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30/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12493

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 mai 2001, 12493


Tribunal administratif N° 12493 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2000 Audience publique du 30 mai 2001

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Recours formé par Madame …, épouse CHÂTELIER, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de mutation

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12493 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 2000 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse CHÂTELIER, professeur d’...

Tribunal administratif N° 12493 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2000 Audience publique du 30 mai 2001

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Recours formé par Madame …, épouse CHÂTELIER, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de mutation

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12493 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 2000 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse CHÂTELIER, professeur d’histoire, demeurant à L- … , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 17 août 2000 par laquelle ledit ministre a refusé de faire droit à sa demande de mutation pour l’année scolaire 2000/2001;

Vu le mémoire en réponse déposé le 18 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réplique déposé le 13 février 2001 au greffe du tribunal administratif au nom de la demanderesse;

Vu le mémoire en duplique déposé le 1er mars 2001 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Au mois de juin 2000, Madame …, épouse CHÂTELIER, préqualifiée, professeur d’histoire au lycée technique Michel-Lucius à Luxembourg depuis le mois de septembre 1991, introduisit auprès du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, ci-après dénommé le « ministre », une demande de mutation avec effet à partir de l’année scolaire 2000-2001 vers un des lycées classiques suivants : 1) Athénée de Luxembourg, 2) Lycée de Garçons Luxembourg, 3) Lycée Michel-Rodange et 4) Lycée Robert-Schuman Luxembourg. La motivation de ladite demande de mutation fut libellée comme suit: « pour enseigner l’histoire dans un lycée classique ».

Par courrier du 17 août 2000, le ministre refusa de faire droit à cette demande au motif que « les besoins du service ne me permettent pas d’y donner une suite favorable ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 novembre 2000, Madame … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 17 août 2000.

QUANT AU MOYEN TIRE DE L’« IRRECEVABILITE » DU MEMOIRE EN REPLIQUE Avant de procéder à l’examen des questions de compétence du tribunal et de recevabilité des recours principal et subsidiaire, il convient en premier lieu d’examiner le moyen d’« irrecevabilité » du mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse le 13 février 2001 soulevé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique.

Lors des plaidoiries, sur question afférente du tribunal, le mandataire de la demanderesse a exposé ne pas pouvoir préciser la date de notification exacte du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, mais que ledit mémoire, envoyé par le greffe du tribunal administratif par pli postal du 18 décembre 2000, lui serait parvenu avant la fin du mois de décembre 2000.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5 paragraphe (7) ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Dans la mesure où le mémoire en réponse du délégué du gouvernement a été déposé au greffe du tribunal en date du 18 décembre 2000 et qu’il a été notifié au mandataire de la 2 demanderesse par pli postal du même jour, - réceptionné par ledit mandataire, selon ses déclarations avant la fin de l’année 2000 -, le dépôt - et la communication - du mémoire en réplique de la demanderesse ont dû intervenir pour le 31 janvier 2001 au plus tard. Or, il convient de constater que le dépôt du mémoire en réplique en date du 13 février 2001 est intervenu en dehors du prédit délai.

Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL ET A LA RECEVABILITE DES RECOURS EN REFORMATION SINON EN ANNULATION Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait de recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, page 310, et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision refusant de faire droit à une demande de mutation d’un fonctionnaire de l’Etat, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal (cf. trib. adm. 26 mai 1997, Friser, n° 9396 du rôle).

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

QUANT AU FOND En premier lieu, la demanderesse se rapporte à la prudence du tribunal en ce qui concerne « la régularité de la décision critiquée en la forme et plus particulièrement concernant la capacité de signature de Monsieur A.W., inspecteur principal 1er en rang ».

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient que la capacité de signature de Monsieur A. W., qui a signé la décision ministérielle pour compte du ministre compétent n’est pas critiquable, étant donné qu’il se dégage des pièces produites en cause que ledit fonctionnaire bénéficie d’une subdélégation de signature en bonne et due forme à cette fin.

Ensuite, la demanderesse soutient que la décision attaquée aurait été prise en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. L’argumentation développée tend à reprocher au ministre une motivation insuffisante de son refus. Dans ce contexte, elle met encore en doute le fait qu’aucun des quatre lycées pour lesquels elle a postulé n’aurait eu un 3 poste vacant pour l’année scolaire 2000/2001 et elle soutient que « l’administration ne saurait en tout état de cause pas tirer argument d’une éventuelle absence de postes ouverts résultant du fait que les titulaires doivent prester des heures supplémentaires, alors qu’en réalité la création de postes s’imposait ».

Le délégué du gouvernement rétorque que la décision attaquée serait motivée par le fait qu’il n’y avait aucun poste de professeur d’histoire vacant dans un des quatre lycées classiques de la capitale pour l’année scolaire dont il est question en cause. Il précise qu’un seul poste aurait été vacant pour un professeur d’histoire dans l’enseignement classique au lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette, établissement pour lequel Madame … n’aurait pas opté dans sa demande de mutation.

D’après l’article 6 alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux dont l’existence au jour de la prise de décision est contrôlée par le tribunal dans le cadre d’un recours en annulation, l’indication de ces motifs ne doit cependant pas obligatoirement figurer en toute hypothèse dans la décision elle-même.

Si l’alinéa 2 du même article 6 précise encore que la décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, notamment lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé, il n’en reste pas moins que, dans le cadre du recours en annulation, la juridiction administrative est appelée à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse via son mandataire.

En l’espèce, le moyen tiré d’une motivation incomplète de la décision attaquée est à rejeter, étant donné que le ministre s’est expressément référé aux besoins du service en cause, laquelle indication, ensemble la précision soumis au tribunal par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, relativement à l’absence d’un poste de professeur d’histoire vacant dans un des quatre lycées pour lesquels la demanderesse avait marqué son intérêt, constitue une motivation certes succincte, mais néanmoins suffisante pour permettre à la demanderesse d’apprécier la teneur des motifs sur lesquels le ministre compétent s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance de la demanderesse.

Le moyen d’annulation proposé en ce qu’il vise un défaut d’indication et de précision suffisante de motifs laisse d’être fondé et est à écarter.

Au-delà de la simple indication des motifs, la demanderesse a encore contesté l’existence et la validité du motif énoncé, en ce qu’elle a contesté le fait qu’aucun poste n’a été vacant.

Dans ce contexte, il convient de relever qu’au voeu de l’article 6 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, les enseignements secondaire, secondaire technique, supérieur et universitaire sont à considérer comme formant une seule administration et que le changement d’affectation ou mutation, c’est-à-dire l’assignation au fonctionnaire d’un autre emploi correspondant à la fonction dont il est investi au sein de son 4 administration, peut soit intervenir d’office dans l’intérêt du service soit à la demande de l’intéressé.

En outre, la possibilité d’une mutation est conditionnée à sa base par l’existence d’une vacance de poste.

Or, en l’espèce, l’administration fonde précisément sa décision de refus de faire droit à la demande de mutation de la demanderesse sur le fait qu’aucun poste de professeur d’histoire ne serait vacant dans un des établissements pour lesquels elle a marqué son intérêt.

S’il est vrai que le juge administratif, statuant dans le cadre d’un recours en annulation, peut vérifier si les faits qui sont à la base de la décision litigieuse sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, cette vérification se fait sur base des pièces et éléments d’appréciation soumis au tribunal.

Ceci étant, comme une preuve négative ne se conçoit pas et comme la demanderesse reste en défaut d’apporter un quelconque élément de preuve tangible relativement à ses allégations en rapport avec l’existence d’un poste vacant dans un des établissements pour lesquels elle a marqué son intérêt, sa simple contestation de l’exactitude matérielle du défaut d’une vacance de poste n’est pas de nature à ébranler la légalité de la motivation de la décision attaquée.

Pour le surplus, le reproche de la demanderesse fondé sur ce que l’administration aurait dû procéder à la création de postes supplémentaires pour faire face à des besoins existants, même abstraction faite de ce que l’existence d’un tel besoin reste à l’état de simple allégation, ne rentre pas dans le cadre des moyens de légalité, seuls admis dans le cadre d’un recours en annulation, mais constitue une critique relativement aux choix politiques et à l’opportunité d’agir ou de ne pas agir du pouvoir exécutif que le juge administratif n’est pas compétent pour contrôler.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’est pas fondé et que la demanderesse doit en être déboutée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

écarte les mémoires en réplique et en duplique tardivement fournis;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

5 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 30 mai 2001, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12493
Date de la décision : 30/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-30;12493 ?

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