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11/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12895

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2001, 12895


Tribunal administratif du N° 12895 du rôle Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2001 Audience publique du 11 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … RASTODER, …, et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2001 par Monsieur … RASTODER, né le … à Bérane, Madame … RASTODER –…, née le

à Bijelo Pojie, et leurs enfants mineures …, née le … à Podgorica, et …, née le … à Esch-sur-Alzette, tendant ...

Tribunal administratif du N° 12895 du rôle Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2001 Audience publique du 11 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … RASTODER, …, et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2001 par Monsieur … RASTODER, né le … à Bérane, Madame … RASTODER –…, née le … à Bijelo Pojie, et leurs enfants mineures …, née le … à Podgorica, et …, née le … à Esch-sur-Alzette, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 octobre 2000, notifiée le premier décembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par ledit ministre le 18 janvier 2001;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 10 avril 2001 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Bieneke BLECH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2001.

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En date du 31 mai 1999 Monsieur … RASTODER, Madame … RASTODER -…, et leurs enfants mineures … et …, tous préqulifiés, ont introduit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé” la Convention de Genève ".

Monsieur … RASTODER et Madame … RASTODER -… ont été entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 2 juillet 1999, Monsieur et Madame RASTODER-… ont été entendus par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 12 octobre 2000, notifiée le premier décembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur RASTODER … et Madame RASTODER -… … de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations qu’en date du 28 mai 1999 vous avez quitté Podgorica à bord d’une camionnette.

Vous dites avoir changé une fois de véhicule en route. Vous ne pouvez pas donner de plus amples renseignements sur le chemin emprunté. Vous êtes arrivés au Luxembourg le 31 mai 1999 vers 4.00 heures du matin.

Vous avez déposé vos demandes en obtention du statut de réfugié le jour de votre arrivée.

Vous, Monsieur, vous exposez que vous avez refusé la convocation vous invitant à rejoindre la réserve. Vous dites que tous les réservistes ont été envoyés au Kosovo où vous ne vouliez pas aller.

Vous déclarez par ailleurs avoir quitté votre pays à cause de la guerre. Vous prétendez qu’on provoque les musulmans et qu’on les menace de mort.

Il résulte par également de vos déclarations que vous êtes membre du DPS, le parti de Djukanovic. Vous ne faites cependant pas état d’activités politiques.

En ce qui vous concerne, Madame, vous n’invoquez pas de motif propre de persécution.

Concernant le premier motif invoqué à l’appui de votre demande d’asile, Monsieur, à savoir la crainte de sanction pénale pour insoumission, je souligne que la seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié parce qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Concernant les provocations proférées à l’égard des musulmans, je signale que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la condition particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquez d’être persécutés pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., § 2 de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par courrier de leur mandataire datant du 29 décembre 2000 Monsieur … RASTODER, Madame … RASTODER-… et leurs enfants mineures … et … ont fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée. Celui-ci s'étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 18 janvier 2001, ils ont fait introduire, par requête déposée en date du 13 février 2001, un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 18 janvier 2001, confirmative sur recours gracieux de celle également précitée du 12 octobre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l'appui de leur recours les demandeurs font exposer qu'ils sont de nationalité yougoslave mais de croyance musulmane et qu'ils ont quitté un pays où les Serbes et Albanais ne parviennent pas à cohabiter, ce qui contribue au développement de grande insécurité, qu'en raison de son refus de faire la réserve Monsieur RASTODER risque d'être pénalement condamné et d'être persécuté, que la famille RASTODER a quitté le pays à cause des menaces de mort des voisins à leur encontre.

Le délégué du gouvernement relève qu'une crainte "avec raison "d'être persécuté implique à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération, que la situation générale du pays d'origine ne justifie partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié et que la simple appartenance à une minorité ethnique, en tant que telle, ne saurait suffire pour se voir accorder le statut de réfugié politique. Il estime que la même conclusion s’imposerait au sujet de la qualité de déserteur invoqué par le demandeur. Il considère que le fait invoqué par les demandeurs dans leur requête, qu'ils seraient victimes de menaces de mort de la part de leurs voisins, n'a pas été allégué par les requérants devant l'agent du ministère de la Justice et qu'ils y ont même déclaré qu'ils n'avaient subi personnellement aucune persécution. Le délégué soulève que la persécution alléguée n'émane pas de l'Etat, mais d'un groupe de la population et ne peut donc être reconnu comme motif d'octroi du statut de réfugié.

Il donne par ailleurs à considérer que dans le cadre d'un recours en réformation il ne saurait être passé outre la nouvelle situation politique qui règne en République Fédérale yougoslave, non seulement un nouveau Président ayant été démocratiquement élu et un nouveau gouvernement a été formé, mais en outre, la République fédérale yougoslave faisant de nouveau partie de certaines organisations internationales à l'instar de l'ONU.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “réfugié” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner “.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur … RASTODER et Madame … RASTODER-… lors de leur audition en date du 2 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans leur chef d’une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant le motif de l’insoumission invoqué par le demandeur, force est de constater que l’insoumission ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A de la Convention de Genève.

En effet, au-delà du fait que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit avoir déserté l’armée fédérale yougoslave pour des raisons de conscience valables susceptibles de justifier, en application de la Convention de Genève, la reconnaissance du statut de réfugié politique, et que des traitements discriminatoires auraient pu lui être infligés dans le cadre du service militaire, il reste encore en défaut d'établir, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission et surtout de la loi d’amnistie votée par le parlement de la République fédérale de Yougoslavie visant les déserteurs et insoumis, qu’une condamnation pour insoumission serait encourue par lui ou exécutée à son encontre.

Concernant les activités politiques de Monsieur RASTODER au parti PDS, force est encore de constater que si les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, il n’en reste pas moins que la simple qualité de membre à elle seule est insuffisante à cet égard.

En effet lors de leur audition les demandeurs n'ont fait aucune déclaration relative à des persécutions personnellement subies, Madame … RASTODER-… déclare qu'elle a peur, que " Milosevic est capable de beaucoup de choses". Or il est constant en cause que le président Milosevic n'est plus au pouvoir, qu'entre-temps des élections ont eu lieu et ont conduit à un changement politique en Yougoslavie.

Enfin, il ne ressort pas des éléments du dossier que les consorts RASTODER -… risquent de subir des traitements discriminatoires en raison de leur religion musulmane ou que de tels traitements leur aient été infligés dans le passé dans leur pays d’origine.

Pour le surplus, l’examen des arguments et déclarations faites par les demandeurs amène le tribunal à conclure que, dans leur ensemble et en substance, ils constituent l’expression d’un sentiment général de peur, sans que les demandeurs fassent état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par M. Ravarani, président, Mme. Maas, juge suppléant, Mme. Pauly, juge suppléant et lu à l’audience publique du 11 juillet 2001 par Monsieur le président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12895
Date de la décision : 11/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-11;12895 ?

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