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28/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12548

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2001, 12548


Tribunal administratif N° 12548 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2000 Audience publique du 28 juin 2001

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Recours formé par Monsieur … DIAS, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12548 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2000 par Maître David TRAVESSA MENDES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur … DIAS, secrétaire syndical, demeurant à L-… , tendant à la réformation sin...

Tribunal administratif N° 12548 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2000 Audience publique du 28 juin 2001

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Recours formé par Monsieur … DIAS, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12548 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2000 par Maître David TRAVESSA MENDES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DIAS, secrétaire syndical, demeurant à L-… , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 octobre 2000 le rangeant dans la classe d’impôt I pour l’année d’imposition 1996;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 9 avril 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Alexandra CORRE, en remplacement de Maître David TRAVESSA MENDES, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Suivant décision du bureau RTS Luxembourg III de l’administration des Contributions directes du 3 avril 1996, Monsieur … DIAS, préqualifié, demeurant ensemble avec son épouse Madame …, de nationalité portugaise, travaillant au Grand-Duché comme fonctionnaire européen, s'est vu attribuer pour l’année 1996 la classe d’impôt I.

Par courrier daté du 10 avril 1996, Monsieur DIAS introduisit une réclamation contre cette classification auprès du directeur de l'administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », en faisant valoir que ce serait à tort qu'il avait été rangé dans la classe d'impôt I, alors qu'il serait marié et qu'il résiderait ensemble avec son épouse au 1 Luxembourg, que sa femme n'aurait d'autres revenus que ceux qu'elle gagnerait au Luxembourg, de sorte qu'ils devraient dès lors bénéficier de la classe d’impôt II.

Suivant décision n° C8960 du 24 octobre 2000, le directeur rejeta cette réclamation comme non fondée au motif notamment que « l'article 14 du protocole doit être interprété en ce sens que la détermination du domicile fiscal du fonctionnaire communautaire ne saurait dépendre de la volonté de l'intéressé; qu'il en résulte que l'épouse du requérant doit être regardée comme ayant gardé son domicile fiscal à l'étranger, plus précisément au Portugal, et partant comme non-résidente, de sorte que l'imposition collective et par conséquent l'attribution de la classe 2 ne saurait être accordée ».

A l'encontre de cette décision directoriale, Monsieur DIAS a introduit un recours en réformation sinon en annulation par requête déposée en date du 6 décembre 2000.

Quant à la recevabilité Le tribunal étant compétent, en vertu des dispositions de l’article 8 (3), 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, pour statuer en tant que juge du fond à l'encontre d'une décision du directeur intervenue sur base du paragraphe 235 (5) de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après appelée « AO », le recours en réformation introduit par Monsieur DIAS est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Quant au fond A l'appui de son recours, le demandeur persiste à solliciter l’attribution de la classe d'impôt II, en soutenant qu'il est marié depuis le 28 avril 1989 avec Madame …, de nationalité portugaise, qui est entrée au service des institutions des Communautés Européennes en date du 1er octobre 1986 et qui a pris résidence au Luxembourg en date du 2 octobre 1986.

Il fait valoir qu’il vivrait, ensemble avec son épouse, de façon permanente au Grand-

Duché de Luxembourg et qu’ils y gagneraient l’intégralité de leurs revenus. Il relève encore que son épouse ne disposerait pas de biens et n’aurait pas de revenus propres dans un autre pays. Le centre des intérêts vitaux du ménage se trouverait partant au Luxembourg et, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », ils devraient être considérés comme des contribuables résidents. Il soutient que dans cette hypothèse, l’article 3 LIR disposerait que les époux sont à imposer collectivement et à ranger dans la classe d’impôt II. A ce sujet, il fait préciser qu'il serait néanmoins dérogé à cette règle par application de l’article 14 du Protocole sur les Privilèges et Immunités des Communautés européennes, annexé au Traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil et une Commission unique, désigné ci-après « PPI », dans la mesure où ce dernier dispose que les fonctionnaires qui, en raison uniquement de l’exercice de leurs fonctions au service des institutions des Communautés Européennes, établissent leur résidence sur le territoire d’un Etat membre autre que le pays du domicile fiscal qu’ils possédaient au moment de leur entrée au service des institutions des Communautés Européennes, sont considérés comme ayant conservé leur domicile dans ce dernier pays.

2 Le demandeur soutient qu’il se dégagerait de cette disposition que tout conjoint d’un tel fonctionnaire européen ayant eu sa résidence dans un Etat membre autre que le Luxembourg, avant son entrée en service auprès des institutions des Communautés Européennes sur le territoire luxembourgeois, se verrait classé dans la classe d’impôt I lorsqu’il exerce une activité professionnelle propre au Luxembourg. A l’inverse, tout conjoint d’un fonctionnaire ayant sa résidence au Luxembourg avant son entrée au service des institutions des Communautés Européennes sur le territoire luxembourgeois, se verrait classé dans la classe d’impôt II lorsqu’il exerce une activité professionnelle propre, de sorte qu’il réaliserait ainsi une économie d’impôt substantielle par rapport aux couples dont l’un des conjoints a résidé avant son entrée en service auprès des institutions des Communautés Européennes, dans un autre Etat membre, puisqu’il serait imposé collectivement avec son conjoint suivant le barème de la classe d’impôt II, avec exemption des traitements et salaires versés par les institutions des Communautés Européennes au fonctionnaire.

Le demandeur considère dès lors que le fait par le bureau d’imposition et par le directeur de ne pas le ranger dans la classe d’impôt II aurait un caractère discriminatoire dans la mesure où les couples qui résideraient déjà sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg au moment de l’entrée au service des institutions des Communautés Européennes d’un des deux conjoints, couples qui seraient pour la majorité des cas des Luxembourgeois, seraient rangés dans la prédite classe d’impôt.

En conclusion, le demandeur critique l’application des articles 2 et 3 LIR en ce qu’ils réservent la classe d’impôt II aux contribuables résidents, étant entendu que les nationaux pourront satisfaire plus facilement cette condition que les ressortissants des autres Etats membres, ce qui rendrait les prédits articles contraires au principe de non-discrimination retenu par les articles 7 alinéa premier (devenu l’article 6 alinéa 1ier) et 48 (devenu l’article 39 paragraphe 2) du Traité instituant la Communauté Economique Européenne (C.E.E.) ainsi que par l’article 7 paragraphe 2 du règlement CEE n°1611/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté.

Il fait encore valoir qu’en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés Européennes, les règles d’égalité de traitement prohiberaient non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat, tel que cela serait le cas en l’espèce.

Il se réfère à ce sujet à un arrêt rendu par la prédite Cour de Justice dans une affaire ZURSTRASSEN c/ l’administration des Contributions directes du 16 mai 2000 qui prohiberait que l’imposition collective de conjoints non séparés, ni de fait, ni en vertu d’une décision de justice, soit soumise à la condition qu’ils soient tous deux résidents sur le territoire national, dans le cas où un travailleur réside dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.

A titre subsidiaire, au cas où le tribunal arriverait à la conclusion que les données de l’espèce ne seraient pas similaires à celles retenues dans l’affaire ZURSTRASSEN, le demandeur entend voir soumettre à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle suivante : « l’article 48 du traité de l’Union Européenne et l’article 7 alinéa 1er et l’article 7 paragraphe 2 du règlement CEE n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté s’opposent-

ils à une réglementation nationale qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice 3 de l’imposition collective des conjoints non séparés, ni de fait, ni en vertu d’une décision de justice à la condition que ces derniers soient tous deux résidents sur le territoire national et refuse l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidant dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi, sinon la totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint est considéré comme résidant dans un autre Etat membre conformément à l’article 14 du Protocole sur les Privilèges et Immunités des Communautés Européennes ».

Le délégué du gouvernement rétorque que la différence de traitement dénoncée par le demandeur ne serait pas le fait de la loi luxembourgeoise, qui a vocation à s’appliquer uniformément à tous les époux vivant au Grand-Duché de Luxembourg, mais résulterait de l’article 14 du PPI qui obligerait le Grand-Duché en tant qu’Etat de résidence à traiter différemment les fonctionnaires européens et leurs conjoints selon que les premiers avaient leur domicile fiscal au Luxembourg ou ailleurs avant d’entrer au service des institutions des Communautés Européennes.

Il fait encore préciser que « l’idée même que l’imposition collective est un avantage serait fausse » et que « l’imposition collective ne paraît avantageuse à l’appelant que parce que le traitement de son conjoint n’est pas seulement exonéré et n’entre donc pas dans l’assiette de l’impôt, mais bénéficie en outre de la jurisprudence Humblet (CJCE, 16 décembre 1960, Rec. p. 1125, adde 14 octobre 1999 Vander Zwalmen C-229-98) et ne peut même pas servir, conformément à l’article 134 LIR, à déterminer le taux de l’impôt luxembourgeois ».

Ce ne serait donc pas la liaison à l’article 3 LIR entre la double résidence dans le pays et l’imposition collective qui serait la source d’un désavantage pour le demandeur, mais le fait qu’il ne se trouve pas dans une situation dans laquelle il pourrait pleinement profiter des avantages résultant du régime fiscal particulier des traitements communautaires.

Le représentant étatique conclut que « comme l’imposition collective n’est pas un avantage pour ceux auxquels elle s’applique, la prémisse sur laquelle repose l’arrêt ZURSTRASSEN de la Cour de Justice des Communautés n’est pas donnée en l’espèce de sorte que la conclusion n’est pas applicable ».

Comme le demandeur sollicite de la part de l’administration des Contributions directes à être rangé dans la classe d’impôt II, le tribunal est tout d’abord amené à analyser si les conditions fixées par la législation luxembourgeoise en vue d’être rangé dans la prédite classe d’impôt sont remplies.

En vertu de l’article 119, paragraphe 3 LIR, « la classe II comprend a) les personnes imposées collectivement en vertu de l’article 3, b) les personnes veuves dont le mariage a été dissous par décès au cours des trois années précédant l’année d’imposition, c) les personnes divorcées, séparées de corps ou séparées de fait en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire au cours des trois années précédant l’année d’imposition, si avant cette époque et pendant cinq ans elles n’ont pas bénéficié de la présente disposition ou d’une disposition similaire antérieure ».

Il est constant en l’espèce que les époux DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE ne remplissent pas les conditions prévues par les alinéas b) et c) du paragraphe 3 de l’article 4 précité et par conséquent, il y a lieu de vérifier s’ils remplissent les conditions déterminées par l’alinéa a) du paragraphe 3 précité, étant entendu qu’à partir du moment où ils ne sont pas visés par l’alinéa a) précité, ils devront être rangés soit dans la classe d’imposition I a, telle que définie au paragraphe 2 dudit article 119, soit dans la classe I telle que déterminée au paragraphe 1er du même article.

L’article 3 LIR, auquel il est fait référence à l’alinéa a) du paragraphe 3 précité dispose que « sont imposés collectivement a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire;

b) les contribuables résidents qui se marient en cours de l’année d’imposition;

c) les époux qui deviennent contribuables résidents en cours de l’année d’imposition et qui ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une autorité judiciaire ».

En l’espèce, il est encore constant que les époux DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE ne remplissent pas les conditions déterminées par les alinéas b) et c) de l’article 3 précité et il échet partant de vérifier s’ils sont susceptibles de remplir les conditions telles que déterminées par l’alinéa a) du même article 3. Etant donné qu’il n’est pas contesté que les époux DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une décision d’une autorité judiciaire, il appartient au tribunal de vérifier si les deux époux ont été, au début de l’année d’imposition 1996, contribuables résidents au Luxembourg.

L’article 2 LIR détermine, dans son paragraphe (1), les conditions à remplir par une personne physique afin de déterminer si elle a été contribuable résident au Luxembourg au titre d’une année d’imposition considérée. Au vœu de cet article « sont considérées comme contribuables résidents ou comme contribuables non-résidents, (les personnes physiques) suivant qu’elles ont ou qu’elles n’ont pas leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché ».

Les notions de domicile fiscal (« Wohnsitz ») et de séjour habituel (« gewöhnlicher Aufenthalt ») sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, communément appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après dénommée « StAnpG ». Le paragraphe 13 précité définit le domicile fiscal comme étant la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable visé la conservera et en fera usage (« Einen Wohnsitz im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er eine Wohnung innehat unter Umständen, die darauf schliessen lassen, dass er die Wohnung beibehalten und benutzen wird »). Cette notion suppose ainsi la possession matérielle d’une habitation, ainsi que « des circonstances de fait (dont) résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays » (doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad. art. 3).

La notion de séjour habituel au sens du paragraphe 14 alinéa 1er StAnpG vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager. Le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour effectif au pays excède six mois consécutifs (« Den gewöhnlichen Aufenthalt im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er sich unter Umständen aufhält, die erkennen lassen, dass er an diesem Ort oder in diesem Land nicht nur vorübergehend verweilt.

5 Unbeschränkte Steuerpflicht tritt jedoch stets dann ein, wenn der Aufenthalt im Inland länger als sechs Monate dauert. In diesem Fall erstreckt sich die Steuerpflicht auch auf die ersten sechs Monate »).

En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE avait au 1er janvier de l’année 1996 sa résidence effective au Luxembourg où elle travaillait pour le compte des institutions des Communautés Européennes. Il résulte par ailleurs d’un certificat de résidence, établi par le bureau de la population de la ville de Luxembourg en date du 16 septembre 1997, qu’elle était inscrite au registre de la population sans interruption depuis le 2 octobre 1986 jusqu’à la date de l’émission du prédit certificat.

Madame DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE était donc, en principe, en vertu du droit national, un contribuable résident au Luxembourg au cours de l’année 1996. Par ailleurs, il n’est pas contesté que le demandeur était également au courant de l’année précitée un contribuable résident au Luxembourg, de sorte qu’en vertu des dispositions nationales, les époux DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE seraient donc à considérer comme des contribuables résidents à ranger dans la classe d’impôt II.

Il est cependant dérogé à la détermination du domicile fiscal en droit national par le PPI qui dispose dans son article 14 que « pour l’application des impôts sur le revenu et sur la fortune, des droits de succession, ainsi que des conventions tendant à éviter les doubles impositions conclues entre les pays membres des Communautés, les fonctionnaires et autres agents des Communautés qui, en raison uniquement de l’exercice de leurs fonctions au service des Communautés, établissent leur résidence sur le territoire d’un pays membre autre que le pays du domicile fiscal qu’ils possèdent au moment de leur entrée au service des Communautés, sont considérés, tant dans le pays de leur résidence que dans le pays du domicile fiscal comme ayant conservé leur domicile dans ce dernier pays si celui-ci est membre des Communautés. Cette disposition s’applique également au conjoint dans la mesure où celui-ci n’exerce pas d’activité professionnelle propre, ainsi qu’aux enfants à charge et sous la garde des personnes visées au présent article ».

Il convient encore de préciser qu’en vertu de l’article 13 du PPI, les fonctionnaires et agents des Communautés Européennes sont soumis au profit de celles-ci à un impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par elles, qui sont exempts d’impôts nationaux. Il résulte par ailleurs de l’article 18 du PPI que les règles de celui-ci sont établies dans l’intérêt exclusif des Communautés Européennes.

Les articles 13 et 14 précités du PPI établissent ainsi une répartition des compétences fiscales entre les Communautés Européennes, l’Etat membre où le fonctionnaire avait son domicile fiscal avant son entrée au service des institutions des Communautés Européennes et l’Etat membre où il exerce ses fonctions au service des institutions des Communautés Européennes.

Par nécessité de maintenir l’application uniforme du PPI, en ce qui concerne le régime fiscal des fonctionnaires des Communautés Européennes, la répartition des compétences établie par l’article 14 ne peut pas être mise en cause par la prise en considération du domicile effectif. En effet, conformément aux dispositions de l’article 14, le fonctionnaire n’a pas le choix de déplacer son domicile fiscal dans un Etat autre que celui de son domicile fiscal d’origine.

6 Il ressort des pièces à disposition du tribunal que l’épouse du demandeur, suite à son engagement en date du 1er octobre 1986 par les institutions des Communautés Européennes situées à Luxembourg, a établi sa résidence au Luxembourg à partir du 2 octobre 1986.

Conformément aux dispositions de l’article 14 du PPI, elle est dès lors censée avoir gardé son domicile fiscal au Portugal, étant donné que son départ était motivé uniquement par l’exercice de ses fonctions au service des institutions des Communautés Européennes. Il en résulte que l’épouse du demandeur doit être regardée comme ayant gardé son domicile fiscal à l’étranger, et elle est donc à considérer comme non résidente.

Le demandeur ne peut partant pas être rangé dans la classe d’impôts II d’après le paragraphe 3 a.) de l’article 119 LIR, étant donné que Madame DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE ne remplit pas les conditions déterminées par le prédit article. Il ne pourrait donc être rangé que soit dans la classe I a) soit dans la classe I telles que visées par les paragraphes 2 et 1er dudit article 119.

Le demandeur soutient que comme la contestation porterait exclusivement sur un problème de régime d’imposition, dans la mesure où il y aurait lieu de déterminer si une personne serait à imposer collectivement avec son conjoint, afin d’être en mesure de déterminer la classe d’imposition, et comme cette compétence relèverait du droit interne de chaque Etat, la réglementation luxembourgeoise, et plus particulièrement l’article 3 LIR serait incompatible avec l’article 48 du Traité instituant la C.E.E., en ce qu’il prévoirait une situation fiscale plus défavorable pour ceux des couples mariés dont l’un des conjoints est résident fiscal au Luxembourg et l’autre résident fiscal dans un autre Etat membre, à savoir, en l’espèce le Portugal, par rapport à ceux des couples mariés dont chacun des deux conjoints possède un domicile fiscal au Luxembourg. Il estime que pareille situation serait également contraire à l’article 7 du Traité instituant la C.E.E., qui dispose que « dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité », dans la mesure où le problème, tel qu’en l’espèce, ne serait pas susceptible de se poser pour les ressortissants luxembourgeois, du fait qu’ils résideraient de facto dans leur pays d’origine au moment de l’entrée au service auprès des Communautés Européennes.

Le moyen tiré de la violation de l’article 7 du prédit traité est cependant à écarter, étant donné que ce traitement prétendument discriminatoire entre les couples mariés dont les conjoints ont leurs domiciles fiscaux au Luxembourg et ceux dont les conjoints ont leurs domiciles fiscaux dans deux Etats membres différents s’applique indistinctement aux ressortissants de tous les Etats membres, quelle que soit leur nationalité et même s’ils possèdent la nationalité d’un des deux Etats membres dans lequel se situe leur domicile fiscal.

Force est dès lors de retenir que les textes analysés ne contiennent ni discrimination ouverte ni discrimination cachée en ce qu’ils se basent exclusivement sur un critère de résidence fixé d’après les règles communautaires spéciales, c’est-à-dire d’après les règles retenues au PPI.

Il y a encore lieu d’analyser si la discrimination invoquée par le demandeur est prohibée par l’article 48, paragraphe 1er du Traité instituant la C.E.E. qui dispose que « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté … ».

Le paragraphe 3 dudit article 48 dispose en outre que la libre circulation des travailleurs « comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

7 « … c) de séjourner dans un des Etats membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux; … ».

D’après l’article 1er, paragraphe 1er du règlement CEE n° 1612-68 du Conseil des CE relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, pris notamment en application de l’article 49 du Traité instituant la C.E.E., « tout ressortissant d’un Etat membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi de travailleurs nationaux de cet Etat ».

D’une manière générale, l’article 48 pose des règles d’égalité de traitement qui prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toute forme dissimulée de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. L’article 48 en question appréhende notamment toute discrimination qui risquerait de placer le travailleur souhaitant tirer profit de la liberté de circulation définie à l’article 48 en s’installant dans un autre Etat membre, dans une situation plus défavorable que celui qui réside et travaille dans cet Etat membre.

En l’espèce, il est constant que Monsieur DIAS et son épouse sont tous deux de nationalité portugaise, que le demandeur réside et travaille depuis un certain temps, non autrement précisé dans le recours, au Luxembourg et que Madame…, qui n’était pas encore son épouse à cette époque, a quitté le Portugal en vue de prendre un emploi après des Communautés Européennes en 1986. Ce n’est qu’au courant de l’année 1989 qu’ils se sont mariés et que la question relative à l’attribution de la classe d’impôt II était susceptible de se poser. En l’espèce, c’est donc son épouse qui a transféré sa résidence effective afin de s’installer au Luxembourg lors de son recrutement par son employeur actuel. Conformément à ce qui a été exposé ci-avant, les époux DIAS-BAPTISTA MARQUES TRINADE seraient, en vertu des dispositions nationales, à considérer comme des contribuables résidents à ranger dans la classe d’impôt II.

Cependant, en vertu des dispositions du PPI, l’épouse du demandeur est censée avoir gardé son domicile fiscal au Portugal pour des raisons tenant à l’application uniforme du PPI en ce qui concerne le régime fiscal des fonctionnaires des Communautés Européennes.

L’article 3 LIR ne peut dès lors s’appliquer face à une personne considérée comme non résidente en vertu d’une disposition du droit communautaire, norme d’une essence hiérarchiquement supérieure et dont le plein effet doit être assuré.

Indépendamment de la question de savoir si Monsieur DIAS, seule partie au litige, peut, sur base des dispositions du droit communautaire, être considéré comme se trouvant en circulation pour déterminer si l’article 48 du traité précité trouve application au cas d’espèce, force est de constater que contrairement aux allégations du demandeur, l’absence de prise en compte du domicile effectif de son épouse n’est pas l’effet de la législation interne, mais résulte de l’application des dispositions du PPI qui soustraient à l’Etat du domicile effectif la compétence fiscale concernant les fonctionnaires européens. En effet, l’attribution de la classe II est une conséquence de l’imposition collective, tributaire du critère de résidence, dont le PPI interdit de tenir compte. Il convient ainsi de constater que le droit communautaire prévoit expressément la situation incriminée, en ce que le PPI, en tant que loi spéciale, déroge à la règle générale du droit communautaire telle que prévue par l’article 48 du Traité instituant la 8 C.E.E., de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 48 du prédit traité n’est pas fondé.

Concernant l’application de l’arrêt « ZURSTRASSEN », qui a retenu pour droit que « l’article 48, paragraphe 2 du traité CE (devenu, après modification l'article 39, paragraphe 2, CE) et l’article 7, paragraphe 2 du règlement CEE n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à l'application d'une réglementation nationale qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice de l’imposition collective des conjoints non séparés, ni de fait, ni en vertu d’une décision de justice à la condition qu'ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refuse l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidant dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre », force est de relever qu’il n’a pas vocation à s’appliquer par analogie, étant donné que la situation de droit et la situation de fait diffèrent de la présente affaire. En effet, d’une part, comme il a été souligné ci-avant, l’article 14 du PPI déroge à la détermination du domicile fiscal en droit national et fait partie d’un régime fiscal d’exception, traduisant plus particulièrement une restriction partielle à la souveraineté des Etats membres en matière fiscale, consentie au vœu de l’article 18 alinéa 1er PPI « exclusivement dans l’intérêt [des Communautés] », de sorte que la non prise en compte du domicile fiscal effectif n’est pas l’effet de la législation interne. D’autre part, l’arrêt ZURSTRASSEN a été rendu sur base d’une hypothèse très particulière, à savoir le cas du travailleur résidant dans un Etat membre où il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, son épouse résidant dans un autre Etat membre et n’y bénéficiant d’aucun revenu. En l’espèce, l’épouse du demandeur réside dans le même Etat que lui-même, en l’espèce le Luxembourg, et ce n’est qu’en vertu d’une fiction juridique résultant de l’application du PPI qu’elle est censée habiter dans son pays d’origine, à savoir le Portugal. Par ailleurs, la demanderesse bénéficie de revenus se dégageant de son activité salariale auprès des institutions des Communautés Européennes, ces revenus ne pouvant cependant pas être pris en considération, ni pour déterminer l’assiette de l’impôt, ni pour déterminer, en vertu de l’article 134 LIR, le taux d’impôt luxembourgeois, ceci justement en raison de la répartition des compétences fiscales établie par le PPI.

Il résulte des considérations qui précèdent, qu’en raison de la situation particulière des fonctionnaires européens résultant du régime fiscal particulier qui leur est applicable sur base du PPI, aucune discrimination ni aucune entrave à la liberté de circulation ne saurait résulter du fait que la situation familiale de Monsieur DIAS n’est pas prise en compte au Grand-Duché de Luxembourg.

Le tribunal disposant de tous les éléments pour résoudre lui-même le litige, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de poser une question préjudicielle afférente à la Cour de Justice des Communautés Européennes, le recours est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit ce recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non fondé et en déboute;

9 déclare le recours en annulation irrecevable,;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 juin 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12548
Date de la décision : 28/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-28;12548 ?

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