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02/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12750

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2001, 12750


Numéro 12750 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2001 Audience publique du 2 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … DUROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12750 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2001 par Maître Alex BODRY, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DUROVIC, né le … à B...

Numéro 12750 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2001 Audience publique du 2 juillet 2001 Recours formé par Monsieur … DUROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12750 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2001 par Maître Alex BODRY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DUROVIC, né le … à Bijelo Polje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 octobre 2000, notifiée en date du 1er décembre 2000, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2001 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alex BODRY et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2001.

Le 6 juillet 1999, Monsieur … DUROVIC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur DUROVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 7 juillet 1999 Monsieur DUROVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le ministre de la Justice informa Monsieur DUROVIC, par lettre datant du 12 octobre 2000, notifiée en date du 1er décembre 2000, de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

A l’encontre de cette décision, Monsieur DUROVIC a fait introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 19 décembre 2000. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 2 janvier 2001, il a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 12 octobre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste la motivation à la base de la décision de refus ministérielle déférée en ce que le ministre a dénié dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Il fait valoir à cet égard que le fait de s’être soustrait au service militaire obligatoire, serait un acte d’insoumission passible d’une peine d’emprisonnement de plusieurs années selon la loi militaire yougoslave et que le fait d’avoir refusé de porter les armes au Kosovo mériterait une reconnaissance de la part des autorités luxembourgeoises, étant donné qu’il devrait craindre objectivement de se voir confronter à un procès devant les juridictions militaires en cas de retour dans son pays. Il fait valoir en second lieu ses liens familiaux avec différents résidents yougoslaves au Luxembourg et estime qu’il y aurait lieu de prendre en considération cet argument d’ordre humanitaire pour apprécier sa demande.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

En cours de procédure contentieuse, le demandeur a pu prendre inspection, par l’intermédiaire de son mandataire, d’une traduction de la loi d’amnistie votée récemment par le parlement yougoslave et visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, produite en cause par le délégué du Gouvernement. Le demandeur a fait observer lors des plaidoiries à l’audience à travers son mandataire qu’il ne serait pas certain qu’il entrerait 2 dans les prévisions et dans le champ d’application dans le temps de ladite loi d’amnistie et que le doute sur l’applicabilité de cette loi à son cas devrait lui bénéficier.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 7 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait qu’il n’est pas établi qu’actuellement, Monsieur DUROVIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés dans le cadre de son service militaire, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir le cas échéant en raison de son insoumission serait encore effectivement exécutée à son encontre. Concernant ce dernier point, il convient en effet de relever que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur DUROVIC n’établit pas que les condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées, ceci compte tenu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée récemment par le parlement yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave et plus particulièrement, à travers les articles visés dans son article 1er, également ceux qui ont quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires.

3 Concernant ensuite les liens familiaux au Luxembourg auxquels se réfère le demandeur, force est de constater qu’il s’agit d’éléments qui ne sauraient être considérés comme fondant dans le chef du demandeur une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine et qu’ils ne sauraient partant énerver ni la légalité ni le bien fondé de la décision déférée.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2001 par:

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12750
Date de la décision : 02/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-02;12750 ?

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