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28/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12990

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2001, 12990


Tribunal administratif N° 12990 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2001 Audience publique du 28 juin 2001

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Recours formé par Monsieur … ISTREFI et Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 2 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur … ISTREFI, né le … , et de Madame …, née le …, tous les deux de nationalité yougoslave, ...

Tribunal administratif N° 12990 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2001 Audience publique du 28 juin 2001

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Recours formé par Monsieur … ISTREFI et Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 2 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ISTREFI, né le … , et de Madame …, née le …, tous les deux de nationalité yougoslave, déclarant demeurer ensemble à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 octobre 2000, refusant l’octroi d’un permis de séjour à Monsieur ISTREFI, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux en date du 8 janvier 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en ses plaidoiries.

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Par lettre du 17 mars 2000, à l’adresse du ministre de la Justice, ci-après dénommé le « ministre », Madame …, préqualifiée, introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur … ISTREFI, préqualifié, « en vue de mariage ». A cette lettre fut jointe une « déclaration de prise en charge du futur conjoint étranger », signée en date du même jour par Madame …, par laquelle elle s’est engagée à prendre à sa charge tous les frais de séjour et de voyage, d’aide médicale et autres, qui seraient à couvrir en rapport avec la présence au Luxembourg de son futur mari, Monsieur … ISTREFI.

Le 4 octobre 2000, le ministre refusa l’autorisation sollicitée, au motif que Madame … n’était pas « en possession de moyens d’existence suffisants légalement acquis, pour assurer le séjour de 2 personnes », en indiquant toutefois qu’il était disposé à réexaminer le dossier à partir du moment où elle lui aurait fait parvenir la preuve de moyens d’existence suffisants.

Suite à un recours gracieux introduit par lettre datée du 16 octobre 2000, parvenue au ministère de la Justice en date du 18 octobre 2000, par le mandataire de Madame … et de Monsieur ISTREFI, en annexe à laquelle figuraient non seulement des bulletins de salaire des parents de Madame … mais également une déclaration signée par ceux-ci en vue de la prise en charge de l’entretien de Monsieur ISTREFI ainsi qu’un bulletin de salaire de Madame …, le ministre confirma, par lettre du 8 janvier 2001, sa décision initiale en indiquant que seuls les moyens d’existence du ménage ISTREFI-… pourraient être pris en considération en l’espèce.

Par requête déposée le 2 mars 2001, Monsieur ISTREFI et Madame … ont introduit un recours contre les décisions précitées du ministre des 4 octobre 2000 et 8 janvier 2001.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours qu’il qualifie comme étant un recours en réformation, au vu de la formulation retenue dans le dispositif de la requête introductive d’instance, au motif que la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ne prévoirait pas un recours en réformation en la présente matière.

En l’absence d’explications supplémentaires fournies à ce sujet par les demandeurs soit dans un mémoire en réplique, soit au cours des plaidoiries, il échet au tribunal de qualifier, à partir du contenu de la requête introductive d’instance, et, plus particulièrement, du dispositif de celle-ci, le type de recours que les demandeurs ont entendu introduire auprès du tribunal administratif.

S’il est vrai qu’au début de la requête, les demandeurs indiquent vouloir introduire un « recours » contre les décisions litigieuses, il n’en demeure pas moins que dans le dispositif de ladite requête, ils entendent voir « accorder l’autorisation de séjour » en faveur de Monsieur ISTREFI.

Il s’ensuit que les demandeurs n’ont pas l’intention d’introduire un recours en annulation contre les décisions incriminées, mais qu’ils ont en réalité introduit un recours en réformation, en ce qu’au-delà de leurs conclusions tendant à l’annulation des décisions en question, ils entendent voir réformer celles-ci et voir ordonner par le juge administratif la délivrance d’une autorisation de séjour à Monsieur ISTREFI.

Toutefois, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire qui prévoit un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’un permis de séjour. Partant, seul un recours en annulation était légalement admissible en la présente matière.

Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels les recours en annulation doivent être introduit (trib. adm. 26 mai 1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, III. Divers, n° 25, p.

308 et autres références y citées).

2 Il s’ensuit que le recours en réformation introduit par les demandeurs est recevable dans la limite des moyens d’annulation y invoqués, et pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs critiquent les décisions incriminées du ministre, en reprochant à ce dernier d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, en ce qu’il a décidé que Madame … ne disposerait pas des moyens personnels suffisants pour supporter le séjour de deux personnes, et plus particulièrement celui de son ami, Monsieur ISTREFI, alors que la preuve de tels moyens personnels suffisants, tels qu’exigés par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, serait rapportée à suffisance de droit par les attestations produites par les parents de Madame …, qui se seraient déclarés disposés à prendre en charge l'entretien de leur futur beau-fils. En outre, Madame … disposerait elle-même de moyens financiers « certes limités », qui contribueraient toutefois, ensemble avec les revenus qu’elle percevrait de la part de ses parents, à pouvoir assurer l’entretien non seulement d’elle-même mais également de son ami, dont elle aurait entre-temps eu un enfant. Ils soutiennent dans ce contexte qu’il n’existerait aucune disposition légale ou réglementaire suivant laquelle les moyens d’existence, tels que visés par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, devraient exclusivement provenir du ménage lui-même et qu’en l’espèce, ces moyens seraient « suffisamment garantis » par les sommes qui leur seraient procurées par les parents de Madame ….

Le délégué du gouvernement rétorque que dans la mesure où l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 exigerait que les moyens requis en vue de supporter les frais de voyage et de séjour devraient être personnels au demandeur d’une autorisation de séjour, ceux garantis par des tiers, notamment au moyen d’une prise en charge signée par un membre de la famille dudit demandeur ou une aide financière lui apportée par un tiers, ne sauraient être considérés comme constituant des moyens personnels au sens de la disposition légale précitée. Ainsi, le soutien financier que les parents de Madame … ont offert au couple ISTREFI-… ne saurait être pris en compte pour vérifier si les demandeurs disposent de moyens personnels suffisants en vertu de l’article 2 précité et, par ailleurs, les revenus de Madame …, s’élevant à un montant de 29.000.- francs par mois, ne seraient pas suffisants pour supporter les frais liés au séjour de deux personnes adultes. Il ajoute que de toute façon, il n’existerait aucune obligation alimentaire entre Madame … et Monsieur ISTREFI, à défaut d’un mariage existant entre les deux intéressés.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que «l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ». Une autorisation de séjour peut donc être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. A cet égard, ne sont pas considérés comme moyens personnels une prise en charge signée par un membre de la famille du demandeur ainsi qu’une aide financière apportée au demandeur par celui-ci (trib. adm. 9 juin 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour - Expulsion, n° 82, pages 117 et 118, et autres références y citées).

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de 3 vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

En l’espèce, s’il est vrai que la décision incriminée du 4 octobre 2000 se réfère au défaut de moyens d’existence suffisants, légalement acquis, dans le chef de Madame …, en ce que celle-ci ne disposerait pas de moyens financiers suffisants pour assurer non seulement son séjour mais également celui de son ami, Monsieur ISTREFI, il se dégage néanmoins implicitement mais sans équivoque possible qu’il est reproché à Monsieur ISTREFI, au profit duquel la délivrance d’une autorisation de séjour est sollicitée par les demandeurs, de ne pas être en possession de moyens d’existence personnels et suffisants, tels que prévus par l’article 2 précité.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut, au vu de la prise en charge signée par l’amie de Monsieur ISTREFI, Madame …, par laquelle celle-ci se déclare prête à prendre en charge tous les frais liés au voyage et au séjour au Luxembourg de son ami, Monsieur ISTREFI, et de celle signée par les parents de Madame …, par laquelle ceux-ci déclarent prendre en charge l’entretien de Monsieur ISTREFI « pour le cas où celui-ci serait autorisé à séjourner au pays », que de telles prises en charge, en l’absence de toute autre preuve de l’existence de moyens personnels propres de la part de Monsieur ISTREFI, ne constituent pas la preuve de moyens personnels, tels qu’exigés par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Il est encore constant qu’au moment où les décisions incriminées ont été prises, Monsieur ISTREFI n’a pas rapporté la preuve d’autres moyens personnels propres lui permettant de supporter les frais de voyage et de séjour, une telle preuve n’ayant d’ailleurs pas non plus été rapportée en cours d’instance. Il n’est par ailleurs pas contesté qu’au moment de l’émission des deux décisions ministérielles sous analyse, les demandeurs n’étaient pas mariés.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu rejeter la demande en octroi d’une autorisation de séjour sollicitée en faveur de Monsieur ISTREFI et le recours est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent ni représenté à l’audience de plaidoiries est indifférent. Du moment que la requête introductive d’instance a été déposée et que la partie défenderesse a déposé un mémoire en réponse, le jugement est rendu contradictoirement entre parties (cf. trib. adm. 19 février 1997, n° 9622 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, VIII, Jugement, n° 132, p. 296 et autres références y citées).

En l’espèce, le jugement est rendu contradictoirement à l’égard de toutes les parties, nonobstant le fait que l’avocat constitué pour les demandeurs n’a pas été présent ou représenté à l’audience du 18 juin 2001 au cours de laquelle l’affaire sous analyse a été plaidée.

Par ces motifs 4 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties à l’instance;

reçoit le recours en réformation en la forme dans la limite des moyens d’annulation invoqués ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 juin 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12990
Date de la décision : 28/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-28;12990 ?

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