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27/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12452

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2001, 12452


Numéro 12452 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2000 Audience publique du 27 juin 2001 Recours formé par les époux … WENDT et …, … (D) contre quatre bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 4 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12452 du rôle, déposée le 30 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc BA

DEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Numéro 12452 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2000 Audience publique du 27 juin 2001 Recours formé par les époux … WENDT et …, … (D) contre quatre bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 4 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12452 du rôle, déposée le 30 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … WENDT, retraité, de nationalité allemande, et de son épouse, Madame …, sans état, de nationalité allemande, demeurant tous les deux actuellement à D- … , tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1991, 1992, 1993 et 1994, émis tous les quatre en date du 2 mai 1996 par le bureau d'imposition Luxembourg 4, et, pour autant que de besoin, contre une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes se dégageant de son silence de plus de six mois suite à leur réclamation lui présentée suivant courrier du 28 mai 1996;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2001 par Maître Marc BADEN pour compte des époux WENDT-…;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc BADEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2001.

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En date du 2 mai 1996, le bureau d'imposition Luxembourg 4 émit quatre bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1991, 1992, 1993 et 1994 à l’égard de « Monsieur et Madame WENDT-… … », d’après l’indication des destinataires figurant sur chacun desdits bulletins, par lesquels le dit bureau d'imposition, tout en affirmant procéder à une imposition collective selon les mentions figurant sur les bulletins d’impôt susvisés, classa au titre de chacune des années d’imposition en cause Monsieur … WENDT, préqualifié, dans la classe d’impôt 1. L’imposition ainsi effectuée était motivée comme suit par une mention figurant in fine du bulletin relatif à l’année 1994 : « Die Abrechnungen der Jahre 1991 bis 1994 wurden in der Steuerklasse 1 durchgeführt. Artikel 119 Absatz 3 Abschnitt A des luxemburgischen Einkommensteuergesetzes schreibt als Bedingung für eine Besteuerung in Klasse 2 vor, dass eine Zusammenveranlagung der beiden Ehepartner vorliegen muss.

Eine Zusammenveranlagung liegt in ihrem Fall jedoch nicht vor, da Ihre Frau als beschränkt steuerpflichtig angesehen werden muss (non-résident). Eine Zusammenveranlagung zwischen einem beschränkt und einem unbeschränkt steuerpflichtigen Ehepartner ist nicht möglich. Eine Ermässigung ihre beiden studierenden Kinder wurde Ihnen in Form eines Freibetrages (134.400 pro Jahr und Kind für 1991 resp. 139.200 pro Jahr und Kind ab 1992) anerkannt, da die Kinder nicht zu Ihrem Haushalt hier in Luxemburg gehörten.

Hierdurch veränderten sich natürlich auch die jeweiligen Höchstgrenzen der Freibeträge für Darlehenszinsen, Versicherungen, Bausparkassenprämien sowie der Abschlag zur Bildung von Kapitalvermögen ».

Par courrier du 28 mai 1996 à l’adresse du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », Monsieur WENDT réclama contre ces bulletins d’impôt du 2 mai 1996 en revendiquant en substance l’application de la classe d’impôt 2, cette réclamation étant contresignée par son épouse, Madame …, également préqualifiée.

En l’absence de décision du directeur quant à sa susdite réclamation, les époux WENDT-… ont fait introduire, par requête déposée en date du 30 octobre 2000, un recours en réformation, sinon en annulation principalement à l’encontre des quatre bulletins d’impôt précités du 2 mai 1996 et, pour autant que de besoin, à l’encontre du silence du directeur pendant plus de six mois à partir de la susdite réclamation.

Quant à la recevabilité Au vœu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung » (AO), et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé contre un bulletin de l'impôt sur le revenu en cas de silence du directeur de plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal à l’encontre des bulletins d’impôt en cause du 2 mai 1996. Le recours subsidiaire en annulation est dès lors irrecevable.

2 Le délégué du Gouvernement oppose en premier lieu l’irrecevabilité du recours en tant qu’introduit au nom de Madame … aux motifs, d’une part, que les bulletins d’impôt litigieux auraient été destinés au seul Monsieur WENDT et partant notifiés seulement à ce dernier et, d’autre part, que ces mêmes bulletins se confineraient à constater à l’égard de Madame … une non-imposition, décision qui ne serait pas susceptible de faire l’objet de voies de recours.

Il ressort des éléments du dossier que les époux WENDT-… ont déposé pour chacune des années d’imposition en cause une déclaration d’impôt commune comportant notamment à chaque fois l’indication que leur domicile, sinon leur séjour habituel commun était localisé à Luxembourg, ….

Il se dégage d’un autre côté du contenu global des bulletins entrepris du 2 mai 1996, et plus particulièrement de la motivation précitée des points sur lesquels le bureau d'imposition s’est écarté des déclarations des époux WENDT-…, que ces mêmes bulletins se confinent à fixer la base de l'impôt sur le revenu pour les revenus imputables à Monsieur WENDT et la cote d’impôt correspondante pour les années 1991 à 1994 dont ce dernier est redevable. Ces mêmes bulletins rangent Monsieur WENDT dans la classe d’impôt 1 et le soumettent partant à une imposition individuelle et séparée par rapport à son épouse. Même s’il résulte des qualifications sous-jacentes à l’imposition ainsi opérée à l’égard du seul Monsieur WENDT que le bureau d'imposition a admis dans le chef de Madame … la qualité de contribuable non-résident comme prémisse à la base de l’exclusion de Monsieur WENDT du régime de l’imposition collective, les bulletins entrepris du 2 mai 1996 doivent néanmoins être considérés comme étant dirigés de par leur contenu décisionnel à l’encontre du seul Monsieur WENDT, à l’exclusion de Madame …, dont le cas d’imposition aurait dû faire l’objet d’un bulletin d’impôt distinct, étant donné que le paragraphe 210 (2) AO n’admet l’émission d’un bulletin d’impôt commun que dans l’hypothèse où plusieurs contribuables sont tenus solidairement d’une certaine cote d’impôt. L’indication de Madame … comme destinataire dans l’adresse desdits bulletins reste en conséquence nécessairement sans incidence à cet égard à défaut d’élément décisionnel lui destiné.

Conformément au paragraphe 238 AO qui dispose que « befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist », Madame … n’est ainsi pas admise à exercer une voie de recours à l’encontre des quatre bulletins d’impôt déférés du 2 mai 1996, lesquels ne véhiculent aucune décision susceptible d’affecter ses intérêts personnels malgré l’indication erronée de son nom comme destinataire, de manière que le recours est à déclarer irrecevable pour autant qu’introduit en son nom.

Le recours en réformation introduit au nom de Monsieur WENDT est par contre recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi. Dans la mesure où le recours n’est dirigé que subsidiairement et pour autant que de besoin contre une décision implicite de rejet du directeur, il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité d’un tel recours.

Quant au fond Le demandeur argue principalement qu’il aurait vécu au cours des années d’imposition en cause ensemble avec son épouse au Grand-Duché, de sorte que le bureau d'imposition aurait refusé à tort de reconnaître dans le chef de cette dernière la qualité de contribuable résident.

Pour contrer les critiques du délégué du Gouvernement relatives au défaut de preuve concrète de l’effectivité de la domiciliation au Luxembourg de Madame …, le demandeur fait 3 préciser à travers son mémoire en réplique qu’en réalité son épouse serait venue habiter avec lui au Luxembourg dès la fin de l’année 1989, qu’ils auraient pris ensemble en location une maison unifamiliale à trois étages sise à Luxembourg, … à partir de novembre 1989 et qu’ils auraient donné en location à partir de janvier 1990 leur propre maison d’habitation à … (D).

Il ajoute que lui-même et son épouse auraient été membres du Golf-Club grand-ducal dès le 22 décembre 1989, qu’ils auraient souscrit dès 1990 deux abonnements pour concerts à Luxembourg et que Madame … aurait travaillé activement dans l’équipe bénévole pour le Bazar International. Il fait encore valoir que l’effectivité de la résidence de son épouse serait corroborée par le fait que les réceptions officielles données en raison de ses fonctions professionnelles l’auraient toujours été au nom de Monsieur et Madame … WENDT et par les visites fréquentes de leurs enfants et petits-enfants, raison par ailleurs pour laquelle ils auraient pris en location une grande maison d’habitation de trois étages. Le demandeur admet que son épouse avait en outre pris en location un petit appartement à … (D), mais expose que la subsistance de cette adresse en Allemagne avait pour seule finalité le maintien de son affiliation à la caisse de maladie allemande afin de pouvoir continuer à consulter ses médecins de confiance y établis et qu’elle n’y séjournait pas régulièrement. Le demandeur renvoie finalement aux bulletins d’impôt établis par les autorités fiscales allemandes au titre des années en cause dont il ressortirait que tant lui-même que son épouse auraient été imposés en tant que non-résidents et que leurs revenus imposés en Allemagne se seraient confiné à des revenus de location de biens « insignifiants par rapport aux revenus du demandeur au Grand-Duché ». Sur base des éléments ainsi soumis, le demandeur conclut avoir établi que son épouse avait son habitation effective au Luxembourg durant les années 1991 à 1994, de manière que ce serait à tort que le bureau d'imposition l’a qualifiée de contribuable non résident au titre de ces mêmes années et lui a refusé en conséquence l’imposition collective avec cette dernière et l’application de la classe d’impôt 2.

Au vœu de l’article 3 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », « sont imposés collectivement a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire ».

L’article 2 LIR soumet la qualité de contribuable résident à la condition d’avoir son domicile fiscal ou son séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg. Ces deux notions sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée Steueranpassungsgesetz, en abrégé « StAnpG ».

Le paragraphe 13 StAnpG définit le domicile fiscal comme étant la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable visé la conservera et en fera usage. Cette notion suppose ainsi la possession matérielle d’une habitation, ainsi que « des circonstances de fait (dont) résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays » (projet de loi 5714, commentaire des articles, ad art. 3).

En l’espèce, il ressort des éléments soumis au tribunal que Madame … a été colocataire de la maison d’habitation sise à Luxembourg, …, de sorte que la condition de la possession matérielle d’une habitation se trouve vérifiée dans son chef pour les années d’imposition en cause. L’intention de conserver et d’occuper de manière permanente une habitation au Luxembourg ayant existé dans le chef de Madame … dès le début de l’année 1991 et au cours des quatre années d’imposition concernées au cours des années 1991 à 1994 ressort à suffisance des éléments ci-dessus exposés dûment documentés par le demandeur à travers des pièces versées en cause. Il y a partant lieu de conclure, sur base des éléments corroborants ci-dessus précisés et de la vision globale de la situation due au bénéfice du recul dû à l’écoulement du temps, que Madame … avait son domicile fiscal au Grand-Duché 4 au cours des années 1991 à 1994. Dans la mesure où il ressort des bulletins d’impôt versés par le demandeur que lui-même et son épouse furent qualifiés de contribuables non-résidents en Allemagne du chef de la période considérée et où il n’y a partant pas lieu à application des règles de conflit de la convention préventive de la double imposition conclue entre la République Fédérale d’Allemagne et le Grand-Duché, force est de conclure que Madame … a revêtu durant les années d’imposition litigieuses la qualité de contribuable résident et que le demandeur a partant valablement pu requérir son imposition collective avec cette dernière et l’application de la classe d’impôt 2, aucune séparation de fait en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire n’étant établie, voire alléguée en l’espèce.

Il s’ensuit que le recours est fondé dans son moyen principal et que les bulletins d’impôt déférés encourent dès lors la réformation en ce sens que le demandeur devra être imposé collectivement avec Madame … avec application de la classe d’impôt 2 du chef des années d’imposition 1991 à 1994, étant entendu que Madame … est à considérer comme contribuable résident pour les quatre années d’imposition en question, entraînant que son revenu mondial est à prendre en considération conformément aux dispositions internationales et nationales applicables, dont notamment les revenus de source allemande renseignés au dossier.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours irrecevable pour autant qu’introduit au nom de Madame …, reçoit le recours en réformation en la forme pour autant qu’il défère au tribunal les bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1991 à 1994, émis le 2 mai 1996, au fond le déclare justifié, partant, par réformation des bulletins d’impôt déférés, dit que le demandeur doit être admis à l’imposition collective avec Madame … et au bénéfice de la classe d’impôt 2, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent pour exécution, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 juin 2001 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, 5 en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12452
Date de la décision : 27/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-27;12452 ?

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