La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12888

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juillet 2001, 12888


Tribunal administratif N° 12888 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2001 Audience publique du 3 juillet 2001

============================

Recours formé par les époux … RAMDEDOVIC et … RAMDEDOVIC-…, …, et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12888 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2001 par M

e Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des Avocats à Luxembourg au no...

Tribunal administratif N° 12888 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2001 Audience publique du 3 juillet 2001

============================

Recours formé par les époux … RAMDEDOVIC et … RAMDEDOVIC-…, …, et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12888 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2001 par Me Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des Avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … à Lagotore, de son épouse … RAMDEDOVIC-…, née le…, ainsi que de leurs enfants communs … RAMDEDOVIC, né le …, mineur, et … RAMDEDOVIC, né le …, majeur, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d'une décision du ministre de la Justice du 14 octobre 2000, notifiée le 1er décembre 2000, et de la décision ministérielle confirmative du 5 janvier 2001, notifiée le 12 janvier 2001 intervenue sur recours gracieux du 31 décembre 2000, qui ont refusé de faire droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire du délégué du gouvernement du 5 avril 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Me Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 12 juin 2001.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Le 30 avril 1999, Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … à Lagotore et son épouse … RAMDEDOVIC-…, née le …, ainsi que leurs enfants communs … RAMDEDOVIC, né le …, mineur, et … RAMDEDOVIC, né le …, majeur, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, ont introduit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par la loi du 20 mai 1953 et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York le 31 janvier 1967 approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l'ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé "Convention de Genève".

1 Par décision du 14 octobre 2000, notifiée le 1er décembre 2000, le ministre de la Justice informa la famille RAMDEDOVIC-… de ce que leur demande avait été rejetée.

Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations qu’un passeur vous a tous conduits au Luxembourg où vous êtes arrivés en date du 30 avril 1999. Vous avez déposé des demandes en obtention du statut de réfugié le jour même de votre arrivée.

Monsieur, vous exposez avoir été directeur d’entreprise. Vous n’auriez plus travaillé depuis deux ans du fait de votre religion musulmane. Vous précisez cependant que vous auriez continué de percevoir un salaire. Vous déclarez par ailleurs ne pas être membre d’un parti politique. Vous auriez peur en raison de votre fils qui risquerait d’être incaracéré pour avoir refusé de faire la réserve et en raison de votre épouse qui serait juge. Vous admettez enfin ne pas voir été maltraité physiquement. Or, vous auriez été insulté au téléphone.

Madame, vous relevez ne pas appartenir à un parti politique. Vous dites avoir quitté votre pays d’origine en raison de l’appel à la réserve de votre fils. Vous auriez été insultée au téléphone. Votre peur serait liée à votre religion et au fait que vous seriez juge sans pour autant fournir d’autres explications.

En ce qui vous concerne, Monsieur … Ramdedovic, vous relevez avoir été appelé à la réserve malgré le fait que vous n’auriez pas effectué préalablement votre service militaire. Vous dites ne pas être membre d’un parti politique.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

La seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la prédite Convention. Par ailleurs, alors qu’une situation de paix s’est établie dans votre pays d’origine, il n’est pas établi que l’accomplissement du service militaire respectivement de la réserve au sein de l’armée yougoslave imposerait à l’heure actuelle la participation à des opérations militaires que des raisons de conscience valables justifieraient de refuser.

En ce qui concerne les autres événements dénoncés (insultes), même à les supposer établis, il y a lieu de souligner qu’ils ne présentent pas une gravité telle qu’ils justifient une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votr vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

2 L'article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile et 2) d'un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d'asile politique, de sorte que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par les époux RAMDEDOVIC-… et … RAMDEDOVIC.

Le recours ayant été introduit en date du 12 février 2001, partant dans le délai d'un mois à partir de la notification en date du 12 janvier 2001 de la décision ministérielle du 5 janvier 2001 intervenue sur recours gracieux, il est à déclarer recevable.

Il convient d'analyser séparément le cas des deux époux et celui de leur fils majeur …, les trois personnes invoquant des motifs différents à l'appui de leur recours.

Quant à la situation de Monsieur … RAMDEDOVIC :

A l'appui de son recours, … RAMDEDOVIC fait exposer qu'il est boshniaque et de confession musulmane, qu'il aurait dû quitter la Serbie parce qu'il estimait que sa vie était sérieusement menacée par le pouvoir en place, alors que ses droits les plus élémentaires ainsi que ceux de sa famille auraient été bafoués du seul fait de leur appartenance à la réligion musulmane et à la minorité éthnique des Boshniaques.

Il cite à titre d'exemple le fait qu'il a été licencié de son poste de directeur d'une fabrique d'automobiles de Priboj pour y être remplacé par un nouveau directeur originaire de la République Serbe de Bosnie.

En avril 1999, il aurait été victime d'un attentat sur sa personne au volant de sa voiture à l'occasion duquel le tir aurait traversé tout le véhicule et auquel il n'aurait échappé que par pur miracle.

Lui-même et les membres de sa famille auraient d'autre part été menacés de mort par des groupes paramilitaires serbes, nommés "Aigles Blancs", formés par Slobodan MILOSEVIC, sans que les autorités en place ne soient intervenues en leur faveur, et cela malgré la demande officielle de son épouse, qui était juge au tribunal communal de Priboj, de protéger les membres de sa famille.

Il donne encore à considérer que la commune de Priboj se trouve située à la frontière de la Republique Srpska en Bosnie-Herzégovine, de sorte qu'il avait peur de devoir subir le même sort que la population musulmane de l'autre côté de la frontière dont les maisons auraient été incendiées et détruites et les habitants déportés.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur … RAMDEDOVIC et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l'article 1er, section A, 2, de la Convention de Genève, le terme "réfugié" s'applique à toute personne qui " craignant avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou des opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas la nationalité 3 et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner." La reconnaissance du statut de réfugié n'est en principe pas conditionnée par la seule situation générale du pays d'origine, mais par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu'elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l'évaluation de la situation personnelle du demandeur, l'examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de ses déclarations.

Tout en affirmant avoir personnellement fait l'objet de discriminations à son lieu de travail en raison de son appartenance à la minorité boshniaque, notamment par le fait d'avoir été licencié de son poste de directeur de la fabrique d'automobiles de Priboj, Monsieur … RAMDEDOVIC a cependant déclaré à l'occasion de son audition en date du 2 août 1999 par l'agent du ministère de la Justice que bien qu'il n'y travaillât plus depuis deux ans déjà avant son départ, il continuait à toucher son salaire.

Cette continuation du paiement du salaire contredit ses affirmations suivant lesquelles il aurait été discriminé en raison de sa confession ou de son appartenance à une minorité ethnique.

Dans son recours il affirme ensuite avoir été victime d'un attentat à la balle au volant de sa voiture.

Non seulement ce fait n'est-il documenté par aucune pièce, mais encore ni Monsieur … RAMDEDOVIC, ni son épouse, ni son fils majeur n'ont mentionné cet incident à l'occasion de leur audition par les agents du ministère de la Justice, ce qui est pour le moins étonnant eu égard à la gravité d'une telle tentative d'attentat à la vie d'une personne.

Bien au contraire, Monsieur … RAMDEDOVIC a encore répondu par la négative à la question s'il avait personnellement subi des persécutions affirmant seulement avoir été insulté au téléphone.

Pour autant que cet attentat est concerné, le tribunal administratif doit dès lors constater que ni Monsieur … RAMDEDOVIC, ni son épouse, ni son fils majeur n'ont présenté un récit crédible et cohérent de sorte qu'il est permis de douter de la réalité de cet incident; ( trib. adm. 18 janvier 1999, no. 10832 du rôle).

Monsieur … RAMDEDOVIC se prévaut ensuite d'un sentiment général d'insécurité du seul fait de la situation géographique de la ville de Priboj à la frontière même de la République Srpska en Bosnie-Herzégovine et de sa peur de devoir subir le même sort que la population musulmane et boshniaque du village situé de l'autre côté de la frontière.

Un sentiment général d'insécurité ne constitue cependant pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève (trib. adm. 14 juillet 1999, no. 10972 du rôle, confirmé par arrêt du 30 novembre 1999, no. 11469C du rôle).

4 Il ne suffit pas que le tribunal administratif se réfère à la situation générale du pays d'origine, mais il doit examiner en toute hypothèse la situation concrète et individuelle du demandeur d'asile et vérifier si sa situation subjective a été telle qu'elle laissait supposer un danger pour sa personne (trib. adm. 27 février 1997, no. 9571 du rôle, confirmé par arrêt du 25 septembre 1997 no 9870C du rôle);

A cet égard Monsieur … RAMDEDOVIC est resté en défaut d'établir qu'il court un sérieux risque en rentrant dans son pays d'origine.

Le tribunal administratif est d'ailleurs d'avis que toutes ses craintes se trouvent même contredites par le fait qu'il a continué de toucher son salaire pendant deux années alors même qu'il ne travaillait plus, ce seul fait démentant à suffisance ses affirmations suivant lesquelles il aurait été discriminé en raison de sa confession et de son appartenance à une minorité ethnique.

En ce qui concerne ses affirmations qu'il aurait subi des menaces de la part des membres du groupe paramilitaire des "Aigles Blancs", force est de constater qu'il ne s'agit ici pas d'une organisation étatique mais plutôt d'un groupe de délinquants de droit commun, de sorte que la peur devant les membres du groupe en question ne constitue pas une crainte au sens de la Convention de Genève.

Finalement, si sa crainte était notamment motivée par la proximité de la ville de Priboj avec la Republique Srpska, il aurait encore eu la possibilité de faire une fuite interne sans qu'il ne fût besoin de quitter le territoire yougoslave.

Le tribunal administratif vient dès lors à la conclusion que le demandeur reste en défaut de faire état et d'établir à suffisance de droit l'existence dans son chef d'une crainte actuelle et justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Quant à la situation de Madame Nevzeta …, épouse RAMDEDOVIC Il résulte des pièces produites en cause que Madame Nevzeta … était juge au tribunal communal de Priboj.

Elle fait valoir à l'appui de son recours que dans le cadre de sa fonction de juge, elle aurait à plusieurs reprises eu à juger des membres du groupe paramilitaire des "Aigles Blancs".Ceux-ci l'auraient par après menacée publiquement et auraient également menacé les membres de sa famille, sans que les autorités en place n'aient pu procurer à sa famille les protections adéquates, malgré une demande officielle de sa part.

Cette situation aurait été d'autant plus dramatique en raison du fait que le siège de ces groupes paramilitaires se serait trouvé dans le même bâtiment que celui habité par la famille RAMDEDOVIC;

La demanderesse affirme qu'il aurait été mal vu par les gens de Priboj qu'une femme-juge musulmane puisse juges des Serbes;

5 Elle cite encore un exemple d'un habitant de Priboj qu'elle avait eu à juger à propos d'une bagarre avec des Serbes et qui, après avoir été condamné à une peine pécuniaire, serait allé à la Sécurité de l'Etat à Belgrade et aurait raconté des mensonges à son sujet et qu'elle aurait dû subir des interrogatoires de ce chef. Se rendant compte qu'elle continuait toujours exercer sa fonction de juge, ce même individu l'aurait menacée de mort avec un couteau.

Elle aurait encore été insultée parce que son fils n'a pas dû aller à la guerre.

Elle déclare qu'elle a fini par quitter son pays d'origine parce qu'elle avait peur des menaces qui lui venaient de tous côtés et parce qu'elle se rendait compte que les autorités en place ne faisaient rien pour la protéger.

Elle déclare encore qu'au moment où l'état de guerre a été proclamé, le tribunal de la République de Serbie aurait proclamé une interdiction de quitter le territoire pour tous les juges tant que la guerre n'était pas finie et qu'elle aurait dû signer par après une déclaration selon laquelle elle s'engageait à rester au pays, de sorte qu'elle craint maintenant une condamnation pour haute trahison au cas où elle devait regagner son pays d'origine.

Si justifiées que puissent être le cas échéant les craintes exprimées par Madame …, force est cependant de constater qu'elles ne rentrent pas dans le cadre dans l'article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève.

Le fait même qu'une femme musulmane appartenant à la minorité ethnique des Boshniaques ait pu accéder à la fonction de juge et ait pu s'y maintenir pendant 15 ans et même après le début des opérations de purification ethnique prouve à suffisance de droit qu’il n’y avait pas, de la part des autorités étatiques, dans les mois précédant sa fuite, une discrimination de sa personne en raison de son appartenance à la confession musulmane et au peuple boshniaque.

Toutes les menaces dont elle a fait état dans sa déclaration émanaient en réalité de simples particuliers et non pas des autorités étatiques.

En ce qui concerne les membres du groupe paramilitaire "Aigles Blancs" qui avaient apparemment été formés par MILOSEVIC et qu'elle avait eu à juger, elle dit dans son recours qu'elle avait eu à les juger " pour différents motifs," donc pour des infractions de droit commun, de sorte que les menaces dont elle a fait l'objet par la suite de la part des membres de ce groupe n'avaient pas de fondement politique, mais n'étaient que l'expression d'un mécontentement exprimé par un condamné dont tout autre juge peut à tout moment être la cible;

Le fait qu'elle n'ait pas reçu de la part des autorités la protection souhaitée ne prouve pas que cette protection lui était délibérement refusée, mais peut aussi s'expliquer par l'impuissance des autorités à assurer la protection de la population en temps de guerre civile, en tout cas celle de la demanderesse dans un milieu qui lui était hostile, ce qui ne l’aurait cependant pas empêchée de se réfugier dans une autre partie de son pays d’origine.

Elle ne saurait donc se prévaloir à l'égard des autorités étatiques d'actes de persécution du fait de sa race, de sa religion ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, opinions qu'elle n'a pas ailleurs jamais ouvertement exprimées alors qu'elle admet à 6 l'occasion de son audition par les agents du ministère de la Justice qu'elle n'était membre d'aucun parti politique.

A l'occasion de son travail de juge, elle n'a pas non plus été amenée à exprimer ouvertement une opinion politique, étant donné qu'il résulte de sa déclaration que les affaires qu'elle avait à juger étaient des affaires de droit commun;

Tout en affirmant qu'elle risquait d'être condamnée pour haute trahison pour avoir quitté son pays en temps de guerre, force est de constater que ces craintes à cet égard sont restées à l'état de simple allégation.

A supposer même que tel soit le cas, encore faut-il se rendre à l'évidence que la crainte d'une condamnation pour haute trahison pour avoir abandonné son poste dans le service public, ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Si elle se prévaut d'un sentiment général d'insécurité, plus particulièrement en raison de la situation géographique de la ville de Priboj, à la frontière-même de la République Srpska de Bosnie, encore faut-il constater que, tout comme cela est le cas pour son époux, elle aurait pu envisager la possibilité d'une fuite interne au lieu de se réfugier dans un autre pays d'Europe.

L'événement qui a en réalité motivé son départ après tant de mois qu'elle a apparemment vécu dans l'insécurité, et cela vaut aussi pour son époux, c'est l'appel sous les drapeaux de son fils majeur …, motif qu’elle a admis elle-même devant les agents du ministère de la Justice.

Or, l'insoumission de son fils ne constitue pas à elle-seule un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié à son fils, ni, par voie de conséquence, un motif valable pour reconnaître ledit statut aux père et mère de l'insoumis.

Le tribunal vient dès lors à la conclusion qu'aucun des arguments avancés par Madame … ne saurait être retenu pour lui reconnaître le statut de réfugié.

Quant à la situation de Monsieur … RAMDEDOVIC Monsieur … RAMDEDOVIC est le fils majeur des époux … RAMDEDOVIC et Nevzeta ….

Toute la famille a en fait quitté le pays lorsque … RAMDEDOVIC a reçu en avril 1999 son appel pour la réserve.

Il n'a réservé aucune suite à cet appel parce qu'il avait entendu qu'au front, les musulmans étaient toujours placés au premier rang et aussi parce qu'il ne voulait pas tuer.

Il a maintenant peur de rentrer parce qu'il est d'avis qu'une longue peine de prison pour désertion l'attend.

Il affirme encore qu'avant d'avoir reçu l'appel pour la réserve, il aurait été psychiquement maltraité, les étudiants serbes de l'université refusant de se mettre à la même table que lui en raison de son appartenance à la confession musulmane.

7 En ce qui concerne en premier lieu ces prétendus mauvais traitements, force est de constater qu'ils n'émanaient pas des autorités étatiques, mais d'autres étudiants, de sorte qu'ils ne sauraient constituer un motif valable au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne ensuite sa crainte de représailles en raison du fait qu'il avait refusé de répondre à l'appel pour la réserve militaire, il faut souligner que l'insoumission ne constitue pas à elle-seule un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié ( trib. adm. 7 juillet 1999, no 10861 du rôle, confirmé par arrêt du 11 novembre 1999, no 11454C du rôle).

La République Fédérale de Yougoslavie a d'ailleurs voté le 26 février 2001 une loi d'amnistie qui vise plus particulièrement dans son article 214 le refus d'obtempérer à l'appel et l'insoumission. La même loi précise que l'amnistie comprend à la fois l'arrêt des poursuites judiciaires et de l'exécution des peines prononcées, ainsi que l'annulation des jugements de condamnation d'ores et déjà rendus.

Les craintes de Monsieur … RAMDEDOVIC sur ce plan sont donc injustifiées, ceci d'autant plus qu'il n'a même pas prouvé qu'il avait déjà fait l'objet d'une condamnation ou qu'il avait déjà connaissance d'une convocation devant le tribunal militaire.

Le tribunal vient dès lors à la conclusion que le demandeur reste en défaut de faire état et d'établir à suffisance de droit l'existence dans son chef d'une crainte actuelle et justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève.

Il découle ainsi des développements qui précèdent que les arguments et déclarations faites par le demandeur constituent l'expression d'un sentiment général de peur, sans cependant que le demandeur fasse état d'une persécution vécue ou d'une crainte qui seraient telles que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d'origine.

Il s'ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 3 juillet 2001 par:

M. Ravarani, président, 8 Mme Maas, juge suppléant, Mme. Pauly, juge suppléant, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12888
Date de la décision : 03/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-03;12888 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award