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30/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12705

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 mai 2001, 12705


Tribunal administratif N° 12705 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2000 Audience publique du 30 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12705 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2000 par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, ass

isté de Maître Toinie WOLTER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe...

Tribunal administratif N° 12705 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2000 Audience publique du 30 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12705 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2000 par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, assisté de Maître Toinie WOLTER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à Vrbica/Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 9 octobre 2000, notifiée le 1er décembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Toinie WOLTER et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2001.

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Le 14 mai 1999, Monsieur … ADROVIC, préqualifié, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur ADROVIC fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 15 juillet 1999 Monsieur ADROVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 9 octobre 2000, lui notifiée en date du 1er décembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur ADROVIC de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Par requête déposée en date du 27 décembre 2000, Monsieur ADROVIC a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 9 octobre 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il est un ressortissant du Monténégro de confession musulmane, et que ce seul fait serait de nature à l’exposer quotidiennement à l’oppression et à la persécution serbe mettant en péril sa liberté et sa vie en cas de retour dans son pays d’origine, étant donné qu’à l’heure actuelle, il serait toujours impossible pour un musulman de survivre à la tyrannie serbe, qu’il soit un militant actif pour une cause démocratique ou simplement un non serbe. Il reproche à la décision ministérielle déférée d’avoir méconnu la réalité et la gravité des persécutions qu’il subirait en cas de retour dans son pays et relève à cet égard que ce ne serait pas parce qu’il n’a pas rapporté la preuve d’une arrestation ou de tortures qu’il faudrait en conclure que sa vie et sa liberté ne seraient pas en danger en cas de retour au pays, étant donné que sa vie et sa liberté y seraient en permanence en danger.

Le demandeur relève en outre qu’il habiterait actuellement chez sa tante et chez ses cousins à Pétange, que lesdits membres de sa famille seraient arrivés au Luxembourg il y a environ 6 ans et s’y seraient intégrés, que lui-même suivrait des cours de français afin de mieux pouvoir s’intégrer et qu’au vu de l’ensemble de ces considérations, la décision déférée devrait être réformée pour violation de la loi et erreur manifeste d’appréciation des critères de reconnaissance du statut de réfugié.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur ADROVIC et que le recours laisserait d’être fondé.

2 Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Le tribunal étant tenu de statuer dans le cadre des moyens invoqués, il y a lieu de constater que le demandeur a en l’espèce limité ses moyens à l’appui du recours à sa seule appartenance au groupe social des musulmans originaires du Monténégro en soutenant que du seul fait de son appartenance à ce groupe il devrait encore à l’heure actuelle craindre personnellement et avec raison d’être persécuté dans son pays d’origine.

Or, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Force est de constater que les moyens du demandeur ensemble les déclarations afférentes en rapport avec sa crainte de persécution en raison de sa religion musulmane s’analysent, en substance, en l’expression d’un sentiment général de peur. Il a en effet déclaré à cet égard que « pour les musulmans, il n’y a pas de vie chez nous. On est continuellement insulté et provoqué. Dès que l’on sort de notre village, on risque de se faire insulter par les Serbes », sans qu’il n’ait établi un état de persécution vécu ou une crainte concrète qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Le demandeur n’a partant pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier dans son chef la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

3 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 mai 2001 par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12705
Date de la décision : 30/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-30;12705 ?

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