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23/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12133

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mai 2001, 12133


Tribunal administratif N° 12133 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2000 Audience publique du 23 mai 2001

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Recours formé par les époux … MOND et …, Luxembourg contre un bulletin de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition Luxembourg I en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12133 du rôle et déposée au greffe du tribuna

l administratif en date du 19 juillet 2000 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au table...

Tribunal administratif N° 12133 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2000 Audience publique du 23 mai 2001

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Recours formé par les époux … MOND et …, Luxembourg contre un bulletin de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition Luxembourg I en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12133 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juillet 2000 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MOND, ingénieur, et de son épouse, Madame …, sans état, demeurant ensemble à L- … , tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’exercice fiscal 1993 émis le 7 mars 1996 par le bureau d’imposition Luxembourg I ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2001 par Maître Patrick KINSCH au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Patrick KINSCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2001.

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Par une requête antérieure, déposée le 7 mars 2000 et inscrite sous le numéro 11864 du rôle, les époux MOND-…, préqualifiés, avaient introduit un recours en réformation devant le tribunal administratif à l’encontre de cinq bulletins d’impôt, dont le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1993, leur notifié en date du 7 mars 1996.

A travers ledit recours ils ont fait grief au dit bulletin « d’avoir retenu, à titre de revenu net de capitaux mobiliers, la somme de 15.999.924.- francs » et ont demandé au tribunal de dire, par réformation dudit bulletin, en ce qui concerne l’impôt sur le revenu redu au titre de l’année 1993, « qu’un montant de 17.099.880.- francs est exempt de l’impôt sur le revenu conformément à la loi du 27 avril 1984 (et non la somme inférieure retenue par le bulletin d’imposition attaqué) ».

Par jugement du 12 juillet 2000, le tribunal a réformé le bulletin de l’impôt sur le revenu déféré concernant l’année fiscale 1993 dans les limites du recours introduit dans la mesure où il n’a pas tenu compte de la portion exemptée des parts de bénéfice distribuées durant l’année fiscale 1993 au titre des exercices sociaux 1991 et 1992 à concurrence de 17.099.880.- francs.

Par requête déposée en date du 19 juillet 2000, les époux MONDE-… ont introduit un nouveau recours en réformation contre ledit bulletin de l’impôt sur le revenu 1993 en demandant au tribunal de dire, par réformation, que la somme supplémentaire de 900.000.- francs sera également exempte de l’impôt sur le revenu pour l’exercice 1993, en exposant que dans leur déclaration fiscale à la base du bulletin déféré, ils auraient indiqué un montant de 17.999.880.- francs au titre de l’exemption prévue par la loi du 27 avril 1984 visant à favoriser les investissements productifs des entreprises et la création d’emploi au moyen de la promotion de l’épargne mobilière, communément appelée « loi RAU », et que ce même chiffre aurait également apparu dans leur réclamation portée au préalable devant le directeur des contributions suivant lettre du 14 mars 1996.

Les demandeurs relèvent plus particulièrement à cet égard que le chiffre avancé dans leur recours inscrit sous le numéro 11864 du rôle et toisé par jugement du tribunal du 12 juillet 2000 de l’ordre de 17.099.880.- francs s’expliquerait par une erreur de frappe qui n’aurait pas été remarquée par le signataire de ce recours lors de la vérification du texte dactylographié. Ils font valoir que la constatation de la limitation de l’objet du premier recours par le jugement du tribunal administratif ne serait pas de nature à leur interdire de demander au tribunal, par le présent recours, de leur reconnaître l’intégralité du bénéfice de la loi RAU tel qu’il faisait l’objet de leur réclamation devant le directeur.

Les demandeurs soulignent, à toute fin utile, qu’aucun obstacle de droit ne s’opposerait à la rectification, par le présent recours, de l’erreur de frappe contenue dans leur premier recours en faisant valoir que le jugement prévisé du 12 juillet 2000 aurait d’ores et déjà constaté, pour ce qui est du fond, qu’ils ont droit à la reconnaissance de l’intégralité de l’exemption qui leur est due pour l’année 1993 et que ce droit n’aurait pas été perdu du fait qu’une erreur de frappe s’était glissée dans un premier recours, que par ailleurs le délai pour introduire un recours devant le tribunal administratif contre le bulletin de l’impôt sur le revenu 1993 ne serait pas encore expiré, faute d’avoir jamais commencé à courir et que, enfin, l’autorité de la chose jugée revêtue par le jugement du 12 juillet 2000 ne s’opposerait pas à la recevabilité du présent recours dans la mesure où il n’y aurait pas d’identité d’objet en ce sens que la première requête tendait à l’exemption du montant de 17.099.880.- francs au titre de la loi RAU tandis que la présente requête tend à l’exemption d’un montant supplémentaire de 900.000.- francs.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours dans le chef de Monsieur MOND en faisant valoir que le tribunal, en ayant statué sur le fond à travers le jugement précité du 12 juillet 2000, aurait épuisé le recours ouvert contre le bulletin de l’impôt sur le revenu 1993. Il conclut également à l’irrecevabilité du recours dans le chef de Madame … au motif qu’elle n’aurait pas réclamé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu déféré.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font valoir que le tribunal, en statuant sur le fond, ne pourrait statuer que dans la limite des choses demandées dans le 2 recours en réformation porté devant lui, de sorte qu’en l’espèce le deuxième recours inscrit sous le numéro 12133 du rôle ne se heurterait pas à l’autorité de chose jugée du jugement ayant statué sur le premier recours dirigé contre le même bulletin, étant donné que le contribuable y demanderait « autre chose », en l’occurrence l’exemption d’un montant supplémentaire de 900.000.- francs, alors que l’objet du premier recours aurait été « d’obtenir que le tribunal administratif dise, par réformation du bulletin attaqué, qu’un montant de 17.099.880.- francs est exempt de l’impôt sur le revenu conformément à la loi RAU ». Or, dans la mesure où l’objet de la demande au sens de l’article 1351 du code civil, consisterait précisément dans la « chose demandée », ils estiment qu’en l’espèce les objets des deux recours ne seraient pas identiques.

Concernant plus particulièrement le recours de Madame …, les demandeurs font valoir que la réclamation aurait été établie au nom de Monsieur et Madame MOND-…, si bien que Madame … aurait été partie réclamante devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après appelé « le directeur », et que de toute manière, cette dernière serait codébitrice des impôts en question, pour soutenir que le moyen d’irrecevabilité afférent opposé par le représentant étatique manquerait en fait.

A défaut de prescription légale afférente spécifique à la matière administrative ou fiscale, il y a lieu d’admettre, en vertu du principe général que tous les procès doivent avoir une fin, que la chose jugée en matière fiscale, tout comme en matière civile, crée l’exception de chose jugée qui empêche que l’une des parties ne remette en question ce qui a été définitivement jugé.

En l’espèce le représentant étatique oppose au demandeur l’exception de chose jugée en faisant valoir que le tribunal, par son jugement précité du 12 juillet 2000, aurait épuisé le recours ouvert aux demandeurs contre le bulletin de l’impôt sur le revenu 1993.

Conformément aux dispositions de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif connaît comme juge du fond des recours dirigés contre les décisions du directeur de l’administration des Contributions directes dans les cas où les lois relatives aux matières prévues à son paragraphe (1) prévoient un tel recours, le même article spécifiant sub 3. que lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts (AO) a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant peut considérer la réclamation comme rejetée et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation.

Face au silence observé par le directeur par rapport à leur réclamation introduite par courrier du 14 mars 1996 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’exercice 1993, les époux MOND-…, par application des dispositions conjugées des articles 8 (3) alinéa 3 prérelaté et 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 précitée, ensemble le paragraphe 228 AO, ont introduit le recours prévu par la loi à l’encontre dudit bulletin par requête déposée en date du 7 mars 2000.

Conformément aux dispositions de l’article 1351 du code civil « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

3 Si les parties sont en accord pour dire que leurs deux demandes sous analyse, introduites par requêtes déposées respectivement en date des 7 mars et 19 juillet 2000, sont fondées sur une même cause et se sont mues entre les mêmes parties au sens de la disposition prérelatée, les parties demanderesses sont en désaccord avec le représentant étatique concernant la condition de l’identité d’objet y formulée.

Il est constant que tant le recours toisé par jugement du tribunal du 12 juillet 2000 que celui sous examen s’inscrivent dans le cadre des dispositions de l’article 8 (1) 3. de la loi du 7 novembre 1996 précitée et qu’en vertu de ce texte un recours n’est ouvert que « contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ». Force est ensuite de constater que l’objet du recours ainsi prévu par la loi est délimité quant à la prétention qu’il est susceptible de porter à travers les dispositions des paragraphes 232 (1) et 213 (1) AO retenant comme seules possibilités afférentes celles de contester soit le principe même de l’imposabilité « dass die Steuerpflicht bejaht worden ist », soit le montant de l’impôt retenu (« die Höhe der festgesetzten Steuer »), tout en spécifiant que les bases d’imposition ne peuvent faire l’objet d’un recours séparé (« die Feststellung der Besteuerungsgrundlagen bildet regelmässig einen unselbstständigen (mit Rechtsmitteln nicht selbstständig anfechtbaren) Teil des Steuerbescheids »).

Dans la mesure où le contribuable ne peut dès lors faire valoir ses critiques à l’égard des bases d’imposition qu’à travers un recours dirigé contre le bulletin d’impôt et que celui-ci, au regard du recours ouvert à son encontre à travers les dispositions de l’article 8 (1) 3. prérelaté, est envisagé dans son intégralité en tant que constitutif d’une décision unique, il n’est pas concevable de déférer un même bulletin renseignant une cote déterminée de manière partielle et répétée au tribunal, même si les causes avancées pour conclure à la réduction de cette cote peuvent être multiples et viser, complémentairement ou non, différentes bases d’imposition.

Le bulletin d’imposition critiqué à travers le recours sous examen étant le même que celui déféré au tribunal à travers le recours toisé par le jugement prévisé du 12 juillet 2000, l’identité d’objet des deux litiges est en l’espèce acquise, de sorte que c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement soutient que le tribunal, en ayant statué par voie de réformation à l’égard dudit bulletin d’impôt, a épuisé le recours ouvert à son encontre par la loi.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours sous examen est irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mai 2001 :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge 4 M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12133
Date de la décision : 23/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-23;12133 ?

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