La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12904

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2001, 12904


Numéro 12904 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2001 Audience publique du 9 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12904 du rôle et déposée le 15 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cou

r, assisté de Maître Nathalie SARTOR, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordr...

Numéro 12904 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2001 Audience publique du 9 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12904 du rôle et déposée le 15 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, assisté de Maître Nathalie SARTOR, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC, né le … à Rozaje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 septembre 2000, notifiée le 22 novembre 2000, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie SARTOR et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 juin 2001.

Le 7 juin 1999, Monsieur … MURIC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur MURIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 9 juillet 1999, Monsieur MURIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le ministre de la Justice informa Monsieur MURIC, par lettre datant du 25 septembre 2000, notifiée le 22 novembre 2000, de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

A l’encontre de cette décision, Monsieur MURIC a fait introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 18 décembre 2000. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 24 janvier 2001, il a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 25 septembre 2000.

Encore que le demandeur a introduit à titre subsidiaire seulement un recours en réformation, il y a lieu d’examiner d’abord la compétence du tribunal pour connaître de ce dernier, la possibilité d’introduire un recours en réformation contre une décision administrative rendant irrecevable le recours en annulation dirigé contre la décision concernée.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours en annulation est irrecevable.

Le demandeur reproche à la décision ministérielle déférée de ne pas apprécier à sa juste valeur la gravité de sa situation spécifique qui serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte légitime de persécution dans son pays d’origine pour l’un des motifs visés par la Convention de Genève. Il fait valoir à cet égard que la décision déférée se baserait essentiellement sur ses déclarations faites à un agent du service de police judiciaire le jour de son arrivée, soit le 7 juin 1999, ainsi qu’au cours de son audition effectuée par un agent du ministère de la Justice, telles qu’elles ressortiraient du rapport d’audition du 9 juillet 1999.

Dans la mesure où ces déclarations auraient été faites à son arrivée, elles seraient fort imprécises et refléteraient mal la réalité de sa situation, ainsi que la situation de fait existant dans la région du Monténégro dont il est originaire. Le demandeur précise à cet égard être de religion musulmane et avoir habité dans la région du Monténégro qui aurait été rattachée à la Serbie, alors même que la majorité de la population serait soit d’origine musulmane soit d’origine albanaise. Il expose que cet état de fait rendrait le climat dans cette région pesant et que les personnes faisant partie d’une minorité ethnique y seraient souvent sujet à des brimades, tortures et persécutions de toute sorte. Le demandeur relève encore qu’il aurait été fortement troublé par la situation politique très instable du pays et avoir refusé d’être enrôlé de force dans l’armée fédérale yougoslave lors du conflit au Kosovo. Suite à ce refus, la 2 police serbe se serait rendue à plusieurs reprises à son domicile afin de le faire intégrer les rangs de l’armée et encore actuellement la police serbe exercerait des pressions sur son père afin qu’il soit livré aux autorités. Le demandeur fait valoir que dans la mesure où il serait traité comme déserteur en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait d’être traduit devant un tribunal militaire et se voir infliger une peine d’emprisonnement pouvant avoir une durée de 20 années et que sa décision de fuir son pays aurait été fort légitime, ceci d’autant plus qu’aucune loi d’amnistie n’aurait encore été adoptée dans son pays.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la situation d’insoumis et de déserteur du demandeur ne constituerait pas à elle seule un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié et signale qu’une loi d’amnistie a été adoptée par le parlement de la République Fédérale Yougoslave au mois de février 2001, de sorte que ce moyen laisserait d’être fondé.

Pour le surplus, il estime que le demandeur ferait état d’un sentiment d’insécurité général dans son pays d’origine qui ne saurait justifier dans son chef l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 9 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur MURIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés dans le cadre de son service militaire, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir le cas échéant en raison de son insoumission serait encore effectivement exécutée à son encontre. Concernant ce dernier point, il convient en effet de relever que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur MURIC n’établit pas que les condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées, ceci compte tenu de 3 l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie récemment votée par le parlement yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, dont également, à travers les articles de ladite loi, ceux qui ont quitté le pays en vue de se soustraire à leurs obligations militaires.

En outre, les craintes de persécutions du demandeur en raison de sa confession musulmane et de la situation politique générale dans son pays d’origine constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que sa vie lui serait, à raison, intolérable dans son d’origine.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2001 par:

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12904
Date de la décision : 09/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-09;12904 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award