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18/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12859

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juin 2001, 12859


Tribunal administratif N° 12859 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 18 juin 2001

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Recours formé par la société anonyme W. S.A., … et Monsieur … POZZOBON, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12859 du rôle et déposée au greffe du tribunal

administratif en date du 5 février 2001 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tabl...

Tribunal administratif N° 12859 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 18 juin 2001

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Recours formé par la société anonyme W. S.A., … et Monsieur … POZZOBON, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12859 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2001 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme W. S.A., établie et ayant son siège social à L- …, ainsi que de Monsieur … dit … POZZOBON, ingénier technicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 17 novembre 2000 portant refus de l’autorisation de faire le commerce sollicitée par la première nommée avec indication comme dirigeant du second nommé pour défaut d’honorabilité dans le chef de ce dernier ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2001 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gabrielle EYNARD et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juin 2001.

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Considérant que suivant demande inscrite sous le numéro 74872 en date du 14 septembre 2000, la société anonyme W., préqualifiée, a sollicité auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, désigné ci-après par « le ministre », l’autorisation d’établissement au titre de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « la loi d’établissement », pour les activités « entreprise générale, agence immobilière, agence de publicité, commerce d’articles pour le bâtiment, électricien, gestion de projets immobiliers », en indiquant comme dirigeant Monsieur … dit … POZZOBON également préqualifié ;

Que cette demande a été rencontrée par la décision du ministre du 17 novembre 2000 libellée comme suit :

« Monsieur, Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que selon l’avis de la commission y prévue vous ne présentez plus la garantie nécessaire d’honorabilité professionnelle compte tenu de la condamnation du 10 février 1998 renseignée sur votre casier judiciaire.

Comme je me rallie à la prise de position de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 3 de la loi susmentionnée.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat-avoué endéans trois mois auprès du tribunal administratif.

A toutes fins utiles, je vous signale que vous remplissez la condition de qualification professionnelle requise pour les activités suivantes: agence immobilière ; agence de publicité ; commerce d’articles pour le bâtiment.

Veuillez agréer, Monsieur, …. » ;

Considérant que c’est contre cette décision ministérielle que la société anonyme W.

ainsi que Monsieur … POZZOBON ont fait introduire en date du 5 février 2001 un recours tendant à sa réformation, sinon à son annulation ;

Considérant que le délégué du Gouvernement conclut à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que l’article 2 alinéa 6 de la loi d’établissement, dans la teneur lui conférée par la loi modificative du 4 novembre 1997, dispose expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en la matière, de sorte que compétence ne lui est pas conférée par la loi pour connaître du recours principal en réformation ;

Considérant que le recours en annulation a été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, de sorte à être recevable ;

Considérant qu’au fond le recours ne vise point le volet de la qualification professionnelle requise en la matière, par ailleurs admise à travers la décision déférée pour les activités d’agence immobilière, d’agence de publicité et de commerce d’articles pour le bâtiment ;

Considérant que la décision ministérielle est critiquée à raison du défaut d’honorabilité professionnelle retenu dans le chef de Monsieur POZZOBON compte tenu de sa condamnation essuyée par arrêt de la Cour d’appel du 10 février 1998 renseignée sur son casier judiciaire ;

2 Que les demandeurs d’estimer que la garantie d’honorabilité serait un critère d’évaluation pour le futur, de sorte à ne pouvoir dépendre – uniquement – d’une faute éventuellement commise par le passé ;

Que relativement à la faute ainsi concédée, il y aurait lieu d’examiner les faits ayant conduit à la condamnation en question, de même que les circonstances de la situation et le degré de culpabilité de la personne concernée, et ne point seulement s’arrêter aux seules indications du casier judiciaire par ailleurs muet à ce sujet ;

Que Monsieur POZZOBON d’indiquer qu’il a été à l’époque dans l’ignorance des fautes pénales par lui commises ;

Que le défaut d’honorabilité devrait ainsi servir plutôt au retrait éventuel d’une autorisation accordée que de barrer pour l’avenir une chance à une personne désirant faire ses preuves, sous peine de constituer une sanction additionnelle par rapport à la sanction pénale déjà encourue ;

Que Monsieur POZZOBON déclare avoir effectué des cours après sa condamnation et avoir obtenu deux diplômes additionnels, de sorte que son honorabilité, pour peu qu’elle ait été en cause, serait largement rétablie ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles » ;

Que suivant l’alinéa second du même article 3 « s’il s’agit d’une société, les dirigeants devront satisfaire aux conditions imposées aux particuliers » ;

Que le même article 3 dispose en son alinéa final que « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative » ;

Considérant que la finalité de la procédure d’autorisation préalable, ainsi que la possibilité de refuser l’autorisation pour défaut d’honorabilité professionnelle consistent à assurer la sécurité de la profession concernée et tendent à éviter l’échec de futures activités, tout en étant destinés parallèlement à assurer la protection de futurs clients ou cocontractants ;

Considérant que le critère d’honorabilité professionnelle servant à la fois à garantir la sécurité de la profession et la protection des cocontractants futurs, il ne saurait revêtir la qualité de seconde sanction d’ordre pénal, le ministre étant par ailleurs appelé à poser sa décision sur un examen complet de la situation administrative telle qu’elle existe au moment où il statue, situation dont les antécédents judiciaires constituent une des composantes ;

Considérant que c’est ainsi que l’article 3 alinéa final de la loi d’établissement, prérelaté, tout en retenant que l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant, prend soin d’ajouter que son examen s’appuie encore sur tous les autres éléments fournis par l’enquête administrative ;

3 Considérant que si le seul fait d’avoir subi une condamnation pénale à une peine d’emprisonnement, même assortie du sursis intégral, n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement un défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef de la personne concernée, toujours est-il que les faits ayant entraîné la condamnation en question doivent être appréciés dans chaque cas d’espèce, notamment et plus spécifiquement en relation avec les activités pour lesquelles l’autorisation d’établissement est sollicitée ;

Considérant qu’il est constant que par arrêt de la Cour d’appel, cinquième chambre, du 10 février 1998, Monsieur … POZZOBON a été condamné à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis intégral ainsi qu’à une amende de 100.000.- francs du chef d’escroquerie consommée au préjudice de 37 personnes y plus amplement spécifiées, ayant consisté dans sa participation active dans un système de recrutement progressif « à la boule de neige » se mouvant dans une structure organisée d’investissement pyramidal visant à extorquer des fonds aux adhérents recrutés ;

Que le tribunal est amené à constater que Monsieur POZZOBON a joué un rôle particulièrement actif dans la structure en question à partir du nombre relativement élevé d’adhérents par lui attirés, comparé à celui d’autres co-auteurs, de même qu’il a occupé, du fait de ses activités, une position avancée dans la structure pyramidale en question ;

Considérant qu’eu égard à la position dirigeante dans une société anonyme à occuper par Monsieur POZZOBON et aux activités particulières d’agence immobilière, d’agence de publicité et de commerce d’articles pour le bâtiment pour lesquelles l’autorisation d’établissement est sollicitée et la qualification professionnelle vérifiée, le ministre a pu valablement retenir un défaut d’honorabilité dans le chef de Monsieur POZZOBON dans l’intérêt surtout de la protection des futurs cocontractants dans un domaine où le co-

contractant et plus particulièrement l’investisseur potentiel se trouvent être singulièrement exposés sur le marché, compte tenu des enjeux, notamment financiers, encourus ;

Considérant que la décision déférée ne saurait s’analyser comme enlevant toute chance d’avenir professionnel dans le chef de Monsieur POZZOBON, étant donné que compte tenu de ses qualifications professionnelles une activité de salarié non dirigeant dans le cadre de la même société ne se trouve nullement être exclue à travers elle ;

Qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

4 M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 18 juin 2001 par le premier vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12859
Date de la décision : 18/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-18;12859 ?

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