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18/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12788

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juin 2001, 12788


Tribunal administratif N° 12788 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2001 Audience publique du 18 juin 2001

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Recours formé par Monsieur … MEMA, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12788 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2001 par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU, avocat à la Cour, assistée de Maître Katia AÏDARA, avocat, le

s deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MEMA, né le … à ...

Tribunal administratif N° 12788 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2001 Audience publique du 18 juin 2001

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Recours formé par Monsieur … MEMA, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12788 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2001 par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU, avocat à la Cour, assistée de Maître Katia AÏDARA, avocat, les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MEMA, né le … à Kavaje (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er septembre 2000, notifiée le 31 octobre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 14 décembre 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Katia AÏDARA, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 26 juin 1998, Monsieur … MEMA, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur MEMA fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 Le 30 juillet 1999, Monsieur MEMA fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 1er septembre 2000, notifiée le 31 octobre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur MEMA de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez transité à travers l’Italie, la France et la Belgique pour arriver au Luxembourg le 25 juin 1998.

Vous exposez avoir fait votre service militaire du 15 février 1996 jusqu’au 5 mars 1997.

Vous auriez été chargé de faire la garde d’un dépôt d’armes et de munitions. Le 5 mars 1997 votre officier vous aurait donné l’ordre d’abandonner le dépôt. En mars 1998 vous auriez été accusé d’avoir déserté. Vous auriez dû vous présenter le 20 mars 1998 devant le tribunal. La convocation que vous nous apportez indique cependant que vous auriez dû vous présenter le 15 mars 1998.

Vous indiquez qu’un des deux soldats qui étaient chargés de la même mission que vous aurait été emprisonné après s’être présenté suite à une convocation. Votre officier nierait maintenant vous avoir donné l’ordre de quitter les lieux.

Force est cependant de constater que la crainte d’une condamnation pénale pour le fait de ne pas avoir accompli ses obligations militaires n’est pas suffisante pour établir une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

De même l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable pour obtenir le statut de réfugié.

Par conséquent vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par lettre datée du 30 novembre 2000, entrée au ministère de la Justice le 4 décembre 2000, Monsieur MEMA introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 1er septembre 2000.

Par décision du 14 décembre 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 17 janvier 2001, Monsieur MEMA a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 1er septembre et 14 décembre 2000.

2 Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une violation de la loi et une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle.

Il expose être de nationalité albanaise et de religion musulmane et il soutient ne pas être libre de pratiquer sa religion musulmane en Albanie et de craindre d’y être persécuté en raison de ladite religion.

Il expose encore qu’à l’occasion de l’accomplissement de son service militaire en 1997, il aurait déserté l’armée albanaise, qu’en date du 15 mars 1998, il aurait fait l’objet d’une convocation devant un tribunal militaire et qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait d’être poursuivi et condamné à une peine de prison.

Concernant sa désertion, le demandeur a déclaré, lors de son audition en date du 30 juillet 1999, que le 5 mars 1997, il aurait été chargé, avec deux de ses « copains » de garder un dépôt d’armes et de munitions et que leur officier leur aurait donné l’ordre de quitter le dépôt.

Interrogé sur la raison pour laquelle, suite à l’ordre de quitter leur lieu de garde, ils ne sont pas rentrés dans la caserne, il a répondu qu’« il n’y avait plus rien à faire dans la caserne. Il y avait les émeutes en Albanie à cette époque et c’était fini avec l’armée. L’officier lui même est parti et il n’est plus retourné à la caserne. La caserne a été détruite par les criminels qui sont sortis de prison ». Il a encore ajouté qu’il avait connaissance du risque de pillage et de destruction par les émeutiers et qu’il ne voulait pas « risquer inutilement sa vie ».

Dans son recours, il fait encore état de sa crainte de devoir participer à la guerre qui a sévi au Kosovo (sic!).

Sur ce, il conclut à la réformation des décisions ministérielles déférées et à ce que le statut de réfugié politique lui soit reconnu.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur MEMA et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

3 La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur MEMA lors de son audition en date du 30 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la désertion, principal motif de persécution allégué, n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

Dans ce contexte, il convient de relever que dans ses déclarations, le demandeur n’a ni allégué ni, a fortiori, établi, un quelconque motif de persécution au sens de la Convention de Genève. En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que, pendant l’accomplissement de son service militaire au sein de l’armée albanaise, Monsieur MEMA risquait de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de sa désertion serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Ensuite, concernant la situation du demandeur dans son pays d’origine en raison de sa religion musulmane, la crainte y afférente qu’il a exprimée s’analyse, en substance, en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que Monsieur MEMA, considéré individuellement et concrètement, risque de subir des traitements discriminatoires en raison de sa religion musulmane ou que de tels traitements lui auraient été infligés dans le passé dans son pays d’origine, en l’espèce l’Albanie.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, 4 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 18 juin 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12788
Date de la décision : 18/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-18;12788 ?

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