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11/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12516

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2001, 12516


Numéro 12516 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2000 Audience publique du 11 juillet 2001 Recours formé par les époux … HILGER et … …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12516 du rôle, déposée le 27 novembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître

Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Numéro 12516 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2000 Audience publique du 11 juillet 2001 Recours formé par les époux … HILGER et … …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12516 du rôle, déposée le 27 novembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HILGER, …, et de son épouse, Madame … …, …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 août 2000 rejetant comme non fondée leur réclamation du 5 février 1996 dirigée contre les bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1991 et 1992, émis respectivement les 3 et 10 novembre 1995 par le bureau d'imposition Luxembourg 6, ensemble la rectification de trois erreurs matérielles par courrier du 28 novembre 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 février 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Patrick KINSCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2001.

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En date du 28 février 1990, Monsieur … HILGER, préqualifié, avait contracté ensemble avec Messieurs … et … un emprunt bancaire d’un montant total de 20 … de francs auprès d’un établissement de crédit de la place afin de financer chacun la souscription d’un tiers des actions de la société anonyme de droit luxembourgeois T. H..

Alors que le bureau d'imposition compétent pour la société civile …, au sein de laquelle les trois personnes susvisées exerçaient leur activité professionnelle, avait écarté les intérêts débiteurs relatifs à cet emprunt réglés durant les années 1991 et 1992 comme n’étant pas déductibles du bénéfice établi en commun de la société civile de ces mêmes années, Monsieur HILGER fit valoir la part des intérêts débiteurs à hauteur de … LUF pour l’année 1991 et de … LUF pour l’année 1992 par lui versée dans le cadre de sa déclaration de l'impôt sur le revenu pour ces mêmes années commune avec son épouse, Madame … …, également préqualifiée.

Par bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1991, le bureau d'imposition Luxembourg 6 rejeta la déduction intégrale de ces intérêts débiteurs au motif que « d’après la pratique administrative constante se basant sur des principes jurisprudentiels, les intérêts débiteurs en relation économique avec des revenus de capitaux mobiliers ne constituent des frais d’obtention que dans la mesure où ils sont directement engagés pour assurer des recettes. Dans le cas spécifique, les intérêts débiteurs de ….- du prêt auprès de la …contractés pour l’acquisition des actions de la T. H. S.A. ne sont déductibles que jusqu’à concurrence des recettes. Le montant excédentaire est déductible comme dépenses spéciales conformément à l’article 109 LIR ». Le même bureau d'imposition émit le 10 novembre 1995 un bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1992 refusant pareillement la déduction intégrale dans le cadre des revenus de capitaux mobiliers du montant de … LUF réglés au cours de cette année par Monsieur HILGER du chef d’intérêts débiteurs en relation avec l’emprunt précité en renvoyant aux motifs préénoncés figurant au bulletin pour l’année 1991.

Par courrier du 5 février 1996, les époux HILGER-… réclamèrent contre ces deux bulletins d’impôt des 3 et 10 novembre 1995 en revendiquant en substance la déduction des intérêts débiteurs en relation avec l’emprunt précité payés au cours des années 1991 et 1992 en tant que frais d’obtention dans le cadre de leurs revenus de capitaux mobiliers de ces mêmes années.

Par décision du 25 août 2000, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », reçut cette réclamation en la forme, mais la rejeta comme non fondée et confirma le bureau d'imposition en ce qu’il n’avait admis la déduction des intérêts débiteurs en cause qu’à concurrence des recettes dans le cadre des revenus de capitaux et le solde seulement en tant que dépenses spéciales et dans les limites des plafonds prévus par la loi.

A l’encontre de cette décision directoriale de rejet, les époux HILGER-… ont fait introduire un recours en réformation par requête déposée en date du 27 novembre 2000.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 2 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l'impôt sur le revenu. Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs exposent comme suit la situation factuelle à la base de leur recours.

Jusqu’en 1988, Messieurs … HILGER, … et … figuraient comme salariés au service de la fiduciaire …. Désirant se créer une situation d’indépendants, ils s’associaient pour constituer ensemble au début de l’année 1988 la fiduciaire …, laquelle fut localisée d’abord dans un petit local et ensuite dans une maison de 180 m2 au vu du développement de la clientèle. Face aux besoins croissants d’extension à la fin de l’année 1989 en raison de l’évolution favorable des affaires, les associés ont dû rechercher un nouveau local bien plus spacieux qui fut effectivement trouvé, mais dont l’enjeu financier dépassait de loin les possibilités financières de la fiduciaire de l’époque et nécessitait le rassemblement de tous les moyens financiers par les associés et leurs épouses. Afin de parer aux risques évidents de tensions entre associés et afin d’assurer une grande flexibilité financière, les trois associés décidèrent d’effecteur cet investissement non pas en nom personnel, de manière à détenir l’immeuble dans une indivision, mais par l’intermédiaire de la société anonyme T.I.. Les actions de cette société n’étaient néanmoins pas détenues directement par les trois associés mais par une société holding, T.H. S.A., avec les trois associés comme actionnaires. Les demandeurs justifient cette interposition d’une seconde société par le fait que l’opération d’acquisition immobilière ne pouvait être financée que moyennant une croissance importante du cabinet et qu’il fallait partant conférer à la structure une parfaite flexibilité financière i.e.

la possibilité de pouvoir céder soit l’immeuble, soit les actions de la société immobilière si deux des trois associés le souhaitaient et d’éviter ainsi qu’un associé puisse bloquer une cession à un investisseur potentiel au cas où la fiduciaire ne connaîtrait pas le développement escompté. La structure mise en place aboutissait ainsi à ce que les trois associés souscrivent à titre personnel ensemble l’emprunt d’un import total de … LUF auprès de l’établissement de crédit de la place et affectent cette somme à la souscription des actions dans la société T.H. S.A., laquelle mettait ces mêmes fonds à la disposition de la société T. I. S.A. qui acquérait l’immeuble en question.

Il ressort encore des éléments du dossier soumis au tribunal que la société T. H. S.A.

a réalisé des bénéfices dès l’année de sa fondation, mais n’a entamé la distribution de dividendes qu’à partir de l’année 1997 attribuant alors à ses actionnaires un dividende total de … LUF prélevé sur le bénéfice de l’exercice 1996. Durant les années subséquentes, elle a continué à distribuer annuellement un montant identique prélevé sur le bénéfice de l’exercice écoulé.

En droit, les demandeurs estiment que la pratique décisionnelle du directeur leur serait clairement préjudiciable en ce qu’elle aurait pour résultat qu’alors que les bénéfices annuels thésaurisés deviendraient nécessairement imposables tôt ou tard, soit au moment de leur distribution, soit au moment de la cession de la participation, que seuls les intérêts débiteurs payés au cours d’une année de distribution effective ou de cession seraient considérés comme déductibles, à l’exclusion des intérêts réglés au cours d’années antérieures, une telle constellation aboutissant nécessairement à une surtaxation de la situation économique globalement considérée.

Les demandeurs reprochent à la décision directoriale entreprise de reposer sur une interprétation inexacte des articles 7 (2) et 105 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 3 concernant l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », laquelle serait en contradiction avec les jurisprudences luxembourgeoise et allemande actuelles en la matière. Ils font valoir en premier lieu que, contrairement à l’affirmation contenue dans la décision directoriale critiquée, il serait dans la nature des actions d’une société anonyme d’être productives de revenus, hormis l’hypothèse spécifique d’un investissement, pour des raisons personnelles, dans une société dont il est à prévoir qu’elle ne réalisera aucun bénéfice. Ils ajoutent que les revenus imposables touchés par les actionnaires de la société T. H. pourraient prendre deux formes, à savoir soit la distribution de bénéfices par voie de dividendes imposables conformément à l’article 97 LIR, soit, en cas de thésaurisation des bénéfices réalisés, une plus-value de cession de leurs participations imposable au vœu de l’article 100 LIR, laquelle engloberait nécessairement les bénéfices thésaurisés. Par renvoi à la jurisprudence allemande, les demandeurs arguent que même dans l’hypothèse d’une absence totale de distribution de dividendes, la perspective de réaliser pour le moins une plus-value de cession devrait être suffisante pour conclure à une perspective raisonnable de recettes imposables dans le futur et justifier partant la déductibilité en tant que frais d’obtention des intérêts débiteurs relatifs à l’emprunt contracté en vue de financer l’acquisition des parts sociales afférentes.

Les demandeurs critiquent pareillement la référence faite par la décision directoriale à l’ancienne jurisprudence allemande en la matière et plus particulièrement les deux arguments invoqués par le directeur à l’appui de cette référence. Ils soutiennent ainsi que l’insertion par le législateur de la condition du lien direct entre la dépense et les recettes imposables dans l’article 105 LIR ne traduirait pas, contrairement à ce qu’aurait admis le directeur, une intention précise du législateur de délimiter davantage les limites de la notion de frais d’obtention, de sorte qu’on ne saurait admettre que la jurisprudence restrictive prononcée au moment de l’adoption de la loi de base du 4 décembre 1967 ne devrait pas être maintenue comme découlant directement de la loi.

Les demandeurs contestent encore la distinction opérée par le directeur entre l’acquisition des recettes et l’acquisition d’un capital qui serait « totalement obscure » dans la mesure où il serait impossible d’acquérir des recettes à l’état pur sans acquérir en même temps le titre à la base de l’acquisition des recettes.

Quant aux « sérieux problèmes du contrôle bilantaire fiscal » des comptes de la société T. H. bénéficiant du statut de société holding – impliquant qu’elle relève du seul contrôle de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines - mis en avant par le directeur, les demandeurs rétorquent qu’aucune disposition légale n’autoriserait l’administration fiscale à limiter la déductibilité de certains frais au motif que le contrôle du bilan d’une société lui serait rendu difficile. Ils ajoutent qu’il incomberait à l’administration de solliciter de leur part la production des comptes de la société T. H., demande à laquelle ils donneraient « suite sans hésitation », et que ce serait seulement dans l’hypothèse d’un refus de communication de leur part que l’administration serait en droit d’y voir un indice d’un abus ou d’une fraude.

Les demandeurs qualifient de discutable l’affirmation par le directeur quant à « la facilité, absolument pas à la portée de tout contribuable, d’un grand prêt générant des intérêts débiteurs élevés, pour réduire indûment la cote d’impôt d’un chacun qui arbore des titres sociétaires quelconques, alors que les produits variés du marché financier permettent de fixer au gré le niveau imposable en-deça du montant des frais afférents ». Ils estiment que cette argumentation serait inadmissible alors qu’elle priverait un contribuable donné d’un avantage résultant de la loi en tirant prétexte d’un risque que cet avantage pourrait être invoqué abusivement par d’autres contribuables. Cette position serait doublement critiquable 4 en ce qu’elle ne serait pas compatible avec le texte de la loi et en ce qu’elle reposerait sur une présomption de fraude et méconnaîtrait partant le principe de la proportionnalité n’admettant pas la prévention d’abus par le biais d’un refus général de déductibilité des intérêts débiteurs.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que la décision directoriale reposerait sur des considérations qui mériteraient l’approbation et que les objections des demandeurs ne suffiraient pas à écarter, étant donné que le but de la construction en cause ne serait pas d’acquérir une source de revenus de capitaux, mais de financer par une réduction de l’impôt l’immeuble affecté à l’exploitation de la fiduciaire. Il ajoute que la circonstance que les associés de la fiduciaire seraient également les associés de la société immobilière et de la société holding serait déterminante.

L’article 105 (1) LIR considère comme frais d’obtention « les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ».

Il est vrai, comme le directeur l’a relevé dans sa décision entreprise, que le législateur considère, en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers et les confins de la notion de frais d’obtention déductibles dans le cadre de cette catégorie de revenus, « qu’il faut distinguer entre l’élément de fortune générateur du revenu et ses variations de valeur d’une part, et le revenu en tant que produit de l’élément de fortune d’autre part » et qu’ « à l’endroit des revenus de capitaux, par contre, la distinction entre capital et revenu doit être observée le plus strictement possible parce que, d’une part, il est de la nature économique du capital mobilier de produire des revenus sans que, de ce fait, le fonds soit soumis à dépérissement et parce que, d’autre part, la prise en considération des fluctuations de valeur des placements mobiliers présupposerait l’existence d’une comptabilité encombrante dont on ne saurait imposer la tenue aux simples particuliers ». (projet de loi sur l'impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, p. 176).

D’un autre côté, il est indéniable que les frais engagés dans le cadre d’une catégorie de revenus générés par la mise en valeur d’un bien ne peuvent très souvent pas tendre directement à l’acquisition des recettes afférentes sans viser pareillement le bien lui-même à la base de la réalisation de ces recettes, le législateur ayant admis, pour la catégorie précise des revenus de capitaux mobiliers, que « cette disposition est souvent d’une application assez difficile parce que, d’une part, beaucoup de dépenses concernent en même temps le revenu et le capital, et que, d’autre part, il est souvent difficile de savoir si une dépense concerne le revenu ou le capital » (projet de loi sur l'impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, p.

187).

C’est encore concernant précisément la notion de frais d’obtention dans le cadre de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers que le législateur a expressément retenu qu’ « en ce qui concerne les dépenses qui sont relatives simultanément au revenu aussi bien qu’au capital, le fait d’être en relation aussi avec le capital n’exclut pas leur déductibilité à titre de frais d’obtention, à condition qu’elles correspondent entièrement à la notion des frais d’obtention, c’est-à-dire qu’elles sont directement engagées en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes » (projet de loi sur l'impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, p. 188).

Force est dès lors au tribunal de conclure que les intérêts débiteurs découlant d’un emprunt servant à l’acquisition de titres qui sont de nature à dégager des recettes imposables sont à qualifier de frais d’obtention dans le cadre de revenus de capitaux mobiliers, dans la mesure où ils ont été déboursés dans le but d’acquérir la source de recettes imposables constituée par des parts d’une société de capitaux (cf. trib. adm. 29 mars 1999, Schmitz, n° 5 10428, confirmé par Cour adm. 11 janvier 2000, n° 11285C, Pas. adm. 1/2000, v° Impôts, n° 56).

Les intérêts débiteurs devant ainsi, au bénéfice et dans les limites des développements qui précèdent, être considérés comme répondant à la notion de frais d’obtention, la relation causale ainsi établie n’est pas rompue par la circonstance que les frais d’obtention dépassent les recettes pour autant qu’au moment de l’engagement des frais la réalisation de recettes positives peut être raisonnablement escomptée. L’article 103 LIR, en définissant le revenu net comme l’excédent des recettes sur les frais d’obtention, ne fixe en effet aucune limitation à la déductibilité de frais d’obtention et admet, conformément au principe de l’imposition selon la capacité contributive, que le revenu net peut être négatif si le montant des frais d’obtention dépasse celui des recettes. C’est partant à tort que le directeur se fonde sur l’ancienne jurisprudence allemande et la volonté du législateur exprimée dans ce contexte pour exclure de plano toute possibilité d’un revenu net négatif dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, étant remarqué que le plafonnement de la déductibilité d’intérêts débiteurs en tant que dépenses spéciales, opéré par le législateur à travers la loi du 6 décembre 1990 portant modification de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects, n’est pas de nature à infirmer la conclusion ci-dessus dégagée pour ne viser que des intérêts débiteurs sans lien causal avec une catégorie déterminée de revenus imposables.

Il ressort d’un autre côté des développements qui précèdent que l’admissibilité d’une déduction d’intérêts débiteurs en tant que frais d’obtention se trouve soumise à la double condition que les titres en cause soient de nature à dégager des recettes imposables et que le but d’acquérir la source de recettes imposables se traduise par la perspective, au moment de l’engagement des frais, que la réalisation de recettes positives peut être raisonnablement escomptée.

En l’espèce, la société T. H. a été constituée sous forme d’une société anonyme de droit luxembourgeois dont le capital social est subdivisé en actions. Une répartition du bénéfice réalisé par cette société prend ainsi la forme de dividendes distribués aux détenteurs des actions qui constituent, au vœu de l’article 97 (1) 1 LIR, des revenus de capitaux mobiliers soumis à l'impôt sur le revenu. Les actions de la société T. H. sont partant de nature à dégager des recettes imposables.

En ce qui concerne la perspective au moment de l’engagement des frais que la réalisation de recettes positives peut être raisonnablement escomptée, force est de constater que Monsieur HILGER et les deux autres associés de la fiduciaire … sont les seuls actionnaires de manière directe de la société T. H. et de manière indirecte de la société T.I..

Dans la mesure où ces trois personnes, détenant chacun un tiers des actions de la société T.

H., peuvent, ou bien à trois ou bien du moins à deux, décider librement du principe et du niveau des distributions à effectuer par cette dernière société et partant des recettes imposables attribuées à chacun d’eux et formant la base pour la déduction d’intérêts débiteurs, l’existence d’une perspective raisonnable de réalisation de recettes positives ne peut être retenue en l’espèce, étant donné que les distributions imposables résultant de la structure en place sont entièrement fonction de l’influence subjective du cercle restreint desdits actionnaires sans présenter des indices objectifs suffisants d’une réalité de distributions futures.

Il y a partant lieu de conclure que, dans l’hypothèse où les revenus de capitaux mobiliers au sens de l’article 97 (1) LIR constituent la seule catégorie de revenus imposables susceptibles d’être dégagés par la source de recettes constituée par les actions de la société T.

H., une perspective raisonnable d’un excédent de recettes de dividendes dans le chef du 6 demandeur … HILGER par rapport au montant d’intérêts débiteurs annuels dont la déduction est sollicitée en l’espèce fait défaut, de manière que ces derniers ne peuvent être considérés comme constituant des frais d’obtention exposés dans le but d’acquérir une source de recettes imposables au vœu de l’article 97 (1) LIR.

Les demandeurs soutiennent néanmoins que, même en cas de thésaurisation des bénéfices réalisés et partant d’absence de distributions imposables dans le chef des actionnaires, les actions dans la société T. H. détenues par Monsieur HILGER seraient constitutives d’une participation importante et donneraient encore lieu à une plus-value de cession imposable au vœu de l’article 100 LIR, laquelle engloberait nécessairement les bénéfices thésaurisés.

Il est constant en cause que les actions susvisées détenues par Monsieur HILGER représentent plus d’un quart du capital de la société T. H. et sont dès lors constitutives d’une participation importante au sens de l’article 100 (2) LIR.

Cette qualification emporte notamment les conséquences que la plus-value dégagée lors de leur aliénation est imposable au vœu de l’article 100 (1) LIR et que le produit d’un partage de l’actif de cette société se trouve soumis à l'impôt sur le revenu conformément à l’article 101 LIR, étant remarqué que l’article 2 de la loi modifiée du 31 juillet 1929 sur le régime fiscal des sociétés de participation financières ne saurait être interprété comme consacrant à l’heure actuelle une quelconque exonération des revenus en provenance d’actions d’une société holding (cf. DELVAUX & REIFFERS : Les sociétés holding au Grand-

Duché de Luxembourg, édit. 1953, pp. 269-s).

Il s’ensuit qu’outre le revenu courant réalisé en raison de la détention des actions, les revenus produits par leur cession ou la dissolution de la société T. H. restent pareillement soumis à l'impôt sur le revenu, de manière que les bénéfices non distribués en tant que dividendes et thésaurisés au sein de la dite société n’échappent pas à l’emprise de l'impôt sur le revenu dans le chef des actionnaires en ce qu’ils sont imposés en toute hypothèse au moment de leur perception effective par l’actionnaire. Le régime fiscal d’une participation importante se distingue ainsi de celui applicable à une participation ne dépassant pas le quart du capital de la société en cause dont le produit d’aliénation ou du partage de l’actif se trouve exonéré de l'impôt sur le revenu dès lors que l’aliénation ou le partage interviennent au-delà de la période de six mois après son acquisition, entraînant que, conformément à l’article 105 (4) LIR, les frais relatifs à de tels revenus ne sont pas déductibles.

Dans le cadre d’une participation importante, la condition de la perspective au moment de l’engagement des frais que la réalisation de recettes positives imposables peut être raisonnablement escomptée doit ainsi être appréciée au regard non seulement d’une future distribution de dividendes imposables, mais également en tenant compte d’une plus-

value imposable dégagée lors de la cession de la participation ou lors du partage de l’actif de la société en cause, étant donné que les bénéfices non distribués augmentent nécessairement la valeur des actions de ladite société. En effet, le législateur a reconnu qu’au-delà « des revenus de participations dans les sociétés de l’espèce en tant qu’il s’agit de dividendes et de revenus similaires, c’est-à-dire de revenus distribués en cours de société d’une façon ordinairement périodique et à titre de rémunération courante des capitaux engagés dans la société », « le problème de l’imposition des revenus de participation est un problème à double face. L’article 114 [du projet de loi, devenu l’article 97 du texte promulgué] n’en présente que l’une des faces, celle relative aux revenus courants précités. En dehors de ces revenus, le produit du capital engagé dans une société peut se concrétiser dans une augmentation de valeur de la participation reflétant les bénéfices mis en réserve par la société » (projet de loi sur l'impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, pp. 195-196). Dans la 7 mesure où le législateur admet lui-même que la plus-value produite lors de la cession de la participation ou de la liquidation de la société est largement fonction du cumul des bénéfices antérieurs non distribués et où la finalité de l’article 100 LIR réside dans la création d’ « un système permettant de saisir les revenus en question [i.e. les susdites augmentations de valeur] de telle façon qu’il soit satisfait au principe de l’équité fiscale dans la mesure compatible avec les exigences d’un système exécutable » (projet de loi sur l'impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, p. 196), il y a lieu d’admettre que la circonstance qu’une plus-value au titre d’une aliénation d’une participation importante ou d’un partage de l’actif de la société soit imposable par le biais des articles 100 et 101 LIR, et non au vœu de l’article 97 LIR, n’infirme pas la pétition de principe que les frais d’obtention relatifs à des titres susceptibles de donner lieu à ces revenus imposables doivent entrer en déduction dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dans la mesure de l’existence d’une perspective raisonnable de réalisation ultérieure de bénéfices par la société visée, lesquels seront mis à la disposition de l’actionnaire soit sous forme de dividendes, soit sous forme d’une plus-value d’aliénation, dans la mesure où ces deux revenus sont soumis à l'impôt sur le revenu.

Il y a dès lors lieu de conclure à partir des développements qui précèdent que dans l’hypothèse spécifique vérifiée en l’espèce d’une participation importante au sens de l’article 100 (2) LIR, les intérêts débiteurs payés par Monsieur HILGER du chef d’un emprunt affecté au financement de l’acquisition des actions de la société T. H. constituent des frais d’obtention dans le cadre des revenus de capitaux mobiliers au vu des bénéfices réalisés depuis 1991 et escomptables dans le futur, d’un niveau suffisant pour dégager une plus-value d’aliénation.

Dans la mesure où il résulte des données chiffrées soumises par les demandeurs que la société T. H. a réalisé endéans un délai raisonnable à partir de sa constitution un bénéfice annuel d’un niveau suffisant pour être en majeure partie reporté à nouveau, en dehors des distributions de dividendes régulièrement effectuées depuis l’année 1996, et où il n’est pas allégué que ce niveau de bénéfices soit insuffisant pour dégager globalement un revenu positif imposable, il y a lieu de conclure que les intérêts débiteurs litigieux à hauteur des montants non contestés de … LUF pour l’année 1991 et de … LUF pour l’année 1992 doivent être qualifiés de frais d’obtention déductibles dans le cadre de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Il s’ensuit que le recours est fondé et que la décision directoriale déférée encourt la réformation dans le sens prévisé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le dit justifié, partant, par réformation de la décision directoriale entreprise du 25 août 2000, dit que les intérêts débiteurs litigieux à hauteur de … LUF pour l’année 1991 et de … LUF pour l’année 1992 constituent des frais d’obtention déductibles dans le cadre de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers du chef des années d’imposition 1991 et 1992, 8 renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2001 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12516
Date de la décision : 11/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-11;12516 ?

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