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16/05/2001 | LUXEMBOURG | N°13294

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2001, 13294


Tribunal administratif N° 13294 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 avril 2001 Audience publique du 16 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … KUC, …, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13294 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2001 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KUC, né le … à Tutin (Serbie), sans état particulier, de na...

Tribunal administratif N° 13294 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 avril 2001 Audience publique du 16 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … KUC, …, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13294 et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2001 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KUC, né le … à Tutin (Serbie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 novembre 2000, notifiée le 19 janvier 2001, ainsi que d’une décision confirmative du 14 mars 2001, rendue à la suite de l’introduction d’un recours gracieux le 20 février 2001, par lesquelles sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … KUC, préqualifié, introduisit en date du 7 juin 1999 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi 1 pour venir au Luxembourg ainsi qu’en date du 10 novembre 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le ministre de la Justice informa Monsieur KUC, par lettre du 20 novembre 2000, notifiée le 19 janvier 2001, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous êtes arrivé au Luxembourg le 6 juin 1999 vers 18.00 heures.

Vous exposez avoir été appelé au contrôle d’aptitude militaire en 1998. Vous n’avez pas reçu d’appel pour faire le service militaire.

Vous expliquez ne pas avoir subi de persécutions personnelles.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Le recours gracieux formé par le mandataire de Monsieur KUC à l’encontre de la décision ministérielle précitée à travers un courrier datant du 20 février 2001 ayant été rencontré par une décision ministérielle confirmative du 14 mars 2001, Monsieur KUC a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 20 novembre 2000 et 14 mars 2001 par requête déposée le 17 avril 2001.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être originaire de la Serbie, pays qu’il aurait fui en raison de sa religion musulmane. A ce sujet, le demandeur a exposé lors de son audition que « je n’ai pas de libertés là-bas en tant que musulman » et « on ne peut dire à personne qu’on est musulman ». Il estime que sa vie serait menacée au cas où il affirmerait ouvertement sa confession religieuse, de sorte que la crainte pour sa vie serait à retenir comme un élément de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait à bon droit déclaré la demande de Monsieur KUC manifestement infondée.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du 2 demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement (…) ».

En vertu de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces cas d’ouverture ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, que la crainte invoquée ne soit pas manifestement dénuée de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte. L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

Le tribunal doit partant examiner sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou la crainte de manifestement dénuée de fondement.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. En effet, lors de son audition du 10 novembre 2000, Monsieur KUC, interrogé sur les raisons pour lesquelles il a quitté son pays, a affirmé que « je ne veux plus retourner. Je suis musulman et je vis en Serbie. Personnellement je n’avais cependant pas de problèmes ».

En outre, lors de ladite audition, il a déclaré ne pas être membre d’un parti politique, ne pas avoir subi personnellement des persécutions, ni avoir été accusé d’un crime ou délit, ni avoir été incarcéré. Interrogé sur les conséquences d’un retour dans son pays d’origine, il a affirmé que « je n’ai pas de libertés là-bas en tant que musulman. On ne peut dire à personne qu’on est musulman ». Il ressort encore des pièces du dossier que le père de Monsieur KUC n’a pas fui son pays étant donné « qu’il a son travail là-bas ».

Il se dégage de ces déclarations, que le demandeur reste en défaut d’établir ou même d’alléguer en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il ferait l’objet de persécutions, au sens de la Convention de Genève. En effet, sa seule appartenance à la communauté musulmane, sans apporter un élément ayant trait à sa situation personnelle, ne suffit pas pour établir qu’il tombe dans le champ d’application de la Convention de Genève.

La demande d’asile ne repose dès lors sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

3 Etant donné que le demandeur n’a pas fait état de persécutions ou de craintes de persécutions au sens de la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre a décidé que la demande d’asile politique devait être déclarée manifestement infondée.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 16 mai 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13294
Date de la décision : 16/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-16;13294 ?

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