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09/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12658

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2001, 12658


Numéro 12658 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2000 Audience publique du 9 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … MIROSLAV, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12658 du rôle, déposée le 20 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Janine BIVER, avocat à la Cour, as

sisté de Maître Martine KRAUS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des a...

Numéro 12658 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2000 Audience publique du 9 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … MIROSLAV, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12658 du rôle, déposée le 20 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Janine BIVER, avocat à la Cour, assisté de Maître Martine KRAUS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MIROSLAV, né le … à Belgrade (Serbie/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg, Um Kuelebierg, L-5299 Sandweiler, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er septembre 2000, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 21 novembre 2000, les deux portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Samuel WEISSEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 avril 2001.

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Le 15 juin 1999, Monsieur … MIROSLAV, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur MIROSLAV fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur MIROSLAV fut entendu en date du 12 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le ministre de la Justice informa Monsieur MIROSLAV, par lettre du 1er septembre 2000, notifiée en date du 5 octobre 2000, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

Le recours gracieux introduit par le mandataire de Monsieur MIROSLAV suivant courrier du 31 octobre 2000 à l’égard de la décision ministérielle précitée fut rencontré par une décision confirmative du 21 novembre 2000.

A l’encontre de ces deux décisions ministérielles de rejet des 1er septembre et 21 novembre 2000, Monsieur MIROSLAV a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation par requête déposée le 20 décembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il aurait été contraint de faire la guerre contre ses compatriotes au Kosovo au sein de l’armée fédérale yougoslave, que son refus continu d’obéir aux ordres de tuer des soldats ennemis lui aurait valu le mépris et puis des violences physiques de la part de ses compagnons de division et qu’il aurait dès lors déserté de l’armée pour les mêmes motifs. Il ajoute que depuis sa fuite, la police militaire se serait présentée à plusieurs reprises à son domicile et aurait perquisitionné la maison de ses parents et pratiqué des fouilles corporelles injustifiées sur sa mère. Il conclut qu’en cas de retour à Belgrade sa désertion entraînerait pour lui le risque d’être arrêté, traduit en justice et condamné à une peine pénale lourde, voire même d’être exposé à des violences physiques de la part de ses compatriotes.

2 Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 12 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et que, d’autre part, il n’est pas établi qu’actuellement, le demandeur risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir le cas échéant en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité objective d’une telle infraction ou que la peine afférente soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur MIROSLAV n’établit pas que les condamnations prononcées seraient encore effectivement exécutées, ceci compte tenu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée récemment par le parlement yougoslave visant les déserteurs et insoumis de 3 l’armée fédérale yougoslave et notamment, à travers les articles visés dans son article 1er, également ceux qui ont quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2001 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12658
Date de la décision : 09/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-09;12658 ?

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