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27/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12485

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2001, 12485


Tribunal administratif N° 12485 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 novembre 2000 Audience publique du 27 juin 2001

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Recours formé par Madame … RAUSCH et 35 consorts contre une décision du ministre de l’Environnement et une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence des sociétés anonymes D.P.N. et D.P.E., en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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JUGEMENT

Vu la requête,

inscrite sous le numéro 12485 du rôle, déposée le 13 novembre 2000 au greffe du tribunal administratif pa...

Tribunal administratif N° 12485 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 novembre 2000 Audience publique du 27 juin 2001

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Recours formé par Madame … RAUSCH et 35 consorts contre une décision du ministre de l’Environnement et une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence des sociétés anonymes D.P.N. et D.P.E., en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12485 du rôle, déposée le 13 novembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Roy REDING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Madame … RAUSCH, …, demeurant à L-…, 2) – 34) consorts, 35) la Fondation GREENPEACE LUXEMBOURG, établie et ayant son siège social à Esch-

sur-Alzette, 34, avenue de la Gare, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 36) l’association sans but lucratif GREENPEACE LUXEMBOURG, établie et ayant son siège social à Esch-sur-Alzette, 35, rue des Champs, représentée par ses administrateurs actuellement en fonctions, et tendant principalement à l’annulation, subsidiairement à la réformation :

1. d’une décision du ministre de l’Environnement du 10 juillet 2000 autorisant la société anonyme D.P.N., établie à …, inscrite au registre de commerce sous le numéro B-…, à transformer l’ancienne ligne « TYVEK 3 » et à exploiter sous la dénomination « TYVEK Ligne 3 - NOVA 1 » sur le territoire de la commune de Hesperange, section B d’Itzig, sous les n°s cadastraux 2166 et 5966, une ligne de production de feuils « TYVEK R ligne 3 - NOVA 1 » d’une capacité maximale de 18000 tonnes par an de produit fini et 2. d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 2 août 2000 autorisant la société anonyme D.P.E., ayant son siège social à…, inscrite au registre de commerce sous le numéro B-…, à transformer la ligne de production existante en ligne de production de feuils « TYVEK R ligne 3 - Nova 1 » d’une capacité maximale de 18000 tonnes par an de produit;

1 Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du seize novembre 2000, par lequel cette requête a été signifiée aux sociétés anonymes D.P.N. et D.P.E., préqualifiées;

Vu la constitution d’avocat de Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour les sociétés anonymes D.P.N. et D.P.E., préqualifiées, laquelle constitution d’avocat a été déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 février 2001;

Vu le mémoire en réponse déposé le 14 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor ELVINGER au nom des sociétés anonymes D.P.N. et D.P.E.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick HOSS, demeurant à Luxembourg, du 15 février 2001 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux demandeurs en leur domicile élu auprès de leur mandataire constitué;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2001 par Maître Roy REDING au nom des parties demanderesses;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 15 mars 2001 par lequel ce mémoire en réplique a été signifié aux sociétés anonymes D.P.N. et D.P.E. en leur domicile élu auprès de leur mandataire constitué;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2001 par Maître Victor ELVINGER au nom des sociétés D.P.N. et D.P.E.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick HOSS, préqualifié, du 13 avril 2001 par lequel ce mémoire en duplique a été signifié aux demandeurs en leur domicile élu;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Réguia AMIALI, en remplacement de Maître Roy REDING et Victor ELVINGER, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre d’une procédure de commodo et incommodo entamée par une demande en date du 23 novembre 1999 par la société D.P.N., préqualifiée, le ministre de l’Environnement autorisa, par arrêté du 10 juillet 2000, ladite société D.P.N. à transformer « l’ancienne ligne Tyvek 3 » et à exploiter sous la dénomination « Tyvek Ligne 3 - Nova 1 » sur le territoire de la commune de Hesperange, section B d’Itzig, sous les n°s cadastraux 2166 et 5966, « une ligne de production de feuils Tyvek R ligne 3 - Nova 1 d’une capacité maximale de 18000 t/an de produit fini » composée de différentes unités de stockage, de mise en solution et de transfert, de filature, de bobinage, de récupération et de recyclage, d’un système d’épuration de l’air et d’équipements auxiliaires et accessoires plus amplement 2 spécifiés dans ladite décision, cette dernière étant en outre assortie d’un certain nombre de conditions générales et particulières, y plus amplement spécifiées.

Par décision du 2 août 2000, le ministre du Travail et de l’Emploi, se référant à une demande introduite par la société D.P.E. en date du 23 novembre 1999, autorisa la transformation de la prédite ligne de production « Tyvek R » en « ligne de production de feuils Tyvek R ligne 3 - Nova 1 d’une capacité maximale de 18000 t/an de produit fini », composée de différentes unités de stockage, de mise en solution et de transfert, de filature, de bobinage, de récupération et de recyclage, d’un système d’épuration de l’air et d’équipements auxiliaires et accessoires plus amplement spécifiés dans ladite décision, cette dernière étant en outre assortie d’un certain nombre de conditions d’exploitation générales et particulières, y plus amplement spécifiées.

Par requête, inscrite sous le numéro 12485 du rôle, déposée le 13 novembre 2000, 1) Madame … RAUSCH, 2) – 34) consorts 35) la Fondation GREENPEACE LUXEMBOURG, 36) l’association sans but lucratif GREENPEACE LUXEMBOURG, préqualifiés, ont introduit un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux autorisations ministérielles précitées.

A l’appui de leur recours, les demandeurs concluent à l’annulation sinon à la réformation des deux décisions critiquées au motif que, d’une part, la procédure d’élaboration serait viciée ab initio « par le fait que l’autorisation attaquée (…) du ministre de l’Environnement a été délivrée à une autre entité (D.P.N. SA) que celle attaquée (…) du ministre du Travail (D.P.E. SA) », d’autre part, pour non-respect des dispositions légales nationales et communautaires, en ce que la ligne de production ne tiendrait pas compte des meilleures techniques possibles.

QUANT AU MOYEN TENDANT A VOIR ECARTER DES DEBATS LE MEMOIRE EN REPONSE DU DELEGUE DU GOUVERNEMENT DEPOSE AU GREFFE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF LE 13 FEVRIER 2001 Avant de procéder à l’examen de la recevabilité du recours, il convient en premier lieu d’examiner la demande tendant à voir écarter le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2001, moyen soulevé par les demandeurs dans leur mémoire en réplique.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en son paragraphe (1) que « sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive ».

En l’espèce, force est de constater que le recours a été déposé en date du 13 novembre 2000 et qu’il a été communiqué à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par courrier du greffe du tribunal administratif du 15 novembre 2000, de sorte que le délai de trois mois pour 3 la production du mémoire en réponse du défendeur n’a commencé à courir qu’en date du 16 novembre 2000 et que le dépôt du mémoire en réponse a dû intervenir pour le 16 février 2001 au plus tard. Or, il convient de constater que le dépôt dudit mémoire est intervenu en date du 13 février 2001, c’est-à-dire dans le prédit délai.

Par conséquent, le mémoire en réponse n’est pas à écarter des débats et le moyen afférent est à rejeter.

QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL POUR CONNAITRE DU RECOURS EN REFORMATION ET QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN ANNULATION Les sociétés D.P.N. et D.P.E. concluent en premier lieu à l’irrecevabilité des deux recours, au motif que le recours en réformation, légalement prévu en la matière, devrait être introduit en ordre principal et non pas, comme en l’espèce, en ordre subsidiaire.

Ledit moyen laisse d’être fondé, étant donné qu’il n’existe ni une disposition légale ni une quelconque autre nécessité impliquant qu’un recours en réformation doit être introduit en ordre principal par rapport à un recours en annulation.

Ceci étant, il ne convient cependant pas de suivre l’ordre des recours choisi par les demandeurs - dans le dispositif de leur requête introductive d’instance auquel le juge peut seul avoir égard lorsqu’il est, comme en l’espèce, en contradiction avec l’intitulé et l’exposé des motifs de la requête - et de retenir qu’encore qu’ils entendent exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre les mêmes décisions. En effet, l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

L’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ouvrant un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit à l’encontre des deux décisions ministérielles litigieuses. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN REFORMATION Le délégué du gouvernement demande au tribunal de statuer ce qu’en droit il appartiendra relativement à l’intérêt à agir des demandeurs, pareil libellé équivalant à une contestation de leur intérêt à agir. En outre, il met en doute la recevabilité du recours au motif que les demandeurs auraient omis de mettre en intervention « le bénéficiaire de l’autorisation ».

Les sociétés D.P.N. et D.P.E. soulèvent un certain nombre de moyens d’irrecevabilité dans le chef des différents demandeurs et, plus particulièrement, l’irrecevabilité de la demande dans le chef de la Fondation GREENPEACE LUXEMBOURG et de l’association sans but 4 lucratif GREENPEACE LUXEMBOURG du fait de la non-conformité de leurs statuts avec les dispositions législatives, l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de l’un quelconque des 36 demandeurs, personnes physiques et personnes morales.

Etant donné qu’il n’existe pas d’ordre spécifique dans lequel les moyens d’irrecevabilité soulevés doivent être examinés, le tribunal procédera en premier lieu à l’analyse du moyen basé sur le défaut d’intérêt à agir, seul moyen visant l’ensemble des parties demanderesses et qui a été soulevé tant par la partie défenderesse que par les parties D.P.N. et D.P.E..

L'intérêt à agir conditionne la recevabilité d'un recours administratif. Il doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.

Il importe de rappeler que, d’une part, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, d’autre part, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’un demandeur puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère individuel conférant ou reconnaissant des droits à un tiers, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle et, de troisième part, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.

Il convient encore de relever que le juge est appelé à examiner si l’intérêt que le demandeur met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante pour ce faire. Le juge ne doit - ni ne peut - s’intéresser à un quelconque autre intérêt qu’on pourrait le cas échéant reconnaître au demandeur.

Or, les demandeurs personnes physiques sub 1) à 34) entendent justifier leur qualité pour agir en justice en soutenant qu’à l’exception de trois d’entre eux, tous habiteraient la commune du lieu d’exploitation. Dans ce contexte, ils relèvent que si les sièges des sociétés D.P.N. et D.P.E. se trouveraient sur le territoire de la commune de …, l’exploitation litigieuse se trouverait par contre sur le territoire de la commune de HESPERANGE, raison pour laquelle la procédure se serait déroulée dans cette commune.

Ils ajoutent qu’ils auraient « un intérêt individualisé, distinct de l’intérêt général, alors qu’ils habitent dans un rayon suffisamment proche de cette installation d’envergure pour en avoir à subir des méfaits, que ce soit par l’émission “ normale ” des agents de filage ou, pire, d’émissions accidentelles », qu’ils « sont d’avis que l’établissement en question présente un grave danger pour leur sécurité, leur santé et pour leur environnement direct » et, plus particulièrement, que « pour l'agent DCE au moins les documents d’ores et déjà produits en cause prouvent la dangerosité de cette substance. Les requérants n’ont par contre rien à craindre d’une explosion de l’agent PENTANE qui est un gaz naturel et n’entraîne aucune pollution. Par contre l’agent DCE risque de muter en “ Chlorwasserstoff ” et engendrer une réaction toxique élevée ».

En matière d’établissements dangereux ou incommodes, la jurisprudence administrative retient que les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d'établissements dangereux et de permis de construire, du moins 5 dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (v. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm.

1/2000, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 14 et autre référence y citée).

Il se dégage de ces décisions qu’en matière de recours introduits par les propriétaires ou habitants - personnes physiques ou morales - d’immeubles situés dans les environs d’une exploitation litigieuse, la condition d’un intérêt direct implique que la recevabilité d’un recours dirigé contre un permis pour l’installation et l’exploitation d’un établissement insalubre ou incommode est conditionnée par une proximité suffisante, laquelle doit être examinée au regard des circonstances du cas d’espèce. Il convient d’ajouter que la notion de « proximité suffisante » des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisances qui peuvent en émaner.

Concernant la proximité d’installation des demandeurs sub 1) à 34), selon les indications apportées par les sociétés D.P.N. et D.P.E., lesquelles n’ont pas été contredites par les demandeurs, de sorte que le tribunal est amené à les considérer comme données constantes en cause, il échet de retenir que les demandeurs sont installés, par ordre croissant de la distance existant entre leur lieu d’habitation et le site de production litigieux, comme suit:

Demandeur sub 8 :

1,820 km Demandeurs sub 17-33-34 :

2.170 km Demandeurs sub 20-22 :

2,320 km Demandeur sub 24 :

2,480 km Demandeurs sub 14-29 :

2,800 km Demandeurs sub 31-31 :

2,900 km Demandeur sub 23 :

3,800 km Demandeur sub 13 :

4,000 km Demandeur sub 27 :

4,100 km Demandeurs sub 15-16-25-25-28 :

4,200 km Demandeur sub 3 :

4,300 km Demandeur sub 1-2 :

4,500 km Demandeur sub 7 :

4,600 km Demandeur sub 4 :

4,800 km Demandeurs sub 18-19 :

4,900 km Demandeurs sub 9-10-5-6-30 :

5,000 km Demandeurs sub 11-12 :

5,100 km.

Or, force est de constater que les distances situées entre 1,8 km et 5,1 km du site appelé à héberger l’installation litigieuse, qui certes est d’une envergure certaine et dont le processus de fabrication comporte l’utilisation d’un agent de filage (une combinaison de dichloroéthylène (1,2-DCE) et de perfluorobutyléthylène (PFBE)) présentant une certaine toxicité, ne suffisent pas pour justifier une cause de danger ou d’inconvénient pour la sécurité, la salubrité ou la commodité des demandeurs, suffisamment caractérisé pouvant être constitutif d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général, que ce soit, d’une part, en rapport avec un risque de pollution de l’eau en cas de déversement accidentel des produits, risque somme toute relativement hypothétique eu égard aux conditions et mesures de précaution y afférentes contenues dans les autorisations d’exploitation ministérielles, ou encore, d’autre part, avec un risque de pollution de l’air. Dans ce contexte, les conclusions contenues dans l’évaluation 6 toxicologique, qui se trouve, entre autres, à la base des autorisations ministérielles, de l’« Institut Toxikologie und Aerosolforschung FRAUNHOFER », d’août 1999, à savoir que « von den zu erwartenden Immissionskonzentrationen für 1,2-DCE und PFBE gehen nach derzeitigem wissenschaftlichen Kenntnisstand keine gesundheitlichen Beeinträchtigungen für die Bevölkerung aus. Eine Belästigung durch Gerüche ist für das 1,2-DCE ebenfalls nicht zu erwarten. Im Falle des PFBEs liegen diesbezüglich keine Daten vor » ne sont pas utilement mises en doute par les documents produits par les demandeurs.

Il s’ensuit que le recours des demandeurs sub 1) à 34) est à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt pour attaquer en justice les autorisations d'établissement en relation avec la ligne de production incriminée.

Quant aux demanderesses sub 35 et 36), à savoir la Fondation GREENPEACE LUXEMBOURG et l’association sans but lucratif GREENPEACE LUXEMBOURG, il convient de rappeler que les groupements régulièrement constitués sous forme de fondation ou d'association sans but lucratif, qui entendent demander en justice la réparation de l'atteinte aux intérêts collectifs qu'ils défendent, sont admis à agir du moment que l'action collective est dictée par un intérêt corporatif caractérisé et que ces actions collectives ont pour objectif de profiter à l'ensemble des associés. En revanche, dès lors que l'intérêt collectif en défense duquel les associations prétendent agir, même en conformité avec leur objet social, se confond avec l'intérêt général de la collectivité, le droit d'agir leur est en principe refusé, étant donné que par leur action, elles empiètent sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives, auxquelles est réservée la défense de l'intérêt général.

Par ailleurs, il est vrai que le législateur a été amené à intervenir dans certains domaines déterminés pour reconnaître à certains groupements la faculté de se constituer partie civile devant les juridictions répressives pour des faits incriminés par la loi pénale et qui portent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'ils ont pour objet de défendre, et cela même s'ils ne justifient pas d'un intérêt matériel et si l'intérêt collectif défendu se couvre avec l'intérêt social assuré par le ministère public. Certaines dispositions légales confèrent par ailleurs à des groupements déterminés le droit d'agir dans un but d'intérêt général devant les juridictions civiles et administratives.

Concernant le droit d'action devant les juridictions administratives, l'article 7, alinéa 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif reconnaît aux associations d'importance nationale et légalement agréées le droit d'exercer un recours contre les actes administratifs à caractère réglementaire. En revanche, restent exclues de l'intervention législative en faveur d'une reconnaissance les actions dirigées par des associations contre des décisions à caractère individuel. A défaut de la preuve d'une lésion d'un droit à caractère individuel ou corporatif dérivant directement de l'acte litigieux et distincte de l'intérêt général de la collectivité, de telles actions ne sont pas admissibles à l'heure actuelle.

Il est vrai que ceci aboutit à exclure pratiquement tout droit d'action des associations en matière d'autorisations administratives illégales, et cela même à l'égard des associations autorisées par la loi à se constituer partie civile ou à agir contre des actes à portée réglementaire. L'autre résultat paradoxal en est que des requérants individuels, dont l'intérêt est quantitativement infiniment moins substantiel que celui des associations représentant une somme d'intérêts beaucoup plus importante, peuvent justifier, le cas échéant, d'un intérêt 7 individuel caractérisé leur conférant l'intérêt juridique à agir, même si, dans certains cas, ces requérants individuels ne font que se joindre à l'action des associations concernées pour éviter l'irrecevabilité de l'action engagée par celles-ci pour défaut d'intérêt.

Telle est cependant, à l'heure actuelle du moins, la position non équivoque du législateur. Celui-ci vient de témoigner une fois de plus, récemment, de son intention de ne pas vouloir pour l'instant reconnaître aux associations un droit d'action généralisé pour la défense de l'intérêt général, la reconnaissance d'un tel droit constituant par ailleurs un certain abandon, de la part de l'Etat, à sa prétention à représenter et à défendre de manière suffisamment efficace l'intérêt général. On peut relever à cet effet la position adoptée par la commission de l'environnement et de l'aménagement du territoire de la chambre des députés adoptée le 22 avril 1999 à l'occasion de l'élaboration de la loi précitée du 10 juin 1999. Après avoir relevé, en effet, que la nouvelle loi reconnaîtra désormais aux associations agréées ayant pour objet social la protection de l'environnement le droit de se constituer partie civile dans les instances pénales et d'agir, devant les juridictions administratives, contre les actes à caractère réglementaire, la commission relève que « s'agissant des recours dirigés contre les décisions administratives à caractère individuel, la problématique reste exactement la même après la loi de 1996 [qui a introduit le droit d'agir contre les actes administratifs à caractère réglementaire] qu'avant.

Ainsi, les plaintes des associations de protection de l'environnement risquent de rester irrecevables à l'encontre de décisions administratives individuelles, à moins que la jurisprudence des nouvelles juridictions administratives ne s'écarte de celle de l'ancien Comité du Contentieux du Conseil d'Etat. – Il ne faut pas se leurrer. Par les dispositions retenues actuellement dans la loi il sera possible d'exercer des recours contre les règlements grand-ducaux d'exécution de la loi, ce qui n'a qu'une portée minime. Ce qui importerait ici, ce serait de pouvoir exercer un recours contre les autorisations d'exploitation individuelles délivrées par le Ministre de l'Environnement. Le ministre y fut favorable un certain moment, tout comme le président/rapporteur de la Commission et plusieurs membres. Mais il n'y avait pas de majorité politique pour faire ce pas supplémentaire. – Gageons que ce n'est que partie remise et que dans quelques années on ajoutera une telle disposition même si on pourra en limiter la portée, par exemple en limitant cette forme de recours aux seuls établissements de la classe I. » (doc. parl. n° 3837A5, p. 12).

Il en découle qu'encore que le législateur en ait eu la possibilité et l'ait envisagé, il s'est délibérément refusé à accorder aux associations le droit d'agir contre les autorisations individuelles pour la défense de l'intérêt général. Il serait faux de prétendre que le passage cité plus haut montre que le législateur voulait s'en remettre à l'évolution de la jurisprudence en la matière; le passage en question montre au contraire qu'un accord politique sur la question n'a pas été trouvé et que, de toute manière, dans le moyen terme, le législateur envisage, dans l'hypothèse où il sera amené à accorder le droit action en question aux associations, de le réglementer.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu'étant donné que le recours dont le tribunal est actuellement saisi de la part de la fondation GREENPEACE LUXEMBOURG et de l'ASBL GREENPEACE LUXEMBOURG est dirigé contre deux décisions individuelles et en ce qu’il est basé sur des considérations d'intérêt général, il y a lieu de déclarer le recours irrecevable pour défaut d'intérêt en tant qu'il a été introduit par ces deux groupements, d’autant plus qu’ils restent en défaut d’alléguer et d’établir un intérêt individuel, leurs sièges sociaux respectifs se trouvant installés à environ 20 kilomètres du lieu d'implantation de l'installation litigieuse.

8 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, rejette la demande tendant à voir écarter le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, se déclare compétent pour connaître du recours en réformation, le déclare cependant irrecevable faute d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 27 juin 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12485
Date de la décision : 27/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-27;12485 ?

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