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04/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12621

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2001, 12621


Tribunal administratif N° 12621 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 4 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … LAHURE, … contre une décision du bureau RTS Luxembourg III de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12621 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 d

cembre 2000 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats ...

Tribunal administratif N° 12621 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 4 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … LAHURE, … contre une décision du bureau RTS Luxembourg III de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12621 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2000 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … LAHURE, employé privé, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du bureau RTS Luxembourg III émise en date du 7 janvier 2000 lui attribuant la classe d’impôt 1a/1 pour l’année d’imposition 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué de Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2001 par Maître Jean-Paul NOESEN au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Paul NOESEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mai 2001.

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Suivant la fiche de retenue d’impôt pour l’année 2000 émise en date du 7 janvier 2000 par le bureau RTS Luxembourg III de l’administration des Contributions directes, Monsieur … LAHURE, préqualifié, demeurant ensemble avec son épouse, Madame … …, fonctionnaire européen, à Luxembourg, s’est vu attribuer la classe d’imposition 1a/1 avec l’observation que son conjoint est fonctionnaire européen. Suivant courrier recommandé avec accusé de réception datant du 6 juin 2000, Monsieur LAHURE a introduit par l’intermédiaire de son mandataire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après appelé « le directeur », à l’encontre de la décision précitée en faisant valoir qu’il aurait 1 droit à la classe d’impôt 2.1 qui emporterait dans son chef une charge d’impôt sensiblement moins élevée, ceci au motif que le fait que son épouse est fonctionnaire des Communautés Européennes, bénéficiant à ce titre d’une exonération de ses revenus professionnels de l’impôt sur le revenu des personnes physiques luxembourgeois, ne constituerait pas une différence objective pertinente et suffisante pour le soumettre à un traitement différent consistant dans l’attribution d’une classe d’impôt différente comportant un barème plus défavorable et des plafonds déductibles moindres que si son conjoint n’était pas fonctionnaire des Communautés Européennes, étant entendu que les deux époux vivent en fait ensemble maritalement sur le territoire du Grand-Duché et ne sont séparés de fait en vertu ni d’une décision de justice, ni d’une dispense légale.

En l’absence d’une décision directoriale intervenue à la suite de la réclamation prévisée, Monsieur LAHURE a introduit un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prévisée du bureau RTS III ayant fait l’objet de sa réclamation du 6 juin 2000.

Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions combinées de l’article 8 (3), 3. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et des paragraphes 228 et 235 (5) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », pour connaître du recours principal en réformation.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est dès lors recevable. Le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que son ménage est composé, outre de lui-même et de son épouse, de deux enfants nés respectivement les 22 juin 1978 et 27 juin 1981, que sa fille aînée était à charge du couple jusqu’à septembre 1999 et que les époux ont d’abord résidé à Aubange en Belgique jusqu’en octobre 1974, puis se sont installés successivement à Walferdange de novembre 1974 à juillet 1981 et à Virton en Belgique d’août 1981 à novembre 1998 pour déménager à nouveau vers Luxembourg en 1998 à leur adresse actuelle. Il signale encore que jusqu’en 1998, il avait pu bénéficier en tant que contribuable non résident de l’article 157bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après appelée « LIR », lui ayant valu une imposition en classe d’imposition 2, étant donné que le ménage aurait gagné plus de 50% de ses revenus au Grand-Duché de Luxembourg et qu’en raison de son déménagement vers le Luxembourg, la classe d’imposition 1a/2, et dans la suite 1a/1, lui fut attribuée par application de l’article 119 LIR.

Pour conclure notamment à la réformation de la décision entreprise par application de la classe d’imposition 2, le demandeur fait valoir principalement que son épouse, laquelle a habité physiquement au Grand-Duché de Luxembourg pendant l’année d’imposition 2000 concernée, y aurait dû être considérée comme résidente, étant donné qu’elle aurait rempli les critères afférents énoncés aux paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 (Steueranpassungsgesetz), ci-après désignée par « StAnpG ». Il estime par voie de conséquence devoir bénéficier de la classe d’imposition 2, étant donné que le fait que le seul revenu de son épouse, en l’occurrence celui de fonctionnaire de la Cour de Justice des Communautés Européennes, bénéficierait d’une exonération subjective d’impôt, serait étranger au sujet à débattre.

2 Le délégué du Gouvernement fait d’abord valoir que le tribunal administratif, appelé à statuer en vertu du paragraphe 235 (5) AO sur une modération d’impôt matérialisée par la fiche de retenue d’impôt ne serait pas compétent, pas plus que le directeur, pour étendre son office au calcul des retenues opérées, ni pour ordonner une restitution en exécution d’un tel recalcul.

Quant au fond, il rétorque par rapport au premier moyen invoqué tendant à voir considérer l’épouse du demandeur comme résidente fiscale luxembourgeoise, qu’aux termes exprès de l’article 14 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, annexé au Traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil et une Commission uniques, désigné ci-après par « PPI », le domicile fiscal du fonctionnaire communautaire aux fins de l’impôt sur le revenu ne dépendrait pas du pays dans lequel il habite physiquement et que par conséquent l’épouse du demandeur ne saurait sous aucun prétexte être considérée comme contribuable résident du Grand-Duché pour l’application des lois d’impôt dans l’espace.

Dans son mémoire en réplique le demandeur fait valoir à cet égard que si l’article 14 PPI est à considérer comme une norme d’essence supérieure dérogeant aux paragraphes 13 et 14 StAnpG, il existerait cependant une condition supplémentaire pour que l’article 14 PPI puisse recevoir application, laquelle ne serait pas remplie en l’espèce, étant donné que ledit article ne joue que si le fonctionnaire déménage « en raison uniquement de l’exercice de ses fonctions ». Il soutient à cet égard que son épouse n’aurait pas eu besoin de déménager à Luxembourg pour exercer ses fonctions, mais qu’elle y aurait déménagé surtout parce que lui-

même aurait voulu être plus près de son travail.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les époux … LAHURE et … … sont effectivement établis depuis 1998 à Luxembourg où Madame … travaille pour compte de l’une des institutions des Communautés Européennes y établie.

Dans la mesure où l’article 2 LIR détermine, dans son paragraphe (1), les conditions à remplir par une personne physique afin d’être considérée comme contribuable résident au Luxembourg au titre d’une année d’imposition considérée en ce sens que « sont considérés comme contribuables résidents ou comme contribuables non résidents, (les personnes physiques) suivant qu’elles ont ou qu’elles n’ont pas leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché », les époux LAHURE-… seraient dès lors en principe à considérer, au regard de la législation nationale applicable, comme des contribuables résidents susceptibles de ranger dans la classe d’imposition 2.

Etant donné que l’épouse de Monsieur LAHURE a repris son service comme agent temporaire aux Communautés Européennes en 1987 après y avoir déjà antérieurement travaillé, le bureau d’imposition l’a considérée comme non résidente du Luxembourg, au motif qu’aux termes de l’article 14 PPI, elle serait considérée comme ayant conservé son domicile dans le pays du domicile fiscal qu’elle possédait au moment de son entrée au service des Communautés.

Ledit article 14 PPI, en disposant que “ pour l’application des impôts sur le revenu et sur la fortune, des droits de succession, ainsi que des conventions tendant à éviter les doubles impositions conclues entre les pays membres des Communautés, les fonctionnaires et autres agents des Communautés qui, en raison uniquement de l’exercice de leur fonction au service 3 des Communautés, établissent leur résidence sur le territoire d’un pays membre autre que le pays du domicile fiscal qu’ils possèdent au moment de leur entrée au service des Communautés, sont considérés, tant dans le pays de leur résidence que dans le pays du domicile fiscal comme ayant conservé leur domicile dans ce dernier pays si celui-ci est membre des Communautés … ”, déroge à la détermination du domicile fiscal en droit national et s’inscrit dans un régime fiscal d’exception, traduisant plus particulièrement une restriction partielle à la souveraineté des Etats membres en matière fiscale, consentie au vœu de l’article 18 alinéa 1er PPI “ exclusivement dans l’intérêt (des Communautés) ”.

Il s’ensuit que par nécessité de maintenir l’application uniforme du PPI, en ce qui concerne le régime fiscal des fonctionnaires des Communautés européennes, la répartition des compétences établie par l’article 14 PPI ne peut pas être mise en cause par la prise en considération du domicile effectif, étant entendu que conformément aux dispositions de l’article 14, le fonctionnaire n’a pas le choix de déplacer son domicile fiscal dans un Etat autre que celui de son domicile fiscal d’origine (cf. trib. adm. 8 juillet 1999, n° 10360 du rôle, Dias, confirmé par Cour adm. 21 décembre 1999, n° 11472C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Impôts, n° 24).

Dans la mesure où le demandeur ne met en l’espèce pas en cause la détermination initiale du domicile fiscal de son épouse par application de la fiction afférente consacrée à travers l’article 14 PPI, mais entend voir prendre en compte un déplacement ultérieur du domicile effectif de celle-ci au motif qu’il aurait été opéré non pas uniquement en raison de ses fonctions au Luxembourg, mais surtout pour d’autres raisons, force est de constater que le présent litige s’inscrit dans une hypothèse qui n’est pas de nature à renverser la présomption relative au domicile fiscal inscrite à l’article 14 PPI et se cristallisant au moment de l’entrée au service des Communautés, de sorte que c’est à juste titre que l’épouse du demandeur ne fut pas considérée comme ayant son domicile fiscal au Luxembourg au cours de l’année d’imposition en cause.

En ordre subsidiaire, dans l’hypothèse où son épouse n’est pas à considérer comme résidente luxembourgeoise, le demandeur fait valoir que la décision déférée, en ce qu’elle lui a attribué la classe d’impôt 1a/1, serait incompatible avec l’article 48 paragraphe 2 du Traité CE, devenu dans la suite l’article 39, paragraphe 2 CE, et avec le règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté. Il relève plus particulièrement à cet égard avoir bénéficié de la classe d’imposition 2 tant qu’il était résident belge et en avoir perdu le bénéfice uniquement parce qu’il est devenu résident luxembourgeois en faisant usage de son droit à la libre circulation à l’intérieur de l’Union européenne.

Dans son mémoire en réplique, il ajoute que jusqu’en 1989, à l’époque où il vivait ensemble avec son épouse, déjà fonctionnaire communautaire, à Walferdange, il a bénéficié de la classe d’impôt 2 et se réfère à l’arrêt ZURSTRASSEN (C-97/99), rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes, ci-après dénommée « CJCE » en date du 16 mai 2000 en ce qu’il y a été retenu que : « l’article 48, paragraphe 2, du Traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE) et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à l’application d’une réglementation nationale qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice de l’imposition collective des conjoints non séparés ni de fait ni en vertu d’une décision de justice à la condition qu’ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refusant l’octroi de cet avantage fiscal à un 4 travailleur résident dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre ».

Tout en relevant par ailleurs que le régime de l’article 157bis alinéa 2 LIR, dont il bénéficiait tant qu’il résidait en Belgique, serait un régime à option entraînant la soumission à l’imposition collective avec toutes ses conséquences et que rien n’empêcherait l’Etat luxembourgeois de rédiger un texte pareil pour le cas des « couples mixtes réels » ou « mixtes en vertu d’une fiction juridique », il estime que l’incidence du PPI serait sans pertinence aucune pour la solution du litige, étant donné qu’il ne demande pas l’application d’un « droit acquis » au régime de l’article 157bis LIR, mais une application conforme au droit communautaire du régime des résidents, qualité que l’on ne saurait lui dénier et dont il aurait joui avant son déménagement en Belgique, tout en bénéficiant de la classe 2. Le demandeur se prévaut en outre d’un autre arrêt rendu par la CJCE en date du 14 octobre 1999 dans l’affaire C-229/98 (Georges Van der Zwalmen et Elisabeth Massard contre le Royaume de Belgique), pour soutenir que la CJCE n’admettrait pas que le conjoint du fonctionnaire soit, en raison du statut de fonctionnaire de son conjoint, traité différemment des autres contribuables résidents.

A toutes fins utiles et pour autant que de besoin, le demandeur propose de poser la question préjudicielle suivante à la CJCE :

« L’article 14 du Protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés Européennes s’oppose-t-il à ce qu’un Etat membre, qui accorde un allégement fiscal au ménage formé de deux conjoints ni divorcés ni séparés de corps et dispensé de cohabiter en vertu d’une décision judiciaire ou d’une autorisation légale de faire vérifier cet allégement sur le barème fiscal constitué par l’imposition collective un travailleur résident dans cet Etat, dans lequel il perçoit la totalité des revenus du foyer, dont un conjoint a la qualité de fonctionnaire ou d’agent des Communautés Européennes, lui attribuant par une fiction légale, une résidence dans un autre pays de la Communauté ? ».

Le délégué du Gouvernement rencontre les arguments ainsi avancés par le demandeur en faisant valoir que la libre circulation des travailleurs n’aurait jamais signifiée que le ressortissant communautaire qui bénéficiait au Luxembourg en tant que non résident d’un régime plus favorable que les résidents aurait un droit acquis à ce régime lorsqu’il choisit néanmoins de devenir résident. Il fait valoir en outre que l’imposition collective consisterait à imposer plusieurs contribuables respectivement à raison du cumul de ses propres revenus imposables aussi bien que de ceux des autres, de sorte que sauf circonstances exceptionnelles chacun deviendrait donc redevable d’un impôt qui, nonobstant « le splitting », serait disproportionné par rapport à ses propres facultés. Il en déduit qu’il ne s’agirait donc nullement d’un avantage, mais d’une surcharge à peine tempérée par l’obligatio in solidum, de sorte que le principe de non-discrimination d’un ressortissant communautaire ne serait pas en cause.

Il est constant à partir des moyens expressément avancés à l’appui du recours que le demandeur n’entend pas critiquer la décision déférée comme opérant une discrimination à son égard par rapport aux personnes entrant dans le champ d’application de l’article 157bis LIR, de sorte que le tribunal n’est pas appelé à toiser le présent litige sous ce rapport.

La discrimination alléguée comme étant prohibée pour se heurter aux règles d’égalité de traitement consacrées au niveau communautaire, telle qu’invoquée par le demandeur à 5 l’appui du recours, se situe plus particulièrement au niveau de l’accès à la classe d’imposition 2 dans le chef des contribuables résidents, dont le cercle de personnes entrant en ligne de compte est délimité par l’article 119, 3. LIR comme suit : « La classe 2 comprend a) les personnes imposées collectivement en vertu de l’article 3, b) les personnes veuves dont le mariage a été dissous par décès au cours de trois années précédant l’année d’imposition, c) les personnes divorcées, séparées de corps ou séparées de fait en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire au cours des trois années précédant l’année d’imposition, si avant cette époque et pendant cinq ans elles n’ont pas bénéficié de la présente disposition ou d’une disposition similaire antérieure. » L’argumentation du demandeur se déploie plus particulièrement à partir de la condition énoncée sub a) dudit article en ce qu’il estime que l’exigence d’être imposable collectivement avec son épouse pour se voir appliquer la classe d’imposition 2 serait formulée, à travers les conditions afférentes inscrites à l’article 3 LIR, de manière à opérer une discrimination dans son chef, en tant que contribuable résident, conjoint d’un contribuable non résident, par rapport à un contribuable résident conjoint d’un autre contribuable résident en situation par ailleurs comparable.

Conformément aux dispositions de l’article 3 LIR « sont imposés collectivement a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire ;

b) les contribuables résidents qui se marient au cours de l’année d’imposition ;

c) les époux qui deviennent contribuables résidents en cours de l’année d’imposition et qui ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire. » S’il est certes vrai qu’avant la réforme fiscale de 1990 les couples mariés étaient rangés en classe d’imposition 2 sans l’exigence de l’imposition collective, il n’en demeure pas moins que la législation nationale ne permet plus, en l’état actuel, qu’un contribuable résident, conjoint d’un contribuable non résident, composant un couple dit « mixte », soit rangé en classe d’imposition 2 en vue de la détermination de l’impôt sur le revenu à sa charge, faute par lui d’être imposable collectivement avec son conjoint, la classe d’imposition 2 étant depuis directement liée à l’imposition collective à partir des dispositions de l’article 119,3 LIR.

L’argument du demandeur tenant à son traitement fiscal d’avant 1986 ne saurait dès lors être utilement retenu en l’espèce, étant donné que le cadre légal afférent a considérablement changé depuis.

S’il est certes vrai qu’à travers son arrêt ZURSTRASSEN précité la CJCE, ayant statué sur une question préjudicielle lui adressée par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg, a retenu que la condition énoncée à l’article 3 LIR que deux conjoints non séparés de fait en vertu d’une décision de justice ou d’une dispense légale doivent être deux résidents sur le territoire national pour avoir droit au bénéfice, ainsi qualifié, de l’imposition collective, se heurte au principe de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la 6 Communauté, cette conclusion ne saurait toutefois être transposée automatiquement et nécessairement en l’espèce à partir du constat que Madame … n’avait pas son domicile fiscal au Luxembourg pour l’année en cause, sans vérification préalable des conditions de base pour l’application des règles d’égalité de traitement tant du Traité CE que de l’article 7 du règlement CEE 1612/68 dans le chef de Monsieur LAHURE par rapport à sa situation concrète.

Une discrimination ne peut consister que dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes (cf. CJCE, affaire c-279/93, arrêt du 14 février 1995, Schumacher).

Force est de constater en l’espèce que la situation de Monsieur LAHURE n’est pas comparable à celle de Monsieur ZURSTRASSEN en ce que la « mixité » de leur couple, -un conjoint contribuable résident et un conjoint contribuable non résident-, n’a pas une même cause.

En effet, contrairement à la situation de Monsieur ZURSTRASSEN, la mixité du couple LAHURE-… est due non pas aux conséquences en droit interne de l’exercice de leur droit à la libre circulation à l’intérieur de l’Union Européenne, mais à une fiction inhérente au statut fiscal de Madame … relative à son domicile fiscal, lequel lui reste acquis en vertu d’une règle de droit communautaire indépendamment de toute circulation ultérieure à sa détermination initiale.

Il s’ensuit qu’en raison du statut fiscal d’exception de son épouse, Monsieur LAHURE ne se trouve pas dans une situation objective comparable à celle d’un contribuable résident conjoint d’un non-résident qui n’est pas fonctionnaire communautaire, étant donné que l’absence de prise en compte du domicile effectif de son épouse n’est pas l’effet de la législation interne, mais résulte de l’application des dispositions du PPI qui soustraient à l’Etat du domicile effectif la compétence fiscale concernant les fonctionnaires communautaires. En effet, l’attribution de la classe d’imposition 2 est une conséquence de l’imposition collective, tributaire du critère de résidence dont le PPI interdit de tenir compte. Dans la mesure où le droit communautaire prescrit ainsi lui-même, à travers une loi spéciale que constitue le PPI, la non prise en compte du domicile effectif de l’épouse du demandeur, le moyen tiré d’une violation de la règle générale énoncée par l’article 48 du Traité instituant la C.E.E. laisse d’être fondé.

A partir du constat que le refus d’attribuer au demandeur la classe d’imposition 2 tient au fait que son épouse tombe sous le champ d’application de l’article 14 PPI, il y a dès lors lieu d’examiner plus en avant le moyen avancé par le demandeur tendant à dire qu’il ne saurait être traité différemment des autres contribuables résidents en raison du statut de fonctionnaire de son conjoint, à l’appui duquel il invoque l’arrêt rendu par la CJCE dans l’affaire C-229/98 prévisé.

Tel que l’a relevé le demandeur dans son mémoire en réplique, la CJCE a retenu dans cet arrêt que l’article 13 du PPI exige « seulement que, lorsqu’une telle personne (fonctionnaire communautaire) est soumise à certaines taxes, elle puisse bénéficier de tout avantage fiscal normalement ouvert aux assujettis, afin d’éviter qu’elle soit soumise à une charge fiscale plus élevée, sans pour autant imposer un traitement privilégié. Il en résulte que les conditions donnant droit à un avantage fiscal doivent s’appliquer de manière non 7 discriminatoire aux ayant droits des fonctionnaires communautaires comme à tous autres contribuables. Dans la mesure où les fonctionnaires remplissent les conditions de la législation nationale, ils doivent pouvoir bénéficier des avantages fiscaux y prévus ; par conséquent, l’article 13 du protocole s’oppose au refus du droit à un tel avantage au seul motif de la qualification comme fonctionnaire non soumis à l’impôt des personnes physiques. » Les dispositions nationales applicables relatives à l’attribution de la classe d’imposition 2 soumettent l’octroi de cette classe d’imposition à la condition objective que les époux soient imposables collectivement, de manière à viser les conjoints contribuables résidents imposables à raison du cumul de leurs revenus respectifs.

S’il est certes vrai que cette condition ne saurait en tout état de cause être remplie dans le chef de conjoints dont l’un ou l’autre est fonctionnaire communautaire pour les raisons plus amplement exposées ci-avant et que partant le demandeur, conjoint d’un fonctionnaire communautaire, est amené en l’espèce à subir les conséquences fiscales du statut de son conjoint, il y a toutefois lieu de relever encore que si l’attribution de la classe 2, à laquelle aspire le demandeur, peut certes être perçue dans son cas précis comme étant un avantage, il n’en demeure cependant pas moins que la volonté du législateur de lier ce bénéfice à l’imposition collective trouve une justification objective dans le fait que la prise en compte de la charge familiale par application d’une certaine classe d’impôt est censée tenir compte de la capacité contributive des contribuables imposés collectivement.

Les raisons justifiant qu’un contribuable range en classe 2 sont en effet essentiellement d’ordre socio-politique et de capacité contributive, étant entendu que cette dernière, pour se trouver réduite par la charge d’une famille, suppose la satisfaction des besoins de plusieurs personnes au lieu d’une seule à partir d’un revenu imposable déterminé.

Or, dans la mesure où les revenus de l’épouse du demandeur, exempts d’impôts nationaux sans réserve de progressivité, ne sont pas, par l’effet même de son statut fiscal spécial, reflétés au niveau du revenu imposable du couple dont le montant global constitue pourtant l’élément déterminant pour l’appréciation de la capacité contributive par la prise en compte de la charge familiale, cette appréciation, opérée essentiellement à travers l’application d’une certaine classe d’impôt, se trouverait faussée considérablement dans le chef du demandeur en cas d’application de la classe 2.1 à son revenu imposable, étant donné que pareil traitement fiscal reviendrait à considérer sa charge familiale comme si son épouse ne réalisait pas de revenus professionnels propres, ce qui ne correspond pourtant pas à la réalité économique de la capacité contributive effective du couple concerné.

Il s’ensuit que la non-attribution de la classe 2 au demandeur est justifiée objectivement en l’espèce pour des considérations tenant à la réalité économique de sa capacité contributive, étant entendu que la solution contraire reviendrait à lui accorder un privilège fiscal au sens de l’article 101 de la Constitution, non justifié par rapport aux contribuables imposables collectivement et rangeant en classe 2.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

8 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12621
Date de la décision : 04/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-04;12621 ?

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