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02/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12927

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2001, 12927


Tribunal administratif N° 12927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2001 Audience publique du 2 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … KOSTADINOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 février 2001 par Maître François COLLOT, avocat à

la Cour, assisté par Maître Andreas KOMNINOS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des...

Tribunal administratif N° 12927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2001 Audience publique du 2 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … KOSTADINOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 février 2001 par Maître François COLLOT, avocat à la Cour, assisté par Maître Andreas KOMNINOS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KOSTADINOVIC, né le … à Krusevac (Serbie/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 novembre 2000, lui notifiée le 19 janvier 2001, par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été refusée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Andreas KOMNINOS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juin 2001.

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En date du 10 décembre 1999, Monsieur … KOSTADINOVIC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour Monsieur KOSTADINOVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur 1 l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 21 décembre 1999 il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 20 novembre 2000, notifié le 19 janvier 2001, le ministre de la Justice l’a informé de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Par requête déposée en date du 19 février 2001, Monsieur KOSTADINOVIC a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 20 novembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l'appui de son recours, le demandeur fait exposer que la décision déférée n’apprécierait pas à ses justes proportions sa situation individuelle. Il relève à cet égard que ce serait un fait qu’à la fin de la guerre au Kosovo, le gouvernement de Milosévic aurait concentré ses efforts dans le but de rester au pouvoir et d’opérer un rapprochement avec le Monténégro, que l’opposition politique fractionnée en Serbie aurait entrepris une série de manifestations politiques aux mois de juillet et de septembre 1999, que le gouvernement aurait répondu par la force en restreignant les activités des membres politiques de l’opposition et qu’un grand nombre de personnalités politiques auraient été arrêtées par la police durant les mois septembre et octobre 1999. Le demandeur déclare avoir été membre actif du parti démocratique DS depuis 1992 et précise avoir fait partie du comité exécutif dudit parti politique ainsi que d’avoir participé activement à toutes les manifestations. Il relève que cette activité lui aurait valu d’être arrêté par la police ensemble avec d’autres activistes politiques accusés d’avoir participé à un attentat à la bombe à Belgrade. Il relève que suite à cette arrestation il aurait été incarcéré pendant 3 jours et qu’il aurait été battu par la police serbe avant d’avoir été relâché. Il expose ainsi qu’il aurait été forcé de quitter le pays de crainte pour sa vie. Le demandeur estime que ce serait à tort que le ministre aurait réduit ses activités politiques à une simple « appartenance à un parti politique », étant donné que sa participation politique aurait été active et lui aurait valu une incarcération susceptible de fonder dans son chef une crainte avec raison d’être persécuté au sens de la Convention de Genève. Concernant la nouvelle situation politique en Serbie suite aux élections de 2000, le demandeur fait encore valoir que force serait de constater que suivant différents 2 rapports d’organisations internationales, les droits individuels et civiques ne seraient pas, à l’heure actuelle, garantis, de sorte que cette nouvelle situation ne saurait être suffisante pour justifier la décision déférée.

Le délégué du Gouvernement relève qu'une crainte « avec raison » d'être persécuté impliquerait à la fois un élément subjectif et un élément objectif devront tous les deux être pris en considération et que la situation générale du pays d'origine ne justifierait partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié. Il estime plus particulièrement que les problèmes allégués du demandeur avec la police serbe en octobre 1999, pour autant qu’ils seraient établis, ne seraient pas d’une gravité telle qu’ils justifieraient l’octroi du statut de réfugié, ceci d’autant plus que sa famille, restée en Serbie, n’aurait rencontré aucun problème avec les autorités serbes.

Le représentant étatique rappelle encore qu’il ne saurait être passé outre le fait que depuis le départ du demandeur en novembre 1999, la situation politique qui règne en République Fédérale Yougoslave se serait considérablement modifiée en ce que non seulement un nouveau président a été démocratiquement élu en automne 2000, mais encore en ce qu’un nouveau gouvernement a été formé et que la République Fédérale Yougoslave fait de nouveau partie de certaines organisations internationales.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “réfugié” s’applique à toute personne qui “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner “.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, a apprécié le bien-fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 96999, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclaration faites par Monsieur KOSTADINOVIC lors de son audition en date du 21 décembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans son chef d’une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

3 En effet, le demandeur n’établit pas, au regard plus particulièrement du changement de la situation dans son pays d’origine depuis les élections en automne 2000, une crainte qui à l’heure actuelle serait encore de nature à rendre sa vie, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il a par ailleurs déclaré lors de son audition vouloir retourner dans son pays après l’été 2000 en envisageant, le cas échéant, une possibilité de fuite interne en Bosnie.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2001 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12927
Date de la décision : 02/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-02;12927 ?

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