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14/05/2001 | LUXEMBOURG | N°13271

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2001, 13271


Tribunal administratif N° 13271 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 avril 2001 Audience publique du 14 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … YMERAGA, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 13271 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2001 par Maître Esbelta de FREITAS, avocat à la Cour, assistée de Maître Geneviève FOLZER, avocat, les deux inscrits au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … YMERAGA, né le … à Djakovica/Koso...

Tribunal administratif N° 13271 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 avril 2001 Audience publique du 14 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … YMERAGA, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 13271 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2001 par Maître Esbelta de FREITAS, avocat à la Cour, assistée de Maître Geneviève FOLZER, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … YMERAGA, né le … à Djakovica/Kosovo, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 mars 2001 confirmant une décision initiale du 23 octobre 2000 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié politique introduite par le demandeur;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Mathieu ABBOUD, en remplacement de Maître Esbelta de FREITAS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … YMERAGA, préqualifié, introduisit en date du 23 août 1999 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg ainsi qu’en date du 17 juillet 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … YMERAGA, par lettre du 23 octobre 2000, notifiée en date du 17 janvier 2001, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « (…) Il résulte de vos déclarations qu’en date du 1er avril 1999 vous avez quitté votre domicile, en compagnie d’un ami et de sa famille, pour vous rendre en Albanie. Vous êtes resté presque quatre mois dans un camp de réfugiés à Roshbol. Trois semaines avant votre arrivée à Luxembourg, vous avez quitté le camp et vous avez rejoint un cousin albanais à Durres. Là vous avez fait la connaissance d’un passeur albanais qui, pour 1.000.- DM, vous a fait traverser la mer adriatique. Vous dites que vous n’avez pas été contrôlé lors de votre débarquement à Bari. Lors de la traversée, vous avez fait connaissance d’une personne qui, voulant rejoindre la Belgique, vous a proposé de vous emmener jusqu’au Luxembourg pour la somme de 1.000.- DM. Vous avez quitté Bari le vendredi matin 20 août 1999 et vous êtes arrivé au Luxembourg le samedi 21 août 1999 dans l’après-midi.

Vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié politique le lundi 23 août 1999.

Vous exposez qu’au moment où vous avez quitté le Kosovo, vous l’avez fait en raison de la guerre. Après la guerre, vous avez décidé, non pas de retourner dans votre pays d’origine, mais de rejoindre votre oncle qui habite au Luxembourg, dans le but de finir vos études.

Il résulte par ailleurs de vos déclarations, que vous n’êtes pas membre d’un parti politique et que vous n’avez pas d’opinions politiques. Vous dites que vous n’auriez pas de problèmes avec les autorités en cas de retour au Kosovo, mais que vous aurez des problèmes économiques. Vous affirmez par ailleurs que vous n’avez peur de personne. Vous ne faites pas état d’une persécution en raison de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos opinions politiques.

(…) Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Le recours gracieux formé par le mandataire de Monsieur YMERAGA à l'encontre de la décision ministérielle précitée à travers un courrier datant du 15 février 2001 ayant été rencontré par une décision ministérielle confirmative du 13 mars 2001, Monsieur YMERAGA a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l'annulation des décisions ministérielles prévisées des 23 octobre 2000 et 13 mars 2001 par requête déposée le 13 avril 2001.

Etant donné que l'article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile, 2. d'un régime de protection 2 temporaire, dispose expressément qu'en matière de demandes d'asile déclarées manifestement infondées au sens de l'article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions ministérielles critiquées formulée à travers la requête sous analyse.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre de la Justice a déclaré sa demande manifestement infondée. Il expose avoir quitté le Kosovo en raison de la guerre qui y sévissait et que même à l’heure actuelle, les situations politique et économique resteraient instables et que sa vie y serait menacée.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des critères tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces cas d’ouverture ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte.

L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

Le tribunal doit partant examiner, sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou la crainte manifestement dénuée de fondement.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Kosovo. - En effet, lors de son audition du 23 août 1999, 3 le demandeur a affirmé que « ich bin nach Luxemburg gekommen, um hier in die Schule gehen zu können. Ich will Asyl, habe aber persönlich keine Probleme im Kosovo ».

En outre, lors de son audition du 17 juillet 2000, il a déclaré ne pas avoir été membre d’un parti politique, ne pas avoir d’opinions politiques, qu’il n’a pas fait de service militaire, qu’il aurait quitté son pays en raison de la guerre qui y sévissait, que « je suis venu au Luxembourg chez mon oncle à cause de la situation économique ». Il a encore déclaré ne pas avoir personnellement subi de persécutions, ni avoir été accusé d’un crime ou délit, ni avoir été incarcéré. Interrogé sur les conséquences d’un retour dans son pays d’origine, il a affirmé « je ne vais pas avoir des problèmes avec les autorités. Mais je vais avoir des problèmes économiques ». Enfin, il a encore déclaré que son père serait disparu, mais que sa mère et ses deux frères habiteraient toujours au Kosovo et, plus particulièrement, qu’ils habiteraient, suite à la destruction de leur maison, chez son oncle.

Le tribunal constate que le demandeur base ses craintes de persécution sur l’état de guerre qui a existé et sur la situation générale existant dans son pays d’origine, à savoir le Kosovo sans apporter davantage de précisions quant aux persécutions qu’il risquerait personnellement de subir du fait de cette situation. Ainsi, il ne précise pas en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il ferait l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. Les autorités luxembourgeoises ont partant été mises dans l’impossibilité d’examiner, en plus de la situation générale régnant au Kosovo, sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur reste en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

La demande d’asile ne repose dès lors sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile de Monsieur YMERAGA comme étant manifestement infondée, de sorte que le recours formé par lui est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

4 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 14 mai 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13271
Date de la décision : 14/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-14;13271 ?

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