La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12566

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2001, 12566


Tribunal administratif N° 12566 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2000 Audience publique du 2 juillet 2001

==========================

Recours formé par Monsieur … KASAMBA MUTUMBA contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

-------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2000 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur … KASAMBA MUTUMBA, instituteur, de nationalité congolaise, demeurant à L-…, te...

Tribunal administratif N° 12566 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2000 Audience publique du 2 juillet 2001

==========================

Recours formé par Monsieur … KASAMBA MUTUMBA contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

-------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2000 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KASAMBA MUTUMBA, instituteur, de nationalité congolaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 novembre 2000 lui refusant l’octroi d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2000 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 14 décembre 2000 par laquelle un recours en sursis à exécution dirigé contre la prédite décision du ministre de la Justice du 24 novembre 2000 a été déclaré non justifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Monique CLEMENT, en remplacement de Maître Jean-Georges GREMLING, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Madame K. K., originaire du Congo et de nationalité belge, s’est établie au Luxembourg en 1999. Muni d’un visa touristique valable du 10 novembre 2000 au 10 décembre 2000, Monsieur … KASAMBA MUTUMBA, de nationalité congolaise, étudiant, fils de Madame KAMWANYA, est venu au Luxembourg. Le 15 novembre 2000, sa mère a introduit auprès du ministre de la Justice une demande d’autorisation de séjour pour qu’il puisse poursuivre ses études en Belgique.

Par décision ministérielle du 24 novembre 2000, la demande a été rejetée aux motifs, d’une part, que Monsieur KASAMBA MUTUMBA ne dispose pas de moyens personnels suffisants permettant d’assurer son séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir, et, d’autre part, qu’il n’est pas inscrit à un établissement scolaire au Luxembourg.

Par requête du 7 décembre 2000, inscrite sous le numéro 12566 du rôle, Monsieur KASAMBA MUTUMBA a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision de refus du 24 novembre 2000. Par requête du même jour, inscrite sous le numéro 12565 du rôle, il a introduit une demande tendant à conférer un effet suspensif à son recours introduit au fond.

Par son ordonnance rendue en date du 14 décembre 2000, le président du tribunal administratif a déclaré non fondée la prédite requête, introduite sous le numéro 12565 du rôle, tendant à conférer un effet suspensif au recours présentement sous analyse, introduit sous le numéro 12566 du rôle, au motif qu’un retour du demandeur dans son pays d’origine en attendant que la juridiction du fond se prononce sur le mérite de son recours contre le refus de lui accorder une autorisation de séjour n’est pas de nature à lui causer un préjudice grave et définitif, en ce qu’il n’est entré sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg qu’en date du 14 novembre 2000.

Quant au recours en réformation Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours ( trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, p. 310 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Quant au recours en annulation Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur estime que le ministre de la Justice aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en retenant qu’il ne disposerait pas de moyens personnels suffisants lui permettant d’assurer son séjour au Luxembourg, au motif que nonobstant le fait que « l’obligation d’entretien et d’éducation [prendrait] fin à la majorité des enfants », « les parents demeurent tenus de leur donner, même au-delà de la majorité, les moyens de poursuivre des études destinées à les préparer à la profession qu’ils entendent embrasser, à condition qu’ils se révèlent aptes à les poursuivre ». En l’espèce, sa mère se serait déclarée prête à prendre intégralement à sa charge ses frais de voyage et de séjour, ainsi que les frais liés à ses études. Il estime partant ne pas avoir à justifier de ses ressources propres puisqu’en sa qualité d’étudiant, il serait pris en charge par sa mère.

2 Il expose encore que sa mère aurait voulu l’inscrire « dans un établissement scolaire luxembourgeois », mais qu’au vu du fait qu’il ne maîtrisait pas la langue allemande, elle aurait « dû faire une demande d’inscription en Belgique ». Sur ce, il déclare que sa mère aurait toujours eu l’intention de solliciter une autorisation de séjour en sa faveur au Luxembourg, et non pas en Belgique, afin qu’il puisse poursuivre des cours de langues au Centre de Langues au Luxembourg.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que chaque étranger qui désire résider au Luxembourg doit remplir les conditions prévues à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et qu’il doit notamment justifier de moyens personnels propres au moment où la décision portant sur sa demande en délivrance d’une autorisation de séjour a été prise, la loi ne prévoyant aucune exception ou exemption de cette condition en faveur des étudiants.

En ce qui concerne le deuxième motif de refus invoqué par le ministre de la Justice à l’appui de la décision déférée au tribunal, tiré de ce que le demandeur ne serait pas inscrit à un établissement scolaire au Luxembourg, le délégué du gouvernement fait valoir que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de fait et de droit ayant existé au jour où elle a été prise et qu’à cette date, le ministre aurait été saisi d’une demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur du demandeur, dans laquelle il était indiqué qu’il entendait poursuivre des études en Belgique. Comme il n’existerait aucune raison qui justifierait la délivrance d’une autorisation de séjour au Luxembourg à un étranger souhaitant poursuivre des études à l’étranger, le ministre aurait à bon droit pu refuser le permis de séjour sollicité. En ce qui concerne l’information selon laquelle le demandeur souhaiterait s’inscrire au Centre de langues à Luxembourg, le représentant étatique précise qu’il s’agirait en l’espèce d’un « élément nouveau » qui ne ressortirait pas du dossier administratif tel qu’il se serait trouvé en possession du ministre au moment de la prise de la décision.

Le ministre de la Justice s’est référé à deux motifs différents, se trouvant à la base de la décision litigieuse portant refus du permis de séjour, l’un étant tiré du défaut de moyens d’existence personnels, et l’autre étant tiré du fait que le demandeur ne souhaitait pas établir sa résidence au Luxembourg.

En ce qui concerne ce dernier motif, il échet de relever que l’intention de séjourner et le séjour effectif au Luxembourg constituent des prémisses de base requises pour qu’il y ait lieu à l’octroi d’une autorisation de séjour. Il est inadmissible qu’une autorisation de séjour soit accordée à un étranger qui n’a pas l’intention de séjourner au pays (cf. trib. adm. 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour -

Expulsion, n° 94, p. 120 et autres références y citées).

Il y a encore lieu de relever que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué (cf. trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, n° 9 et autres références y citées). En outre, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (trib. adm. 27 janvier 1997, op. cit. n° 12 et autres références y citées).

3 En l’espèce, la mère du demandeur a introduit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande datée au 15 novembre 2000, par laquelle elle sollicita la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de son fils, l’actuel demandeur, en indiquant que celui ci « voudrait bien continuer ses études en Belgique », et en priant le ministre « de lui accorder le séjour comme étudiant ».

Cette demande fut rencontrée par la décision du ministre de la Justice du 24 novembre 2000, actuellement sous discussion.

Il ne ressort d’aucune pièce et d’aucun renseignement figurant au dossier administratif qu’à la date à laquelle la prédite décision a été prise, le ministre avait connaissance de ce qu’en réalité, le demandeur entendait poursuivre des études au Luxembourg. Il ressort au contraire desdites pièces, que ce n’est que dans le cadre d’un recours gracieux dirigé par la mère du demandeur contre la décision précitée du 24 novembre 2000, resté d’ailleurs sans réponse - la décision implicite de refus résultant du silence gardé pendant plus de trois mois à partir de l’introduction dudit recours gracieux n’étant pas visée par la requête sous analyse -

que le ministre a été informé du fait que la mère sollicitait « le bénéfice du regroupement familial » en faveur de son fils … KASAMBA MUTUMBA et ce n’est que dans la requête introductive d’instance par laquelle a été introduite la présente instance que le demandeur déclare vouloir « poursuivre des études au Luxembourg » et « suivre des cours au Centre de Langues au Luxembourg, notamment l’allemand et l’anglais ».

Il ne saurait partant être reproché au ministre de la Justice d’avoir refusé au demandeur le permis de séjour, au motif que celui-ci n’avait pas l’intention de séjourner au Luxembourg, alors qu’il n’a été informé que postérieurement à sa prise de décision du fait que le demandeur, contrairement à ses déclarations initiales, souhaitait s’établir au Luxembourg, et y poursuivre ses études. Or, comme dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de la décision s’apprécie au jour où elle a été prise, le juge administratif n’est pas habilité à prendre en considération des éléments apparus après la prise de la décision litigieuse, dont l’auteur n’a pas pu avoir connaissance. Le ministre n’a partant pas commis une violation de la loi ou une erreur manifeste d’appréciation des faits.

Il s’ensuit que le refus ministériel se trouve justifié à suffisance de droit par ledit motif, l’examen de l’autre motif invoqué à l’appui du refus ministériel de délivrer un permis de séjour au demandeur, et tiré de ce qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants, devient superflu et le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

4 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 2 juillet 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12566
Date de la décision : 02/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-07-02;12566 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award