisserait supposer à l’heure actuelle un danger sérieux pour sa personne.

Quant aux actes de persécution par lui vécus dans le passé, force est de constater qu’ils se situent dans le temps à une époque où les autorités en place n’étaient pas les mêmes qu’à l’heure actuelle, de sorte que, compte tenu de la situation existant aujourd’hui, lesdits faits, aussi dramatiques qu’ils ont pu être par ailleurs, ne justifient pas dans le chef du demandeur la reconnaissance du statut de réfugié.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juillet 2002 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13689
Date de la décision : 15/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-15;13689 ?

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