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03/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12862

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juillet 2001, 12862


Tribunal administratif N° 12862 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 3 juillet 2001

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Recours formé par les époux … BAHOVIC et … …, …, et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12862 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 février 2001 par Me Marc BOEVER, a

vocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des Avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … BAHOVIC, n...

Tribunal administratif N° 12862 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 3 juillet 2001

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Recours formé par les époux … BAHOVIC et … …, …, et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12862 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 février 2001 par Me Marc BOEVER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des Avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … BAHOVIC, né le … à Ivanje/ Bijelo Polje (Monténégro), et de son épouse … …-BAHOVIC, née le … à Kamine/ Bijelo Polje, ainsi que de leurs enfants mineurs …, née le 25 juillet 1987, …, née le 8 juillet 1988, …, née le 11 juin 1992 et …, né le 28 janvier 1994, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d'une décision du ministre de la Justice du 3 octobre 2000, notifiée le 26 novembre 2000, confirmée sur recours gracieux par une décision du 2 janvier 2001, notifiée le 5 janvier 2001, qui a refusé de faire droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique.

Vu le mémoire du délégué du gouvernement déposé le 10 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réplique des requérants déposé le 10 mai 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Me Olivier LANG, en remplacement de Me Marc BOEVER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 12 juin 2001.

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Le 24 décembre 1998, Monsieur … BAHOVIC, né le … à Ivanje/ Bijelo Polje (Monténégro), et son épouse … …-BAHOVIC, née le … à Kamine/ Bijelo Polje et demeurant actuellement ensemble à L-…, ont introduit en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs …, née le …, …, née le …, …, née le … et …, né le …, auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande d'asyle politique respectivement en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, 1 approuvée par la loi du 20 mai 1953 et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York le 31 janvier 1967 approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l'ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé "Convention de Genève".

Par décision du 3 octobre 2000, notifiée le 20 novembre 2001, le ministre de la Justice informa les époux BAHOVIC-… de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté Bijelo Polje en bus pour aller à Sarajevo. Vous êtes montés dans deux voitures différentes et vous avez, sans doute, pris des chemins différents car vous ne vous êtes rejoints qu’à Luxembourg. Vous ne pouvez donner, ni l’un ni l’autre, aucune autre précision quant au déroulement de vos voyages respectifs.

Vous, Monsieur, vous exposez que vous avez fait votre service militaire en 1987/1988 à Mitrovica en tant que technicien pour la logistique. Lors des guerres en Croatie et Bosnie, vous n’avez pas été appelé à la réserve car vous travailliez déjà indirectement pour l’armée en tant qu’employé dans une usine d’armement. En septembre 1998, vous avez été convoqué à un exercice militaire auquel vous ne vous êtes pas présenté. Vous vous êtes caché, mais cet appel à la réserve a provoqué votre décision de quitter le pays avec votre famille. Vous ne donnez pas de précisions quant à la peine que votre insoumission vous vaudrait. Vous ajoutez cependant que les membres actifs du SDA, comme vous l’étiez, courent plus de risques que les autres.

En effet, vous dites avoir été membre actif du parti SDA depuis 1990. Vous auriez dû arrêter vos activités de 1994 à 1997. En effet, vous auriez été licencié, mais vous auriez pu reprendre votre travail après avoir abandonné vos activités politiques. Maintenant que le SDA serait quasiment mort, vous pensez que vous ne seriez plus protégé par quiconque.

En ce qui concerene les autres persécutions que vous auriez subies, vous parlez de tracasseries et de brimades à l’occasion de contrôles policiers.

Vous, Madame, vous confirmez les dires de votre mari. Vous précisez que les activités politiques de votre époux ont causé des problèmes à toute la famille.

Vous reconnaissez cependant n’avoir été ni l’un ni l’autre physiquement maltraité.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

La seule crainte de peines du chef d’insoummision ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Tout en mesurant à leur juste valeur les problèmes auxquels vous, Monsieur, avez été exposé du fait de votre appartenance au SDA ainsi que les tracasseries quotidiennes auxquelles était exposée votre famille, je dois constater que les événements dont vous faites état ne peuvent 2 servir de fondement à une crainte de persécution susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Il ne se dégage donc pas de vos assertions que vous risquez d’être persécutés pour une des raisons énumérées par l’article 1er, A.2 de la Convention.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

L'article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile et 2) d'un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d'asile politique, de sorte que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par la famille NOVALIC.

Le recours ayant été introduit en date du 5 février 2001, partant dans le délai d'un mois à partir de la notification en date du 5 janvier 2001 de la décision ministérielle du 2 janvier 2001 ayant sur recours gracieux du 20 décembre 2000, confirmé la décision initiale de refus du 3 octobre 2000, il est à déclarer recevable.

A l'appui de son recours, … BAHOVIC fait valoir les arguments suivants:

A partir du mois d'octobre 1990, il s'investit activement dans le parti politique SDA afin de lutter pour la promotion des droits des musulmans de Yougoslavie et plus particulièrement du Monténégro. Il intégra par la suite successivement le Comité Général du Monténégro, le Comité Général Municipal de Bijelo Polje et devint président du Comité Local de K. et K. du SDA.

Il affirme que dès le moment de son engagement actif dans la vie politique de son pays, sa vie se serait transformée en une lutte continue contre des actions illégales des autorités étatiques, des brimades quotidiennes d'anonymes, des menaces de mort, des persécutions sur son lieu de travail, des agressions physiques ainsi que des pièges tendus par le pouvoir.

Ainsi aurait-il été la cible, sur son lieu de travail au sein de la société I., d'actes d'humiliation et de persécution de la part des dirigeants serbes et monténégrins de l’entreprise. A ce sujet, il verse deux attestations testimoniales ( pièces 8 et 9) d'anciens collègues de travail, les dénommés S. A. et R. S., qui attestent que depuis 1990 jusqu'à son départ définitif de la société I. en 1997, … BAHOVIC subissait maintes menaces et intimidations à cause de son activité politique auprès du parti SDA.

… BAHOVIC affirme encore qu'en 1994, son bureau aurait été fouillé et que lorsqu'on y découvrit du matériel de propagande politique, les dirigeants de l'entreprise auraient exercé un véritable chantage sur lui, lui laissant le " choix" entre le licenciement et l'arrêt de ses activités A ce propos, le témoin R. S. ( pièce 9 ) confirme qu'un jour au mois de décembre 1994, l'accès à l'entreprise aurait été refusé à … BAHOVIC et que le même jour, son licenciement était affiché sur le tableau d'information au motif qu'il aurait abusé des locaux de travail qu'il aurait prétendûment utilisés pour accomplir ses taches politiques.

3 Monsieur BAHOVIC affirme qu'à ce moment et soucieux de continuer à subvenir aux besoins de sa famille par son travail, il aurait promis de renoncer à ses activités politiques de sorte qu'il ne fut finalement pas licencié.

En 1997 cependant, lorsque le directeur de l'entreprise et la police lui donnèrent le choix, afin de pouvoir garder son travail, entre une renonciation publique à ses activités au sein du SDA ou son maintien au sein du SDA afin d'en espionner les activités, il aurait quitté définitivement l'entreprise I..

Ces événements sont confirmés par le témoin S. A. ( pièce 8 ).

Monsieur BAHOVIC affirme que le fait de recruter des espions au sein du SDA était une pratique courante du pouvoir de l'époque. Ainsi, un certain R. V., son ancien compagnon activiste et vice-président du SDA du Monténégro, qui avait été arrêté en 1994 avec 20 autres membres du parti, aurait retourné sa veste et collaboré avec le pouvoir en place afin de faire chuter le SDA tout en gardant sa place au sein du parti.

Les déclarations de Monsieur BAHOVIC à propos de l'arrestation de R.V. sont confirmées par l'attestation de S. A. ( pièce 8 ) qui confirme que 21 membres activistes du SDA ont été condamnés à 6 ans et demi de prison. Le même témoin confirme que R.V. a échappé à la condamnation en acceptant de travailler directement pour le gouvernement en place, son objectif étant la dissolution du parti SDA sur le territoire du Monténégro, dissolution qui a eu lieu en définitive à l'occasion des dernières élections parlementaires au mois de mai 1998.

Monsieur BAHOVIC déclare qu'il a toujours refusé de suivre les instructions et ordres de R.V.

de telle sorte que les deux hommes, qui, au début luttaient pour la même cause, ont fini par devenir des ennemis farouches. Cette opposition entre les idées de R. V. et celles de … BAHOVIC résulte également de l'attestation de témoignage de S. A.

Après son départ de la société I., Monsieur BAHOVIC est entré à l'Automobile Club du Monténégro, administration étatique dans laquelle il avait le statut de fonctionnaire. Il affirme que les dirigeants de l'Automobile CLUB étaient entièrement acquis au pouvoir de Podgorica qui, tout en revendiquant l'indépendance du Monténégro à l'égard de la Serbie, aurait cependant poursuivi ceux qui réclamaient les mêmes droits pour tous les Monténégrins et notamment ceux qui souhaitaient l'arrêt des discriminations à l'encontre des musulmans;

Il résulte ainsi de l'attestation de témoignage de C. F. ( pièce 7 ) que Monsieur BAHOVIC était humilié et menacé à son lieu de travail par les dirigeants en raison de son appartenance au parti SDA et qu'il a fini par être renvoyé en 1998 de l'entreprise alors même qu'il effectuait son travail de manière professionnelle et ponctuelle.

Le même témoin décrit le complot mené directement par les membres du bureau du procureur général de Bijelo Polje accusant Monsieur BAHOVIC de ne pas avoir effectué le changement de pièces sur un véhicule appartenant au bureau du procureur général. Or, c'étaient les membres du bureau du procureur général eux-mêmes qui avaient de nouveau retiré les pièces de rechange une fois que le véhicule avait quitté l'enceinte de l'Automobile Club, cette opération ayant pour seul but de jeter le discrédit sur la personne de Monsieur BAHOVIC.

4 Le même témoin décrit encore une scène qui s'est passée un mois après ce premier incident lorsqu'un employé du bureau du procureur général lui a demandé de réparer son véhicule privé en affirmant que Monsieur BAHOVIC lui aurait donné la permission de ce faire. Lorsque celui-

ci a démenti cet accord, (alors qu'il dénonçait toute corruption ou transferts financiers illégaux portant sur l'achat de parts de voitures et effectuées en collaboration avec le parquet de Bijelo Polje), il se serait fait invectiver par l'employé en question qui l'aurait menacé d'emprisonnement.

Finalement Monsieur BAHOVIC fut licencié le 17 novembre 1998, soit un mois avant sa fuite de son pays d'origine et la teneur de l'arrêté de licenciement qui donne comme motivation un " manque de constructivisme et de responsabilité dans l'organsiation et la supervision des affaires " est suffisament vague pour qu'il soit permis de douter de l'absence effective de ces capacités dans le chef de Monsieur BAHOVIC et qu'il est ainsi permis de supposer que le véritable motif de son licenciement est à rechercher dans ses activités politiques que désapprouvaient les dirigeants de l'Automobile Club. ( voir pièce 19 ).

En dehors de ses problèmes sur le lieu de son travail, Monsieur BAHOVIC déclare avoir été victime dans la rue de confrontations avec les agents de police et d'être devenu la cible, avec les membres de sa famille, d'actions d'intimidation menées par ses voisins orthodoxes monténégrins et d'origine serbe qui avaient reçu des armes avec lesquelles ils tiraient autour de la maison d'habitation de la famille BAHOVIC.

La réalité de ces brimades à l'aide d'armes à feu résulte d'une attestation de témoignage d'un dénommé I. T. qui atteste d'avoir entendu des tirs automatiques et des sifflements de balles tout près de la fenêtre à l'occasion d'une visite dans la maison BAHOVIC. Même si ces tirs n'ont pas porté atteinte à l'intégrité physique d'un des membres de la famille BAHOVIC, le témoin déclare cependant que les branches d'un arbre dans les alentours de la maison avaient été cassées et que les feuilles du poirier étaient tombées. Ledit témoin confirme encore que les autorités au pouvoir avaient effectivement distribué des armes aux voisins serbes et monténégrins en 1991 et 1992 avec l'objectif d'effrayer les musulmans. ( pièce 11). A ce sujet Monsieur BAHOVIC affirme que sa fille …, née en 1987, subirait encore à l'heure actuelle les graves conséquences du traumatisme provoqué par la peur qu'elle a ressentie chaque fois que les balles sifflaient autour de la maison et il verse à cet égard un certificat médical du 24 novembre 2000 du Docteur A. B.(pièce 21).

Il suffit ensuite de lire la longue déclaration de Monsieur BAHOVIC lui-même (pièce 15) pour se convaincre que depuis 1990 et jusqu'au jour de sa fuite, il a été constamment l'objet, dans sa vie professionnelle, d'actions de déstabilisation, de pression, de diffamation et de discrimination, tant sur son lieu de travail auprès de la société I. que plus tard auprès de l'Automobile Club du Monténégro, et que dans sa vie privée il a également été la cible, ensemble avec sa famille, d'attaques de la part de ses voisins serbes dotés à cet effet d'armes par les autorités politiques en place.

Il résulte de l'ensemble de sa déclaration que l'origine de tous ses problèmes est à rechercher dans ses activités politiques au sein du parti SDA et notamment dans sa lutte pour les droits des minorités boshniaques musulmanes.

Ses affirmations sont confirmées par les déclarations précises et concordantes des témoins qui ont émis des attestations.

5 Il peut de ce fait être affirmé que la famille BAHOVIC ne jouissait plus au Monténégro de conditions normales de vie et de sécurité de sorte qu'elle était obligée de quitter le pays. ( voir à ce sujet pièce 16 qui curieusement émane de R. V. partant de l'ennemi intime de … BAHOVIC).

Attendu qu'aux termes de l'article 1er, section A, 2, de la Convention de Genève, le terme "réfugié" s'applique à toute personne qui " craignant avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou des opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas la nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner." La reconnaissance du statut de réfugié n'est en principe pas conditionnée par la seule situation générale du pays d'origine, mais par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu'elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l'évaluation de la situation personnelle du demandeur, l'examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de ses déclarations.

En l'espèce, Monsieur BAHOVIC a présenté un récit crédible et cohérent de tout ce qui lui est arrivé depuis 1990, soit depuis le jour qu'il s'est engagé publiquement dans la lutte des droits des minorités boshniaques musulmanes au Monténégro et son récit est consolidé par les attestations qui sont elles aussi crédibles et cohérentes.

Monsieur BAHOVIC a joué un rôle actif dans un parti d'opposition et il résulte des attestations produites en cause ainsi que d'un extrait du journal hebdomadaire indépendant MONITOR ( pièce 6) que 21 membres du siège et activistes du parti SDA ont été condamnés à des peines de prison de 5 à 7 ans, le journal citant notamment le cas du leader Harun HADZIC du SDA, jugé et vexé dans les prisons du Monténégro alors même que sa culpabilité n'avait jamais été prouvée.

Bien que ces arrestations remontent à 1994, la crainte de Monsieur BAHOVIC de devoir subir un sort analogue est encore justifiée à l'heure actuelle, étant donné que le dénommé R. V., qui a organisé dans le passé des attestations pareilles et les procédés de torture plus amplement décrits dans la déclaration de Monsieur BAHOVIC, occupe actuellement le poste de responsable de la Sécurité Publique,( l'équivalent d'un commissaire de police ), pour le secteur du Nord du Monténégro, région majoritairement peuplée par les Boshniaques. Il était encore parmi ceux qui fournissaient des armes aux citoyens serbes et monténégrins. La peur de Monsieur BAHOVIC devant cet homme est d'autant plus justifiée alors que tout au début R.

V. luttait à ses côtés pour la même cause avant de retourner sa veste pour collaborer avec le régime politique en place.

Le demandeur considère donc en quelque sorte le dénommé R.V. comme son ennemi intime alors qu'il lui a ouvertement exprimé ses opinions politiques dissidentes.

6 Monsieur BAHOVIC continue ses activités politiques pour la cause des Boshniaques depuis qu'il est arrivé au Luxembourg et son groupe se réunit une fois par semaine dans les locaux de la Caritas. Il affirme que ces activités auraient motivé des arrestations de certains qui sont retournés au Monténégro.

Il découle ainsi de l'ensemble des pièces du dossier que les craintes de Monsieur BAHOVIC sont basées sur des faits dont le tribunal admet la réalité.

Les chicaneries et menaces dont lui-même et sa famille ont été la cible trouvaient leur explication dans ses activités politiques dissidentes.

Le fait que R. V. occupe actuellement un poste important dans la police, fait encore craindre qu'il existe effectivement un danger sérieux pour la personne des demandeurs s'ils devaient être contraints de retourner dans leur pays d'origine.

Le tribunal administratif vient dès lors à la conclusion que les demandeurs ont établi avec la précision requise qu'ils remplissent les conditions prévues par l'article 1er section A2 de la Convention de Genève, de sorte qu'il y a lieu de leur reconnaître le statut de réfugiés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare justifié, par réformation de la décision ministérielle du 3 octobre 2000 notifiée le 26 novembre 2000, dit que les demandeurs remplissent les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique, condamne l'Etat aux frais de l'instance.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 3 juillet 2001 par:

M. Ravarani, président, Mme Maas, juge suppléant, Mme. Pauly, juge suppléant, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

7 s. Schmit s. Ravarani 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12862
Date de la décision : 03/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-03;12862 ?

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