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25/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12774

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juin 2001, 12774


Numéro 12774 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2001 Audience publique du 25 juin 2001 Recours formé par les époux … SABOTIC et … …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12774 du rôle, déposée le 15 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy ARENDT, avocat à la Cour

, assisté de Maître Lionel BERTHELET, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre d...

Numéro 12774 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2001 Audience publique du 25 juin 2001 Recours formé par les époux … SABOTIC et … …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12774 du rôle, déposée le 15 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy ARENDT, avocat à la Cour, assisté de Maître Lionel BERTHELET, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SABOTIC, né le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Bijelo Polje (Monténégro), les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, agissant en leur nom personnel et en nom et pour compte de leur fils mineur …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juin 2000, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux du même ministre du 13 décembre 2000, les deux portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Lionel BERTHELET et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2001.

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Le 27 mai 1999, Monsieur … SABOTIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, agissant en leur nom personnel et en nom et pour compte de leur fils mineur …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, les époux SABOTIC-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Ils furent entendus séparément en date du 28 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande.

Le ministre de la Justice informa les époux SABOTIC-…, par lettre du 29 juin 2000, notifiée en date du 8 novembre 2000, que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait pas établie.

Le recours gracieux formé par les époux SABOTIC-… moyennant courrier de leur mandataire daté au 6 décembre 2000 à l’égard de la décision ministérielle précitée fut rencontré par une décision confirmative du 13 décembre 2000.

A l’encontre de ces deux décisions ministérielles de rejet des 29 juin et 13 décembre 2000, les époux SABOTIC-… ont fait introduire un recours en réformation par requête déposée le 15 janvier 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent provenir de la ville de Podgorica au Monténégro et être de confession musulmane. Ils reprochent au ministre de ne pas avoir pris en compte le fait que Monsieur SABOTIC aurait été licencié du fait de sa religion musulmane, alors que ses collègues de travail l’auraient qualifié de « turque ». Tout comme une persécution pourrait résulter d’un licenciement pour des raisons politiques, une cessation forcée d’une relation de travail pour des motifs tirés de l’appartenance religieuse de la personne devrait, selon les demandeurs, être considérée comme traduisant une persécution en raison de la religion au sens de la Convention de Genève. Estimant que ces faits suffiraient à eux seuls pour établir une crainte justifiée de persécution, les demandeurs font encore valoir que la situation générale dans leur pays d’origine resterait « très conflictuelle » 2 au point de requérir la présence permanente de troupes des Nations Unies. Après avoir ajouté que le défaut de leur part d’avoir versé des pièces documentant les faits par eux exposés ne devrait jouer en leur défaveur au vu de leur récit cohérent et crédible, les demandeurs concluent ainsi à la réformation des décisions ministérielles en cause.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux SABOTIC-… lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève.

En effet, s’il est vrai qu’une persécution peut être établie sur base de la cessation involontaire d’une relation de travail de la part d’un salarié, il n’en demeure pas moins que ce fait à lui seul ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique, étant donné que le demandeur d’asile devra établir des circonstances particulières à analyser au cas par cas, permettant à l’autorité compétente et, le cas échéant, aux juridictions administratives, d’apprécier si, au-delà de son allégation quant à son appartenance à une certaine communauté religieuse, il existe des éléments précis, cohérents et crédibles qui rendent une persécution ou une crainte de persécution vraisemblable dans son chef. En l’espèce, de telles circonstances particulières ne sont pas établies dans le chef de Monsieur SABOTIC, vu qu’il ressort de ses propres déclarations lors de son audition du 28 juillet 1999 3 que son licenciement allégué n’était pas fondé sur son appartenance religieuse, mais sur l’identité de son nom de famille avec celui d’une personne ayant perpétré un attentat à la bombe contre le président du parti SRS. Les humiliations de la part des collègues de travail de Monsieur SABOTIC sont certes susceptibles de lui rendre l’exécution de son travail plus pénible, mais elles ne constituent pas des faits suffisamment graves pour lui rendre la vie intolérable dans son pays d’origine. Etant donné que les autres arguments soumis par les demandeurs s’analysent en substance en un sentiment général de peur au vu de la situation générale dans leur pays d’origine, sans que les demandeurs n’aient établi, voire allégué un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que leur vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine, force est de conclure que les demandeurs restent en défaut d’avancer des éléments suffisamment concrets pour ébranler l’analyse ministérielle de leur situation personnelle.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juin 2001 par:

M. SCHOCKWEILER, vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. SCHOCKWEILER 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12774
Date de la décision : 25/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-25;12774 ?

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