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23/05/2001 | LUXEMBOURG | N°13441

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mai 2001, 13441


Tribunal administratif N° 13441 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2001 Audience publique du 23 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … NTEBA contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2001 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … NTEBA, de nationalité c

ongolaise, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, déclarant demeurer à F...

Tribunal administratif N° 13441 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2001 Audience publique du 23 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … NTEBA contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2001 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … NTEBA, de nationalité congolaise, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, déclarant demeurer à F-… , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 avril 2001 prolongeant d’un mois une mesure de placement audit Centre pénitentiaire, instituée à son égard par décision ministérielle du 16 février 2001, prorogée une première fois par décision ministérielle du 15 mars 2001;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Marc ELVINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du ministre de la Justice du 16 février 2001, Monsieur … NTEBA, préqualifié, fut placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement était fondée sur les considérations et motifs suivants:

« Considérant que l’intéressé était en détention préventive au Centre Pénitentiaire de Luxembourg et qu’il a été mis en liberté provisoire en date d’aujourd’hui;

1 - qu’il a fait usage d’un passeport zaïrois falsifié;

- qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;

- que son éloignement immédiat n’est pas possible;

Considérant que des raisons tenant à un risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement ».

Ladite mesure de placement fut prorogée à deux reprises par décisions du ministre de la Justice en date des 15 mars et 12 avril 2001.

La décision ministérielle de prorogation du 12 avril 2001 est basée sur les considérations et motifs suivants:

« Considérant que l’intéressé était en détention préventive au Centre Pénitentiaire de Luxembourg et qu’il a été mis en liberté provisoire en date du 16 février 2001;

- qu’il a fait usage d’un passeport zaïrois falsifié;

- qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;

- qu’un laissez-passer a été demandé à l’ambassade du Congo à Bruxelles en date du 20 février 2001;

- qu’en attendant la délivrance d’un laissez-passer, l’éloignement immédiat de l’intéressé vers la République Démocratique du Congo n’est pas possible;

Considérant qu’il échet dès lors de proroger le placement pour une durée maximum de 1 mois à partir de la notification ».

Le 13 mai 2001, Monsieur … NTEBA fut remis en liberté.

Par requête déposée le 14 mai 2001, Monsieur … NTEBA a introduit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle de prorogation de son placement au Centre pénitentiaire de Luxembourg prise en date du 12 avril 2001.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée du 12 avril 2001. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que l’intéressé a été remis en liberté le 13 mai 2001. En effet, s’il est vrai que ni la réformation, ni l’annulation de la décision de placement prise à l’égard du demandeur ne sauraient désormais avoir un effet concret, la mesure en question ayant de toute manière cessé, le demandeur garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure, de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu et principalement que la prorogation de son incarcération au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig serait illégale au motif que le ministre de la Justice ne saurait valablement faire état d’une 2 impossibilité d’éloignement dans son chef étant donné qu’il aurait obtenu, de la part de son ambassade à Paris, un laissez-passer qui aurait permis son rapatriement vers le Congo.

Le délégué du gouvernement conteste le fait qu’un laissez-passer a été transmis au ministère de la Justice. Dans ce contexte, il expose qu’il se dégagerait d’un courrier du 23 février 2001 du précédent mandataire du demandeur « qu’une copie d’un tel laissez-passer a bel et bien été envoyée au ministère de la Justice. Toutefois, un original n’est jamais parvenu au ministère de la Justice (…) ». Sur ce, le délégué soutient qu’une simple copie faxée d’un laissez-passer, sans original à l’appui, n’aurait pas permis le renvoi du demandeur vers son pays d’origine.

Le représentant étatique expose encore que les services compétents du ministère de la Justice auraient fait toutes les diligences possibles en envoyant quatre courriers à l’ambassade de la République Démocratique du Congo (RDC) - est visée l’ambassade près le royaume de Belgique établie à Bruxelles - afin de faire réadmettre le demandeur sur le territoire de la RDC et que ladite ambassade a répondu qu’elle ne serait pas en mesure d’émettre un document quelconque, « mais pourrait s’entretenir avec l’intéressé, avec la permission du ministère de la Justice. L’ambassade a été contactée téléphoniquement avec prière de contacter Monsieur G. K. de la police judiciaire afin d’organiser cet entretien, entretien qui n’a néanmoins jamais eu lieu d’après les informations du soussigné ». Enfin, d’autres diligences auraient été entreprises en vue du rapatriement du demandeur, notamment auprès du ministère de l’Intérieur belge ainsi que de l’office français des réfugiés et apatrides.

Lors des plaidoiries, le délégué a affirmé que, selon les renseignements qu’il aurait reçus de la part du service compétent, l’ancien mandataire du demandeur aurait été contacté téléphoniquement, afin qu’il produise l’original du laissez-passer transmis en copie.

Cette allégation a été contestée par le mandataire du demandeur qui a exposé que selon les renseignements obtenus auprès du mandataire antérieur de son client, il n’aurait pas été approché afin de produire l’original du laissez-passer dont il est question en cause, mais que lors d’un entretien téléphonique avec un agent du ministère de la Justice, on lui aurait dit qu’on aurait besoin « d’une pièce de l’ambassade belge ».

Concernant la justification, au fond, de la mesure de placement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose entre autres l’impossibilité d’exécuter une mesure d’expulsion ou de refoulement.

Au voeu du paragraphe (2) de l’article 15 précité, « la décision de placement .. peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal est partant amené à analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’en l’espèce, une nécessité absolue rendait la prorogation de la décision de placement inévitable.

3 En l’espèce, abstraction faite des allégations contradictoires - non étayées par des éléments de preuve tangibles - faites lors des plaidoiries par le mandataire du demandeur et par le délégué du gouvernement - au sujet d’une demande des services compétents invitant le précédent mandataire du demandeur à produire un original du laissez-passer établi par l’ambassade de la RDC à Paris, allégations auxquelles le tribunal ne saurait partant pas avoir égard, il se dégage des informations et pièces soumises au tribunal, que déjà en date du 23 février 2001, Maître P.P. a transmis au service des étrangers du ministère de la Justice une copie d’un « laissez-passer tenant lieu de passeport ordinaire valable trois mois » établi par l’ambassade de la RDC à Paris.

Ainsi, au jour de la prise de la deuxième décision de prorogation de la mesure de placement du demandeur, soit en date du 12 avril 2001, l’autorité compétente avait connaissance de l’existence d’un laissez-passer voire de la possibilité d’en obtenir la délivrance depuis plus d’un mois et demi, sans qu’elle ait pris le soin de contacter soit l’ambassade de la RDC à Paris, notamment pour solliciter la délivrance de l’original du laissez-passer soit, afin de faire avancer les choses, d’informer l’ambassade de la RDC à Bruxelles, avec laquelle elle a été en contact, de cet état de fait, mais, que les autorités luxembourgeoises, tel que cela se dégage du dossier administratif et des renseignements fournis, se sont obstinées dans des démarches stériles notamment avec ladite ambassade à Bruxelles.

Or, dans ces conditions, force est de constater que le demandeur reproche à bon droit au ministre de la Justice de ne pas avoir entrepris les démarches nécessaires et utiles qui auraient pu assurer un éloignement de sa personne dans les meilleurs délais, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’à défaut d’avoir pris des mesures appropriées, le ministre de la Justice ne saurait se prévaloir d’une nécessité absolue pour justifier la décision de reconduction de la mesure de placement du demandeur querellée et la prorogation de la mesure de placement n’était pas justifiée.

Le recours est partant fondé sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare justifié;

partant annule la décision du ministre de la Justice du 12 avril 2001;

condamne l‘Etat aux frais.

4 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 23 mai 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13441
Date de la décision : 23/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-23;13441 ?

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