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02/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12798

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2001, 12798


Tribunal administratif N° 12798 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2001 Audience publique du 2 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … BESIC et consorts, Differdange contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12798 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 2001 par Maître Isabelle NE

ISS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsie...

Tribunal administratif N° 12798 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2001 Audience publique du 2 juillet 2001

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Recours formé par Monsieur … BESIC et consorts, Differdange contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12798 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 2001 par Maître Isabelle NEISS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BESIC, né le … à Srebrenik, (Serbie/Yougoslavie), et … …, née le … à Tuzla (Bosnie-Herzégovine), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … BESIC, née le … à Tuzla, tous de nationalité bosniaque et demeurant actuellement ensemble à L-4540 Differdange, 49, rue Dicks-Lentz, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 septembre 2000, notifiée le 20 novembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Isabelle NEISS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juin 2001.

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Le 14 janvier 1999, Monsieur … BESIC et Madame … …, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … BESIC, préqualifiée, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif 1 au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les consorts BESIC-… furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 13 et 18 août 1999 les consorts BESIC-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 25 septembre 2000, notifiée le 20 novembre 2000, le ministre de la Justice informa les consorts BESIC-… de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’ils ne sauraient bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le recours gracieux que les consorts BESIC-… ont fait introduire à l’encontre de la décision ministérielle prévisée par courrier de leur mandataire datant du 15 décembre 2000 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 21 décembre 2000, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle du 25 septembre 2000 par requête déposée en date du 19 janvier 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer que la décision déférée n’apprécierait pas à sa juste valeur leur situation spécifique et subjective qui serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte légitime de persécution dans leur pays d’origine pour l’un des motifs visés par la Convention de Genève. Ils relèvent plus particulièrement que les rapports d’audition de l’agent du ministère de la Justice datant respectivement des 13 et 18 août 1999 seraient imprécis et refléteraient très mal leur situation ainsi que la situation de fait existant à la frontière entre la République bosniaque et la République serbe. Ils font valoir que s’ils n’ont effectivement pas fait état de persécutions lors de leurs auditions, cela serait dû au fait qu’aucune question afférente ne leur aurait été posée par l’agent et qu’ils auraient ignoré que ces faits puissent avoir une incidence sur le bien fondé de leur demande. Ils relèvent que les brimades, tortures, persécutions et disparitions de personnes faisant partie de minorités ethniques seraient actuellement monnaie courante à la frontière entre les deux fédérations. Ils précisent encore qu’en date du 1er janvier 1995, Monsieur … BESIC, alors âgé de dix-sept ans, aurait joint l’armée bosniaque et combattu contre les Serbes, qu’en date du 30 septembre 1999 il aurait été fait prisonnier dans le camp de Doboj-Bare, qu’en date du 10 octobre 1995 une unité serbe serait venue dans ce camp pour enjoindre à quelques prisonniers de creuser des tranchées sur le front Tramosnica-Turic et que ce n’aurait été qu’après avoir dû creuser ces tranchées au milieu des tirs entre bosniaques et serbes qu’un soldat serbe, ancien professeur de Monsieur BESIC, lui aurait permis de s’échapper de ce 2 front. Ils signalent que Monsieur BESIC aurait vécu à Srebrenik dans un centre pour réfugiés de fin 1995 à fin 1999 et que, c’étant entre-temps marié avec la demanderesse … …, il aurait décidé de venir à Luxembourg, étant donné que vers la fin de l’année 1999, le centre de réfugiés les auraient mis à la porte du jour au lendemain. Dans la mesure où leur ville d’origine serait toujours soumise à des crises conflictuelles entre minorités et serait source de nombreux problèmes, notamment pour la famille BESIC qui est d’origine bosniaque et dont la maison serait située sur le territoire serbe, ils estiment que leur situation spécifique serait telle qu’elle laisserait supposer un danger sérieux pour leur personne au cas où ils seraient contraints de retourner dans leur pays. Ils soutiennent également qu’ils ne seraient pas en sécurité sur le territoire bosniaque, étant donné que le statut de « réfugiés en Bosnie » n’aurait rien à voir avec celui du Luxembourg et qu’ils n’y seraient jamais définitivement protégés contre les autorités serbes.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des consorts BESIC-… et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Il y a lieu de constater que les demandeurs ont en l’espèce limité les moyens à l’appui de leur recours à des considérations tenant à leur nationalité bosniaque, en raison de laquelle ils devraient encore à l’heure actuelle craindre personnellement et avec raison d’être persécutés, ceci compte tenu notamment du fait que la ville de Srebrenik serait toujours sujette à des tensions multiples.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Force est de relever à cet égard que les événements que Monsieur BESIC a vécu pendant la guerre en 1995 ne sont pas de nature dénoter dans son chef une crainte actuelle de persécution dans son pays d’origine qui lui rendrait la vie intolérable.

Pour le surplus, les moyens des demandeurs, ensemble les déclarations afférentes en rapport avec leur crainte de persécution s’analysent, en substance, comme l’expression d’un sentiment général de peur, ainsi qu’en des considérations d’ordre économique. En effet, tant leur qualification alléguée de réfugiés sur le territoire bosniaque que les conditions matérielles et 3 économiques difficiles afférentes s’analysent non pas en des circonstances particulières à l’espèce sous examen, mais, au vu du grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la Yougoslavie pendant la guerre, s’inscrivent dans un cadre général, commun à nombreux réfugiés qui entreprennet de ce réinstaller dans leur pays d’origine.

Il convient enfin de relever que les demandeurs restent en défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles ils ne seraient pas en mesure de s’installer dans une autre partie de la Yougoslavie et de profiter d’une possibilité de fuite interne, étant entendu que les considérations tenant au fait que le statut de réfugié en Bosnie n’emporterait pas la même protection que le statut de réfugié politique au Luxembourg ne sont pas de nature à contredire la possibilité même d’une fuite interne.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier dans leur chef la reconnaissance de statut de réfugié politique, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2001 par:

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12798
Date de la décision : 02/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-02;12798 ?

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