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11/07/2001 | LUXEMBOURG | N°13000

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2001, 13000


Tribunal administratif N° 13000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2001 Audience publique du 11 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … KURPEJOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2001 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, assisté

de Maître Barbara ROUSSEAU, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif N° 13000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2001 Audience publique du 11 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … KURPEJOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2001 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Barbara ROUSSEAU, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KURPEJOVIC, né le … à Rozaje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 novembre 2000, notifiée le 5 février 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2001;

Vu la lettre de Maître Jacques WOLTER du 21 juin 2001 informant le tribunal de ce que Monsieur KURPEJOVIC bénéficie de l’assistance judiciaire ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Barbara ROUSSEAU et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 juin 2001.

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Le 28 octobre 1998, Monsieur … KURPEJOVIC, préqualifié, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur KURPEJOVIC fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur KURPEJOVIC fut ensuite entendu le 27 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 14 novembre 2000, notifiée le 5 février 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur KURPEJOVIC de ce que sa demande avait été rejetée au motif que la crainte d’une condamnation pénale pour le fait de ne pas avoir accompli ses obligations militaires ne serait pas suffisante pour établir une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef et que, de même, l’insoumission ne constituerait pas, à elle seule, un motif valable pour obtenir le statut de réfugié politique.

Par requête déposée en date du 5 mars 2001, Monsieur KURPEJOVIC a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 14 novembre 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur fait valoir qu’en cas de retour dans son pays d’origine il risquerait une peine d’emprisonnement d’au moins 1 an pour ne pas avoir accompli son service militaire et avoir refusé de donner suite à l’appel afférent lui adressé, en faisant valoir que la crainte de cette condamnation pénale serait constitutive dans son chef d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le demandeur fait valoir en outre qu’il craindrait de retourner au Monténégro en raison de sa religion musulmane, étant donné que les Serbes commettraient encore régulièrement des exactions constituant des violations des droits de l’homme à l’égard de la population de confession musulmane. Il relève finalement qu’il faudrait considérer la situation politique au Monténégro et dans toute la République Fédérale yougoslavie comme n’étant pas encore stabilisée au point que tous les actes de désertion seraient graciés par les autorités.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur KURPEJOVIC et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a 2 pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations de Monsieur KURPEJOVIC.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur KURPEJOVIC lors de son audition en date du 27 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif fondé sur l’état d’insoumission du demandeur, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en principe, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur KURPEJOVIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait encore effectivement prononcée à son encontre. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur KURPEJOVIC n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées et de la loi d’amnistie votée récemment par les deux chambres du Parlement de la République Fédérale Yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

En outre, les craintes de persécution du demandeur en raison de son appartenance à la minorité musulmane et de la situation politique générale dans son pays d’origine constituent en 3 substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnel vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il ressort de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef. Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

donne acte au demandeur de ce qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire ;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2001 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de Monsieur Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13000
Date de la décision : 11/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-11;13000 ?

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