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11/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12935

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2001, 12935


Tribunal administratif N° 12935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2001 Audience publique du 11 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … SKRIJELJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12935 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 février 2001 par Maître Michel PRIESTER, avocat à la Cour, assisté de

Maître Linda FUNCK, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif N° 12935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2001 Audience publique du 11 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … SKRIJELJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12935 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 février 2001 par Maître Michel PRIESTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Linda FUNCK, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SKRIJELJ, né le … à Gradac/ Tutin (Serbie/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 novembre 2000, notifiée le 12 décembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en ses plaidoiries à l’audience publique du 2 juillet 2001.

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Le 16 novembre 1998, Monsieur … SKRIJELJ, préqualifié, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur SKRIJELJ fut ensuite entendu les 16 juin et 20 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Par décision du 23 novembre 2000, notifiée le 12 décembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur SKRIJELJ de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que la crainte par lui alléguée d’une condamnation pénale pour le fait de ne pas avoir accompli ses obligations militaires ne serait pas suffisante pour établir une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, que, de même, l’insoumission ne constituerait pas, à elle seule, un motif valable pour obtenir le statut de réfugié, et que, en ce qui concerne les problèmes de Monsieur SKRIJELJ avec la police, même à les supposer établis, ils ne sauraient être considérés comme suffisamment graves pour justifier l’octroi du statut de réfugié.

A l’encontre de cette décision, Monsieur SKRIJELJ a fait introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 10 janvier 2001. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre de la Justice du 16 janvier 2001, il a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 23 novembre 2000 par requête déposée en date du 19 février 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par conséquent irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être originaire de Serbie et de religion musulmane, ainsi que d’avoir quitté son pays suite à une convocation de l’armée fédérale yougoslave l’appelant à la réserve pour le début du mois d’octobre 1998. Il relève qu’à cette époque il aurait risqué de devoir combattre au front du Kosovo et que les opérations militaires y effectuées auraient été contraires à ses convictions intimes pour avoir été dirigées contre des personnes civiles. Il fait valoir qu’il craindrait maintenant, en cas de retour en Serbie, d’être persécuté en raison de son insoumission ainsi qu’en raison du fait que son père aurait été membre du parti promonténégrin SDA. Il estime que ce serait à tort que le ministre est arrivé à la conclusion qu’il ne ferait pas état de craintes qui seraient telles que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, étant donné que la décision de quitter son pays d’origine aurait été motivée par une crainte légitime d’être tué dans l’armée serbe de la main d’autres membres de l’armée et ceci en raison de sa religion musulmane. Estimant que son pays d’origine aurait manqué à cet égard de remplir ses obligations de protection à l’égard de ses citoyens telles qu’inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, à laquelle le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur le 23 mars 1976, a donné force obligatoire, il conclut partant à l’existence dans son chef d’une persécution justifiant l’octroi du statut de réfugié au Luxembourg.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur SKRIJELJ et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social 2 ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations de Monsieur SKRIJELJ.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur SKRIJELJ lors de ses auditions en date des 16 juin et 20 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours de la procédures contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif fondé sur l’état d’insoumission du demandeur, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas en principe un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En l’espèce, il ne ressort pas à suffisance des éléments du dossier que Monsieur SKRIJELJ risque encore à l’heure actuelle de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, risquent encore de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur SKRIJELJ n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée récemment par les deux chambres du Parlement de la République Fédérale Yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

3 Concernant l’activité politique alléguée du père du demandeur au sein du parti SDA, ainsi que la crainte de persécution afférente dans son chef, il y a lieu de constater que lors de son audition en date du 16 juin 1999 le demandeur a fait état seulement de quelques contrôles d’identité de la part de la police et, interrogé plus particulièrement sur l’existence en son chef de maltraitances physiques à cause de ses opinions politiques, il a clairement répondu par la négative. Il a par ailleurs indiqué que les raisons qui l’ont poussé à quitter son pays d’origine tenaient au fait qu’il ne voulait pas aller faire la guerre au Kosovo, sans faire état par ailleurs d’une crainte de persécution en raison de son activité politique, voire de l’activité politique de son père. Force est dès lors de constater à cet égard que le demandeur reste en défaut de faire état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait à raison intolérable dans son pays d’origine en raison de son adhésion au parti SDA, ainsi que de l’adhésion de son père audit parti.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

La procédure devant le tribunal administratif étant écrite le tribunal est amené à statuer contradictoirement en l’espèce encore que le demandeur n’a pas été représenté à l’audience publique à laquelle l’affaire fut fixée pour plaidoiries.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2001 par:

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12935
Date de la décision : 11/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-11;12935 ?

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