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12/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12805

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 2001, 12805


Tribunal administratif N° 12805 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 janvier 2001 Audience publique du 12 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12 805 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2001 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …

ADROVIC, né le …, à Podgorcia, Monténégro, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à ...

Tribunal administratif N° 12805 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 janvier 2001 Audience publique du 12 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12 805 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2001 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le …, à Podgorcia, Monténégro, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juin 2000, notifiée le 14 novembre 2000 ainsi que d’une décision confirmative prise sur recours gracieux le 18 décembre 2000 et notifiée le 22 décembre 2000 les deux décisions refusant de faire droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

Le 18 avril 2000, Monsieur … ADROVIC a introduit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le 16 juin 2000, Monsieur ADROVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Par décision du 29 juin 2000, notifiée le 14 novembre 2000, le ministre de la Justice informa le requérant de ce que sa demande avait été rejetée.

Cette décision est motivée comme suit : “ . . . Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre pays d’origine en avril 2000 après avoir reçu l’appel pour le service militaire.

Vous n’avez pas personnellement subi des persécutions, mais vous ne voulez pas rentrer chez vous tant que Milosevic est au pouvoir. Vous affirmez avoir peur de l’armée, de ce qui est fait aux musulmans et de la guerre.

La seule crainte des peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

En outre, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention.

En l’espèce, vous restez en défaut d’exposer un quelconque fait justifiant une telle crainte. Le fait que vous pensez que vous auriez pu être maltraité dans l’armée en raison de votre religion ne saurait fonder une demande d’asile politique au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Par requête déposée le 22 janvier 2001, … ADROVIC a introduit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 29 juin 2000 notifiée le 14 novembre 2000 et de la décision confirmative rendue sur recours gracieux le 18 décembre 2000, notifiée le 22 décembre 2000.

Le tribunal étant compétent, en vertu des dispositions de l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, introduit dans les formes de la loi est recevable.

Au fond, le demandeur fait valoir que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique serait justifiée en ce qu’il remplirait les conditions prévues par la Convention de Genève.

2 Il expose à cet effet qu’il a quitté son pays d’origine parce que l’ensemble de sa famille aurait fait l’objet de discriminations par les autorités serbes en raison de leur appartenance à la minorité ethnique Boshniaque et parce qu’il aurait refusé d’être enrôlé dans les forces militaires yougoslaves étant donné qu’il ne voulait pas participer à des actes contraires à sa conscience.

Son départ serait intervenu immédiatement après avoir reçu un appel à la réserve et à l’heure actuelle il aurait peur de rentrer dans son pays d’origine, craignant les peines susceptibles d’être prononcées contre lui pour le fait de ne pas s’être présenté pour la réserve.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation de Monsieur ADROVIC et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen à faire par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il doit apprécier également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen de la déclaration faite par Monsieur ADROVIC lors de son audition du 16 juin 2000, telle que celle-ci est relatée dans le rapport figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le seul argument avancé par Monsieur ADROVIC est le fait d’avoir fui son pays au moment de recevoir sa convocation pour la réserve de sorte qu’il craint, en cas de rapatriement forcé, d’être poursuivi et condamné du chef d’insoumission, voire de désertion.

Or, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A de la Convention de Genève.

3 Il ne ressort par ailleurs pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur ADROVIC risquait ou risque devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que le condamnation éventuelle soit prononcée pour l’une des causes visées par la Convention de Genève.

S’il est vrai que le requérant verse différents articles de presse et un extrait de journal de nature à décrire le sort des déserteurs de l’armée yougoslave, il n’en reste pas que ces pièces ne sont plus d’actualité étant donné qu’en date du 26 février 2001, la République Fédérale de Yougoslavie a voté une loi d’amnistie qui couvre plus particulièrement dans son le refus d’obtempérer à l’appel et l’insoumission.

Le texte de loi précise que l’amnistie comprend à la fois l’arrêt des poursuites judiciaires et l’exécution des peines prononcées, ainsi que l’annulation des jugements de condamnation déjà rendus.

Les pièces produites par le requérant ne sauraient donc avoir de pertinence pour ce qui est de sa situation personnelle subjective spécifique et il reste partant en défaut d’établir que sa situation est telle qu’elle laisse supposer un danger sérieux pour sa personne.

Le requérant ne précisant par ailleurs pas les actes de discrimination dont auraient été victimes les membres de sa famille en raison de leur appartenance ethnique, ce moyen laisse d’être fondé.

Il découle de ce qui précède que les arguments et déclarations produits par le requérant constituent l’expression d’une peur générale, sans qu’il ne fasse état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Le recours laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

4 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 2001 par :

M. Ravarani, président M. Hoscheit, juge suppléant Mme Didlinger, juge suppléant en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12805
Date de la décision : 12/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-12;12805 ?

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