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14/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12594C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2001, 12594C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 12594C Inscrit le 11 décembre 2000 Audience publique du 14 juin 2001 Requête d’appel du FONDS DE RENOVATION DE LA VIEILLE VILLE, Luxembourg c/ un bulletin de l’administration communale de la ville de Luxembourg en matière d’impôts et de taxes communales (jugement entrepris du 30 octobre 2000, no 11890 du rôle)  Vu la requête déposée le 11 décembre 2000 par laquelle le FONDS DE RENOVATION DE LA VIEILLE VILLE a relevé app

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 12594C Inscrit le 11 décembre 2000 Audience publique du 14 juin 2001 Requête d’appel du FONDS DE RENOVATION DE LA VIEILLE VILLE, Luxembourg c/ un bulletin de l’administration communale de la ville de Luxembourg en matière d’impôts et de taxes communales (jugement entrepris du 30 octobre 2000, no 11890 du rôle)  Vu la requête déposée le 11 décembre 2000 par laquelle le FONDS DE RENOVATION DE LA VIEILLE VILLE a relevé appel contre l’administration communale de la ville de Luxembourg d’un jugement rendu le 30 octobre 2000 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11890 ;

Vu l’exploit du ministère de l’huissier Georges Nickts du 14 décembre 2000 par lequel la requête d’appel a été signifiée à l’intimée;

Vu le mémoire en réponse de l’administration communale de la ville de Luxembourg déposé le 12 janvier 2001 au greffe de la Cour administrative ;

Vu le mémoire en réplique déposé pour le FONDS DE RENOVATION DE LA VIEILLE VILLE en date 9 février 2001 au greffe de la Cour administrative;

Vu le mémoire en duplique de l’administration communale de la ville de Luxembourg déposé le 5 mars 2001 au greffe de la Cour administrative ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport ainsi que Maîtres Patrick KINSCH et Jean BRUCHER en leurs plaidoiries.

 Par requête, inscrite sous le numéro 11890 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 mars 2000, Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du FONDS DE RENOVATION DE LA VIEILLE VILLE, établissement public créé par une loi du 29 juillet 1993, établi à Luxembourg, 4, boulevard Franklin D. Roosevelt, représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonctions, a demandé l’annulation 1 1) d’un bulletin de l’administration communale de la ville de Luxembourg du 19 novembre 1999, fixant à 86.600.- francs une taxe d’instruction, une taxe de chancellerie et une taxe de piquetage, payables par ledit établissement public en raison d’un projet « musée, 1, place du Marché-aux-

Poissons », 2) d’une décision du bourgmestre de la ville de Luxembourg du 21 décembre 1999 rejetant, sauf en ce qui concerne la taxe de chancellerie, un recours gracieux introduit le 25 novembre 1999 contre le bulletin précité, 3) d’un bulletin rectificatif émis le 6 janvier 2000 fixant à 85.600.- francs la somme due au titre de taxe d’instruction et de taxe de piquetage.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l'égard de toutes les parties en date du 30 octobre 2000, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours.

Maître Patrick Kinsch a déposé une requête d’appel en date du 11 décembre 2000 au greffe de la Cour administrative.

L’appelant expose dans une première phase l’évolution de la jurisprudence du tribunal administratif qui a consistée dans une première phase à retenir sa compétence en matière de taxes rémunératoires.

Il reproche par la suite aux juges de première instance d’avoir interprété la notion de « taxe rémunératoire » au sens large de sorte que tous les litiges en matière de taxes rémunératoires, même de nature fiscale, échappent à sa connaissance.

A titre principal, l’appelant fait valoir que c'est à tort que le tribunal administratif a qualifié la taxe d'instruction et la taxe de piquetage comme constituant des taxes rémunératoires alors qu’il s'agirait pour ces deux catégories d'impôts communaux indirects n’ayant aucun caractère rémunératoire, même au sens large.

Il n'existerait en réalité aucun service rendu par la commune aux administrés dans le cadre de la police de la construction et de l'urbanisme. La police administrative et le service public constitueraient des modes d'intervention radicalement différents de l'administration dans un but d'intérêt public : police et service public s'opposeraient, en ce que le procédé normal de la police serait la prescription, alors que le procédé normal du service public serait la prestation.

Le «service» d'instruction des demandes d'autorisation de bâtir, de même que le «service» de piquetage ne seraient pas réellement, vus du point de vue de l'administré, des services que lui rendrait la commune, ou des services qu'elle mettrait à sa disposition. Il s'agirait, au contraire, d'interventions de la commune en tant que puissance publique, et à des fins de police: c'est parce qu'il existe une réglementation communale qui soumet les constructions sur le territoire de la commune à une autorisation de bâtir, et à l'obligation de respecter certains alignements, que l'intervention de ces deux « services » deviendrait indispensable.

Ces deux « services » auraient été institués dans l'intérêt général, protégé par les pouvoirs de police de la commune et non dans l'intérêt des administrés y ayant recours.

L'intervention de l'autorité communale dans les projets de construction relèverait de la police communale et non pas d'un service public communal.

Le véritable sens de l'expression « taxe rémunératoire », même au sens large, ressortirait à la fois de la jurisprudence luxembourgeoise et de la jurisprudence belge.

2 En l'occurrence, ni l'instruction des dossiers par la police des bâtisses, ni le piquetage ne seraient susceptibles de procurer un avantage aux demandeurs d'autorisation de construire.

Certes, l'instruction des dossiers et le piquetage seraient légitimes et nécessaires, mais ils seraient nécessaires dans l'exécution du devoir général de police incombant à la commune.

En ordre subsidiaire, et pour autant que la Cour administrative devait estimer que les deux taxes litigieuses sont à qualifier de taxes rémunératoires au sens large, la question de l'interprétation de l'article 8 de la loi du 7 novembre 1996 se poserait.

Le texte législatif utiliserait la notion de « taxe rémunératoire » sans préciser s'il vise par là les taxes rémunératoires au sens large (les taxes rémunérant un service rendu aux administrés, quel que soit le mode de calcul) ou les taxes rémunératoires au sens strict (taxes de remboursement) voire - par une terminologie moins orthodoxe - les redevances de nature civile.

Face à une loi qui utilise une notion susceptible de plusieurs sens, et dont les travaux préparatoires sont muets quant à la volonté du législateur, il conviendrait de rechercher le sens de la loi par référence à l'objectif de la loi, c'est-à-dire par référence à des critères téléologiques (cf. P. Pescatore, Introduction à la science du droit, n° 234).

L'absence de travaux préparatoires ne serait pas un obstacle à une démarche téléologique de la part du juge : comme l'a exprimé la Cour constitutionnelle (dans un contexte différent), lorsqu'il appartient au juge de rechercher l'objectif de la loi, « il lui incombe, à défaut de justification suffisamment exprimée dans les travaux préparatoires, de reconstituer le but expliquant la démarche du législateur » (arrêt n° 9/2000 du 5 mai 2000, Mémorial A, n° 40 du 30 mai 2000).

On pourrait raisonnablement supposer que le but du législateur, lorsqu'il a exclu les taxes rémunératoires de la compétence du tribunal administratif, était de respecter la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif tel qu'il résulte de la Constitution: le juge administratif connaît du contentieux administratif (article 95bis), alors que le juge judiciaire est exclusivement compétent pour connaître des droits civils (article 84).

Par conséquent, la notion de taxe rémunératoire au sens de l'article 8 de la loi de 1996 serait une notion étroite: les taxes rémunératoires au sens strict, assimilables à des redevances civiles, devraient relever du juge judiciaire étant donné que celui-ci est compétent, en vertu de la Constitution, pour connaître des droits civils.

L'exception relative aux taxes rémunératoires s'expliquerait par conséquent par le souci du législateur de respecter la Constitution en tant que norme hiérarchiquement supérieure. Ce même souci ne justifierait plus une décision de soustraire à la compétence du juge administratif les taxes rémunératoires au sens large, y compris les taxes rémunératoires à caractère fiscal alors que le juge administratif serait le juge naturel des administrations publiques en tant qu'elles mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique qui ne sont plus assimilables, même par analogie, à des droits civils.

En conséquence, il conviendrait effectivement de réduire la portée de la notion de « taxe rémunératoire » à celle de taxes rémunératoires au sens strict.

L’appelant demande finalement à la Cour de déclarer, par évocation, le recours en annulation fondé et d’annuler les bulletins attaqués ainsi que la décision du bourgmestre rendue sur recours gracieux.

3 Maître Jean BRUCHER a déposé un mémoire en réponse en date du 12 janvier 2001 au greffe de la Cour administrative dans lequel il fait valoir que le règlement-taxe du 20 juin 1983 de la Ville de Luxembourg fixant la taxe d'instruction et la taxe de piquetage retiendrait que celles-ci devraient être payées obligatoirement en contrepartie d'un service effectivement rendu par la Commune aux administrés désirant réaliser un projet de construction (ou un projet d'aménagement particulier) et à eux seuls.

Il apparaîtrait à la lecture de ce texte que dans le cadre d'une demande en autorisation de bâtir ou d'approbation d'un projet d'aménagement particulier, la taxe d'instruction litigieuse doit être payée obligatoirement en contrepartie de différentes prestations de services effectuées par les services communaux consistant dans l'examen de la demande, la constitution du dossier afférent et l'exécution d'éventuelles opérations de contrôle et de réception.

De même, il apparaîtrait que dans cette même matière la taxe de piquetage devrait être payée obligatoirement en contrepartie des prestations de services assurées par le service topographique de la Commune consistant notamment dans la fixation des alignements et niveaux.

La qualification de taxe rémunératoire étant désormais acquise, il serait inopérant de se livrer, comme dans le passé, à une distinction entre la taxe «purement» et la taxe «simplement» rémunératoire.

Il serait de même inopérant de faire une distinction entre taxe dite de remboursement et taxe dite de quotité «le libellé de l'article 8 (1) b) de la loi du 7 novembre 1996 excluant formellement et globalement les taxes rémunératoires du domaine de compétence des tribunaux administratifs, et ceci indistinctement des différences à opérer le cas échéant entre les taxes «purement» et «simplement» rémunératoires. » Pour répondre à la demande subsidiaire de l’appelant, l’intimée fait valoir que la notion de taxe rémunératoire elle-même ne serait en aucun cas susceptible de plusieurs sens, mais pourrait se trouver, le cas échéant, scindée en différentes sous-notions.

Elle se réfère à l’arrêt de la Cour administrative du 9 novembre 2000 qui a retenu ce qui suit : «il n'appartient néanmoins pas à la juridiction saisie, en l'absence de toute volonté afférente exprimée par le législateur au niveau de la genèse du texte en question, de s'écarter de la définition généralement consacrée de la notion de taxe rémunératoire…» En dernière subsidiarité, l’intimée demande à voir rejeter la demande d'évocation de fonds de la partie adverse appelante et demande de voir renvoyer l'affaire en prosécution de cause devant les premiers juges.

Maître Patrick Kinsch a déposé un mémoire en réplique en date du 9 février 2001 dans lequel il insiste sur la circonstance que ni la taxe d'instruction, ni la taxe de piquetage ne rémunèrent un quelconque service rendu et qu’elles ne peuvent pas être qualifiées de taxes rémunératoires.

Ces taxes seraient exclusivement destinées au financement du coût de certaines interventions de la Commune dans le cadre de la police d'urbanisme.

Le fait d'imposer aux administrés de solliciter des autorisations de construire, puis d'instruire les dossiers soumis à l'autorité communale, ne constitueraient dans aucun cas, et en aucun sens, un service rendu aux administrés.

4 Il s'agirait d'une intervention de la police communale, dans un but d'intérêt général (protéger les habitants de la commune contre des constructions qui ne seraient pas conformes aux règlements en matière d'urbanisme), et non, même partiellement, dans l'intérêt des administrés dont les dossiers sont instruits.

L'instruction du dossier ne comporterait aucun élément de service rendu, même obligatoirement, aux administrés.

Le piquetage ne serait pas destiné à rendre des services aux administrés demandeurs de l'autorisation de construire, mais à éviter, là encore dans un but d'intérêt général, la construction anarchique, contraire aux règlements de police, d'immeubles ne respectant pas l'alignement de la voie publique.

Maître Jean Brucher a déposé un mémoire en duplique en date du 5 mars 2001 dans lequel il souligne que le fait d'instruire les demandes d'autorisation de bâtir et le fait de délimiter les alignements et niveaux des constructions autorisées permettrait non seulement à la Commune de veiller à assurer un bon ordonnancement des constructions dans la cité, mais accorderait également aux administrés ayant recours à ces services, une certaine garantie que leurs constructions seront conformes au règlement des bâtisses et les protégeront en conséquence, notamment, de recours effectués par leurs voisins et donc de litiges judiciaires longs et coûteux avec toutes les conséquences pouvant s'ensuivre, consistant notamment dans l'arrêt de leur chantier, la remise en cause des plans à la base de la construction à ériger etc.

En ce faisant, la Commune prendrait d'ailleurs à sa charge une lourde responsabilité personnelle, alors qu’une éventuelle annulation judiciaire de l'autorisation de bâtir du fait d'une violation d'une disposition du règlement des bâtisses permettrait à l'administré d'intenter une action en dommages et intérêts à son encontre en vue d'obtenir une indemnisation du préjudice subi par lui du fait d'un vice affectant ladite autorisation de bâtir.

Il en serait de même en cas de préjudice subi par l'administré du fait d'une erreur dans le piquetage de la construction en question.

Il apparaîtrait dès lors que les taxes litigieuses constitueraient bien une contrepartie d'un service extrêmement précieux presté par la Commune aux administrés qui y sont soumis et que lesdites taxes mériteraient bien la qualification de taxes rémunératoires.

Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi communale du 13 décembre 1988, le contentieux des impositions communales était attribué à des juridictions différentes, celui des impositions indirectes étant régi par la loi du 28 avril 1819, celui des impôts de répartition (et, par extension jurisprudentielle, des autres impôts directs d'origine luxembourgeoise) étant régi par l'article 93 de la loi communale du 24 février 1843, et celui des impôts introduits par l'occupant et maintenus par l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 étant régi par l'article 8 de cet arrêté et l'arrêté ministériel du 10 avril 1946.

Pour abolir ces divergences créatives de fâcheuses incertitudes, le législateur de 1988, par l'article 153 de la nouvelle loi communale, soumit toutes les contestations en matière d'impositions communales au régime de l'article 8 de l'arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, en attendant la réorganisation du contentieux fiscal.

L’article 8 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, au lieu de transférer tout le contentieux des impositions communales au tribunal administratif s’est limité à lui transférer les impôts et taxes communales, à l’exception des taxes rémunératoires.

5 Conformément à la terminologie employée par la doctrine et la jurisprudence, la taxe rémunératoire est établie pour rémunérer un service rendu et obligatoire et peut tantôt constituer un impôt, tantôt être une taxe de remboursement (cf. L’autonomie fiscale des communes, par E. Arendt et N. Decker, in Bulletin du Centre de Documentation Communale, n° 12, avril 1972).

Les taxes rémunératoires sont celles qui sont perçues à raison d’un avantage spécial que l’on retire de la chose publique ou de l’usage du domaine communal ou encore en tant que rémunération d’un service rendu (cf. R. WILKIN, Les taxes communales, deuxième édition, n° 46, p. 31 relatant des citations d’un jugement du tribunal de Bruxelles du 23 juin 1931) et se distinguent à cet égard des taxes proprement dites qui sont destinées à couvrir les dépenses générales du budget (cf. C.E. 24 novembre 1993, n° 8880 du rôle, Schmit/ Commune d’Ermsdorf en matière de taxe communale).

Une taxe rémunératoire peut ainsi être, à sa base, soit une taxe de quotité, auquel cas sa recette pourra dépasser le coût des dépenses engagées par la commune, soit une taxe de répartition ou de remboursement dont les recettes correspondront au montant des dépenses effectuées (R. WILKIN, Les taxes communales, deuxième édition, n° 39, p. 27).

Une distinction entre des taxes de quotité et des taxes de remboursement, respectivement une distinction à opérer et tenant à la nature fiscale ou non des prélèvements litigieux est sans incidence sur la question du caractère rémunératoire ou non des taxes litigieuses, dans son acception généralement admise en matière fiscale, qui est seule déterminante au regard du libellé de l’article 8 (1) b) de la loi du 7 novembre 1996 précitée.

Or l’article 8 (1) b) de la loi du 7 novembre 1996 exclut formellement et globalement les taxes rémunératoires du domaine de compétence des tribunaux administratifs, et ceci indistinctement des différences à opérer le cas échéant entre des taxes « purement » et « simplement » rémunératoires.

La juridiction administrative se trouve ainsi amputée d’une partie de sa compétence telle que délimitée antérieurement à travers l’article 153 de la loi communale précitée et la jurisprudence afférente tant administrative que civile en ce qu’elle a classiquement départagé les taxes à caractère rémunératoire en taxes de remboursement, assimilables aux redevances et partant soustraites à la juridiction administrative, et taxes de quotité revêtant une nature fiscale.

Il n’appartient néanmoins pas à la juridiction saisie, en l’absence de toute volonté afférente exprimée par le législateur au niveau de la genèse du texte en question, de s’écarter de la définition généralement consacrée de la notion de taxe rémunératoire, fût-ce pour la réduire aux seules taxes « purement » rémunératoires que sont les taxes de remboursement, antérieurement soustraites à sa compétence, ou encore aux seuls prélèvements à caractère proprement civil que sont les redevances, établies pour un service rendu et facultatif.

Il convient dès lors de qualifier la taxe litigieuse non pas au regard de son analogie éventuelle avec un prélèvement de nature fiscale, mais uniquement au regard de son caractère rémunératoire ou non.

Le règlement-taxe du 20 juin 1983 de la ville de Luxembourg fixe la taxe d’instruction et la taxe de piquetage dont il est question en cause.

Ledit règlement-taxe précise qu’une demande tendant à obtenir une autorisation de bâtir ou l’approbation d’un projet d’aménagement particulier est « frappé d’une taxe d’instruction », cette taxe étant due « pour l’examen de la demande, la constitution du dossier afférent et l’exécution d’éventuelles opérations de contrôle et de réception. (…).

6 Concernant les autorisations de bâtir, le règlement-taxe dispose que « les demandes en autorisation de construire ou de transformer un bâtiment sont subordonnées au paiement d’une taxe d’instruction en rapport avec le volume de la construction à exécuter. Cette taxe s’élève à 300.-

francs (210 francs) par cent mètres cubes; elle ne peut être inférieure à 1.200.- francs (840 francs).

(…) Le volume qui est à prendre en considération pour déterminer la taxe, correspond au volume effectivement projeté et calculé à partir du niveau de la voie desservante. (…) ».

Le règlement-taxe, modifié sur ce point par décision du conseil communal du 18 décembre 1995, prévoit en outre une taxe de piquetage, en spécifiant que « la fixation des alignements et niveaux par le service topographique donne lieu au paiement d’une taxe qui est en rapport avec le volume de la construction à réaliser. Ce volume est calculé sur base des modalités fixées sub 1. - taxe d’instruction.

La taxe s’élève à 500.- (300.-) francs par cent mètres cubes; elle ne peut être inférieure à 2.500.-

(1.500.-) francs.

La taxe s’élève à 800.- (500.-) francs par cent mètres cubes, si un piquetage supplémentaire devient nécessaire, le premier piquetage effectué n’étant plus reconnaissable sur le terrain. Dans ce cas elle ne peut être inférieure à 4.000.- (2.000.-) francs ».

Il ressort d’un extrait du registre aux délibérations du conseil communal de la ville de Luxembourg que « Considérant que d’après les renseignements fournis par le collège des bourgmestre et échevins, la taxe de piquetage a été adaptée pour la dernière fois par une délibération du 20 juin 1983; que depuis lors elle s’élève à 300.- francs par cent mètres cubes sans pouvoir être inférieure à 1.500.- francs; que comme le montant de cette taxe ne correspond plus au coût des prestations fournies sur le terrain, il est envisagé de l’adapter par étapes jusqu’au niveau réel; (…) ».

Le tribunal administratif s’est notamment emparé de cette formulation et à la référence au « coût des prestations » pour décider que les taxes sous examen revêtent le caractère de taxe rémunératoire alors qu’elles seraient perçues en contrepartie d’un « service rendu aux administrés désirant réaliser un projet de construction ».

L’appelant conteste cette façon de voir en soutenant que tant l’instruction du dossier à la base de l’une des taxes litigieuses que l’opération de piquetage à laquelle se rattache l’autre taxe ne comportent aucun élément du service rendu à l’administré, mais qu’au contraire les deux taxes seraient destinées au financement du coût de certaines interventions de la Commune dans le cadre de la police d’urbanisme. Le fait d’imposer aux administrés de solliciter des autorisations de construire, puis d’instruire les dossiers soumis à l’autorité communale, ne constitueraient dans aucun cas, et en aucun sens, un service rendu aux administrés, mais il s’agirait d’une intervention de la police communale, dans un but d’intérêt général (protéger les habitants de la commune contre des constructions qui ne seraient pas conformes aux règlements en matière d’urbanisme), et non, même partiellement, dans l’intérêt des administrés dont les dossiers sont instruits.

L’intimée soutient au contraire que les taxes seraient dues en contrepartie d’un service rendu à l’usager et revêtiraient de ce fait le caractère rémunératoire, le service rendu consistant en la sécurité juridique découlant du bon examen de la demande et de la décision administrative subséquente.

Ce dernier argument tombe à faux du fait que la décision de l’autorité communale, fût-elle prise à la suite de la procédure dont découlent les taxes, ne fournit pas de sécurité juridique à son bénéficiaire alors qu’elle est susceptible de donner lieu à des recours juridictionnels administratifs et civils.

7 La Cour estime, contrairement à ce qui est décidé au jugement dont appel que les deux taxes litigieuses ne rémunèrent aucun service rendu à l’administré, mais qu’au contraire, elles sont perçues, comme il est soutenu par l’appelant, sans que l’administré n’en retire un avantage concret, mais à l’occasion de l’intervention de la commune dans le cadre de son pouvoir de police de l’urbanisme fondé sur l’intérêt général. A ce titre, la nature des taxes sous examen est fondamentalement différente de celles qui ont donné lieu à la décision citée du 9 novembre 2000 (Ville du Luxembourg et Fonds pour le logement à coût modéré n° 11887C du rôle) dans laquelle la Cour a reconnu le caractère rémunératoire sur base du raccordement au réseau d’évacuation d’eau, soit un service concret rendu par la collectivité au particulier, y fût-il même assujetti de manière obligatoire.

Il y a dès lors lieu à réformation du jugement dont appel et à déclarer la juridiction administrative compétente pour connaître du recours.

Comme le dossier n’est pas instruit à suffisance quant au fond et que l’affaire n’est pas en état d’être jugée définitivement, il échet de la renvoyer au tribunal administratif.

Par ces motifs, la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’appel en la forme et le dit justifié ;

réformant, déclare la juridiction administrative compétente pour connaître du recours ;

renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le tribunal administratif ;

réserve les frais.

Ainsi jugé par Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par le premier conseiller en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le premier conseiller 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12594C
Date de la décision : 14/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-14;12594c ?

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