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30/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12768

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 mai 2001, 12768


Tribunal administratif N° 12768 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 janvier 2001 Audience publique du 30 mai 2001

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Recours formé par Madame … BRÜNNET, … (D) contre deux décisions de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2001 par Maître Guy CAS

TEGNARO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ...

Tribunal administratif N° 12768 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 janvier 2001 Audience publique du 30 mai 2001

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Recours formé par Madame … BRÜNNET, … (D) contre deux décisions de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2001 par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … BRÜNNET, employée privée, demeurant à D- …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 18 mai 2000 refusant de reconnaître son diplôme allemand de « Diplom-Sozialpädagogin », ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux en date du 19 octobre 2000 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2001 par Maître Guy CASTEGNARO pour compte de Madame … BRÜNNET ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Guy CASTEGNARO, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 mai 2001.

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Par courrier datant du 6 avril 2000, Madame … BRÜNNET, préqualifiée, s’adressa au ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, service d’homologation des diplômes, pour solliciter la reconnaissance de son diplôme allemand de « Diplom-Sozialpädagogin » lui délivré en date du 8 août 1991 par la « Katholische Stiftungsfachhochschule München » comme étant équivalent au diplôme luxembourgois d’assistant social.

Par arrêté du 18 mai 2000, la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, ci-après appelée « la ministre », décida que « le diplôme allemand de « staatlich anerkannte Sozialpädagogin » de Madame … BRÜNNET n’est pas reconnu dans le cadre de la législation du 26 mars 1992 sur certaines professions de santé ».

Par courrier de son mandataire du 18 août 2000, Madame BRÜNNET a introduit un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel précité. Celui-ci s’étant soldé par une décision ministérielle confirmative du 19 octobre 2000, elle a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles des 18 mai et 19 octobre 2000, par requête déposée en date du 12 janvier 2001.

En matière de reconnaissance des titres de formation professionnelle visés par la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, ci-après appelée « la directive 89/48/CEE », le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge de la réformation, étant donné que l’article 3 de la loi modifiée du 13 août 1992 portant a) transposition de la directive 89/48/CEE et b) création d’un service de coordination pour la reconnaissance de diplômes à des fins professionnelles prévoit un recours de pleine juridiction à l’encontre des décisions de l’autorité compétente en la matière.

Il s’ensuit que la compétence du tribunal pour connaître du recours principal en réformation introduit est d’abord conditionnée par la question de savoir si la demande de reconnaissance à la base des décisions ministérielles déférées tombe sous le champ d’application de la directive prévisée.

Le mécanisme de reconnaissance des diplômes tel qu’organisé par la directive 89/48/CEE est déclenché et délimité quant à son champ d’application à partir du caractère réglementé d’une profession, au sens de ladite directive, dans un Etat membre envisagé en tant qu’Etat d’accueil. Il y a partant lieu d’examiner si la profession d’assistant social en vue de l’exercice de laquelle la demanderesse a sollicité la reconnaissance de son diplôme allemand, constitue au Luxembourg une profession réglementée au sens de ladite directive.

Il résulte de la définition finalisée retenue par la directive que, dans des conditions qu’il faudra analyser, c’est l’exigence, formulée par une réglementation publique nationale, de la détention d’un diplôme ou d’un titre de formation en vue de l’accès à une activité professionnelle ou de son exercice, qui qualifie la profession correspondante comme profession réglementée dans l’Etat considéré (cf. Jurisclasseur Europe, Reconnaissance des diplômes organisée par des directives, Fascicule 720, n° 113 et suivants).

La directive 89/48/CEE définit les notions de profession réglementée et d’activité professionnelle réglementée dans son article 1er sous les points c) et d), dans les termes suivants: « c) profession réglementée : l’activité ou l’ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un Etat membre, d) activité professionnelle réglementée: une activité professionnelle dont l’accès ou l’exercice, ou l’une des modalités d’exercice dans un Etat membre est subordonné directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d’un diplôme.

Constituent notamment des modalités d’exercice d’une activité professionnelle réglementée: -

2 l’exercice d’une activité sous un titre professionnel, dans la mesure où le port de ce titre est autorisé aux seuls possesseurs d’un diplôme/d’un titre de formation ou d’une attestation de compétence déterminés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, -

l’exercice d’une activité professionnelle dans le domaine de la santé, dans la mesure où la rémunération et/ou le remboursement de cette activité est subordonné par le régime national de sécurité sociale à la possession d’un diplôme/d’un titre de formation ou d’une attestation de compétence. » Aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé, la profession d’assistant social constitue une profession de santé dont l’exercice, en vertu des dispositions de l’article 2 (1) de cette même loi, est subordonné à une autorisation du ministre de la Santé. Aussi une personne autorisée à exercer une profession de santé, peut-elle, en vertu des dispositions de l’article 5 de la loi précitée du 26 mars 1992, porter le titre professionnel correspondant à cette profession, étant entendu par ailleurs que tant l’exercice non autorisé d’une occupation de santé que le port du titre professionnel sans y être autorisé, sont passibles de sanctions pénales prévues à l’article 16 de ladite loi.

Le degré de qualification requis pour la profession d’assistant social, tant au regard de son contenu que de sa durée, est déterminé par le règlement grand-ducal modifié du 29 août 1979 portant réglementation des études et des attributions de la profession d’assistant social.

Les études professionnelles d’assistant social prescrites au Luxembourg sont sanctionnées par le diplôme d’Etat luxembourgeois d’assistant social et, conformément aux dispositions de l’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 29 août 1979 précité, porte sur une durée de quatre années au moins dont la dernière peut être consacrée à des stages ou à une formation spéciale en relation avec le service social.

Dans la mesure où la directive 89/48/CEE a institué un premier système de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, il y a dès lors lieu de retenir que la profession d’assistant social est à considérer comme une profession réglementée au Grand-

Duché de Luxembourg au sens de ladite directive.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge de la réformation en la matière. Le recours principal en réformation est dès lors recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours la partie demanderesse fait valoir que conformément aux dispositions de la directive 89/48/CEE le ministre aurait été tenu de prendre en compte les qualifications professionnelles par elle acquises en Allemagne et d’apprécier ci celles-ci correspondent à celles qui sont exigées pour la profession en question au Luxembourg. Elle estime plus particulièrement que le diplôme qui lui a été délivré en Allemagne par une « Fachhochschule » non étatique, en ce qu’il serait reconnu par l’Etat sur le territoire duquel il a été délivré, aurait dû être reconnu par le ministre pour le moins comme étant équivalent à celui de « Sozialarbeit » de manière à lui permettre de participer à l’épreuve d’aptitude pour la profession d’assistant social.

La demanderesse relève encore que son diplôme lui permettrait d’exercer en Allemagne aussi bien la profession de « Sozialarbeiterin » que celle de « Sozialpädagogin » 3 et que la profession que ce diplôme autoriserait à exercer serait équivalente à celle d’assistant social au Luxembourg.

Conformément aux dispositions de l’article 3, 2), 1. de la loi modifiée du 26 mars 1992 précitée, la reconnaissance des diplômes étrangers en la matière est accordée pour les professions pour lesquelles un diplôme luxembourgeois est délivré, aux titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation équivalente à l’étranger, sans préjudice des dispositions des paragraphes 3 et 4 du même article, étant entendu qu’aux termes du paragraphe 4 ainsi visé « pour les professions tombant sous l’application d’une directive communautaire instituant un système général de reconnaissance des diplômes, (cette reconnaissance est accordée) aux titulaires d’un des diplômes répondant aux exigences de la directive en question ».

La profession d’assistant social tombant sous l’application de la directive 89/48/CEE, il y a dès lors lieu d’examiner si c’est à juste titre et pour de justes motifs que la décision déférée a retenu que le diplôme présenté ne pouvait être reconnu, étant entendu que seul le défaut de répondre aux exigences de la directive 89/48/CEE peut utilement être retenu à cet égard.

L’article 3 de la directive 89/48/CEE dispose comme suit : « Lorsque, dans l’Etat membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme, l’autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d’un Etat membre, pour défaut de qualification, d’accéder à cette profession ou de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux :

a) si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre Etat membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer et qui a été obtenu dans un Etat membre, ou bien (…) ».

L’article 8 de la même directive dispose encore que « L’Etat membre d’accueil accepte comme preuve que les conditions énoncées aux articles 3 et 4 sont remplies les attestations et documents délivrés par les autorités compétentes des Etats membres, que l’intéressé doit présenter à l’appui de sa demande d’exercice de la profession concernée. » Il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement des attestations établies par le « Bayrisches Staatsministerium für Wissenschaft, Forschung und Kunst » en date du 1er août 2000, ainsi que par le « Sekretariat der ständigen Konferenz der Kultusminister der Länder in der Bundesrepublik Deutschland » en date du 10 août 2000, toutes les deux jointes au recours gracieux introduit par la demanderesse par l’intermédiaire de son mandataire par courrier du 18 août 2000 à l’encontre de la décision ministérielle déférée du 18 mai 2000, que le diplôme litigieux lui confère la qualification nécessaire au sens de l’article 3 de la directive 89/48/CEE, pour exercer en Allemagne l’activité professionnelle dans les domaines de « Sozialpädagogik und Sozialarbeit », ceci nonobstant le fait qu’en Bavière le diplôme afférent ne mentionne en titre que le domaine plus spécifique de la « Sozialpädagogie ». L’auteur de l’attestation établie par la « Zentralstelle für ausländisches Bildungswesen » auprès du « Sekretariat der ständigen Konferenz der Kultusminister der Länder in der Bundesrepublik Deutschland », compétent plus particulièrement pour délivrer des renseignements afférents en matière de reconnaissance de diplômes étrangers, précise en effet à cet égard que « der Diplomsozialpädagoge (FH) einer bayerischen Fachhochschule ist daher gleichermassen für die Tätigkeiten eines 4 Sozialpädagogen wie die eines Sozialarbeiters qualifiziert. Die Tatsache, dass eine klare und eindeutige Unterscheidung zwischen beiden Funktionen selten möglich ist, hat dazu geführt, dass beide Fachrichtungen zunehmend in der Fachrichtung Sozialwesen zusammengeführt werden. » La même autorité a encore précisé que « unter funktionalem Gesichtspunkt sind die Tätigkeiten, die Frau Brünnet als Diplomsozialpädagogin (FH) und « staatlich anerkannte Sozialpädagogin » in der Bundesrepublik Deutschland ausüben darf, denen des « assistant social » in Luxemburg gleichartig. Die Anforderungen für eine Anerkennung gemäss Richtlinie 89/48/EWG sind daher erfüllt. » Force est de constater qu’il se dégage des attestations prérelatées que le diplôme présenté par la demanderesse lui permet d’exercer en Allemagne non seulement dans le domaine de la « Sozialpädagogik » couvert prima facie suivant son intitulé, mais également et au même titre dans le domaine de la « Sozialarbeit », équivalent plus particulièrement au domaine d’activité de l’assistant social au Luxembourg.

Dans la mesure où la décision ministérielle confirmative déférée du 19 octobre 2000, intervenue après examen desdites attestations, ne contient aucun élément concret de nature à ébranler les informations y contenues et que par ailleurs aucun autre élément du dossier ne permet de retenir que la profession allemande de « Sozialarbeiter » ne correspondrait pas à la profession luxembourgeoise d’assistant social, c’est partant à tort que la ministre a refusé purement et simplement de faire droit à la demande de Madame BRÜNNET au motif que son diplôme ne serait pas reconnu dans le cadre de la législation du 26 mars 1992 sur certaines professions de santé et que les études mentionnées ne correspondraient pas au contenu du programme théorique, technique et pratique d’une des professions de santé quant à leur spécificité.

Dans la mesure où le principe de la reconnaissance du diplôme dans l’Etat membre d’accueil, lorsque le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre Etat membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer et qui a été obtenu dans cet Etat membre, est tempéré par les dispositions mêmes de la directive qui accorde également à l’Etat d’accueil la possibilité d’assortir cette reconnaissance de certaines modalités prévues plus particulièrement en son article 4, il y a lieu de retenir par réformation des décisions ministérielles déférées que la demanderesse rentre dans les prévisions de l’article 3 a) de la directive 89/48/CEE tout en renvoyant le dossier à la ministre afin de lui permettre de déterminer s’il y a lieu d’exiger dans le chef de la demanderesse soit l’accomplissement d’un stage d’adaptation, soit la soumission à une épreuve d’aptitude suivant l’alternative prévue par l’article 4,1,b) de ladite directive.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant réformant, dit que le diplôme allemand de « Diplom-Sozialpädagogin (FH) » constitue le diplôme qui est prescrit par la République Fédérale d’Allemagne pour accéder sur son territoire à la profession d’assistant social (Sozialarbeiter) au sens de l’article 3, a) de la directive 89/48/CEE et renvoie le dossier à la ministre de l’Education nationale, de la 5 Formation professionnelle et des Sports, afin de lui permettre de déterminer si l’exigence d’un stage d’adaptation, ou d’une épreuve d’aptitude au sens de l’article 4,1,b) de la même directive s’impose ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 mai 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12768
Date de la décision : 30/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-30;12768 ?

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