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03/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12855

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juillet 2001, 12855


Tribunal administratif N° 12855 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 3 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … DEMIROVIC, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12733 et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DEMIROVIC, né le … à Tutin (Ser...

Tribunal administratif N° 12855 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 3 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … DEMIROVIC, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12733 et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DEMIROVIC, né le … à Tutin (Serbie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 septembre 2000, notifiée le 22 novembre 2000, confirmée sur recours gracieux le 3 janvier, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître FATHOLAZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 11 mai 1999, Monsieur … DEMIROVIC introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg ainsi que sur son identité.

Le 2 juillet 1999, il fut en outre entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 29 septembre 2000, notifiée le 22 novembre 2000, le ministre de la Justice l'informa de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations à la Police Judiciaire que vous avez quitté avec votre famille votre domicile de Novi Pazar à bord d’une camionnette pour aller en Hongrie.

Ensuite, vous avez tous pris place dans une autre camionnette qui vous a amenés au Luxembourg. Vous ne pouvez donner aucune autre indication concernant votre itinéraire.

Il résulte de vos déclarations faites à l’agent du ministère de la Justice que vous n’avez pas fait votre service militaire. Vous vous êtes présenté au contrôle d’aptitude physique un mois environ avant d’arriver au Luxembourg. Vous avez reçu ensuite une convocation pour être incorporé à l’armée mais vous ne vous êtes pas présenté. Vous précisez que votre meilleur ami a été tué lors d’un exercice militaire et que vous aviez peur de faire la guerre. Vous dites que vous risquez une peine de prison en cas de retour dans votre pays.

Vous précisez n’être membre d’aucun parti politique et n’avoir aucune activité politique. Vous ajoutez que les musulmans sont très défavorisés dans votre pays.

En ce qui concerne les persécutions dont vous auriez fait l’objet, vous dites avoir reçu plusieurs visites de la police pour tapage nocturne dans le café dont vous étiez propriétaire et avoir passé à ces occasions plusieurs nuits en garde à vue.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. De même, l’insoumission en tant que telle ne constitue pas un motif de persécution au sens de la Convention de Genève.

La seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Pour le surplus, il ne se dégage d’aucune de vos allégations que vous risquiez d’être persécuté pour une des raisons énumérées par l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève.

Je dois donc constater que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays, telle une crainte en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Comme suite à un recours gracieux introduit le 20 décembre 2000, le ministre confirma sa décision négative le 3 janvier 2001.

Par requête déposée le 5 avril 2001, Monsieur DEMIROVIC a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 29 septembre et 3 janvier 2001.

Le tribunal administratif étant compétent, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile;

2) d’un régime de protection temporaire, de statuer comme juge du fond en matière de demandes d'asile déclarées non fondées, et le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu'il a été contraint de quitter son pays parce qu'il avait fait l'objet de discriminations et de mauvais traitements par les autorités serbes dans différents domaines et ce uniquement en raison de son appartenance à la minorité bochniaque, la police serbe l'ayant emmené à plusieurs reprises au commissariat sans aucun fondement juridique et toujours sous prétexte de tapage nocturne. Il explique qu'il a quitté son pays également en raison du fait qu'il ne voulait pas servir dans l'armée et ainsi s'associer à des actions militaires contraires à sa conscience et d'ailleurs condamnées par la communauté internationale. Il craint qu'en rentrant dans son pays, il sera condamné pour insoumission à une peine d'emprisonnement d'une durée disproportionnée, un de ses voisins ayant été condamné, de ce fait, par défaut à une peine d'emprisonnement de six ans.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur DEMIROVIC, de sorte que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations faites.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur DEMIROVIC lors de ses différentes auditions, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

L’insoumission alléguée de Monsieur DEMIROVIC, d’une part, elle n’est pas, en elle-

même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans son chef une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et, d’autre part, il ne ressort des éléments du dossier ni qu’il risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés. Par ailleurs, une loi d'amnistie bénéficiant aux insoumis et aux déserteurs est entrée en vigueur le 3 mars 2001, et il est pour le surplus indéniable que la République fédérale de Yougoslavie déploie actuellement des efforts concrets pour réintégrer la communauté internationale, ces efforts se matérialisant, entre autres, par le retour aux principes de l'Etat de droit.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 3 juillet 2001 par:

M. Ravarani, président, Mme. Maas, juge suppléant, Mme. Pauly, juge suppléant, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12855
Date de la décision : 03/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-03;12855 ?

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