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14/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12623

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2001, 12623


Numéro 12623 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 14 mai 2001 Recours formé par les époux … et … MAVRIC-…, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12623 du rôle, déposée le 14 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MAVR...

Numéro 12623 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 14 mai 2001 Recours formé par les époux … et … MAVRIC-…, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12623 du rôle, déposée le 14 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MAVRIC, ouvrier, né le … à Tutin (Serbie), et de son épouse, Madame … …, ouvrière, née le … à Novi Pazar (Serbie), tous les deux de nationalité yougoslave, agissant en leur nom personnel et en nom et pour compte de leur fils mineur …, né le … à Novi Pazar, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er septembre 2000 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu la lettre du 17 janvier 2001 de Maître Jean-Goerges GREMLING déposée le 18 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif, par laquelle il informe le tribunal de ce que son mandant a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique CLEMENT et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2001.

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Le 29 août 2000, Monsieur … MAVRIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, introduisirent, tant en leur nom propre qu’en leur qualité de représentants légaux de leur enfant mineur…, préqualifié, auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, les époux MAVRIC-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux MAVRIC-… furent entendus séparément en date du 30 août 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux MAVRIC-…, par lettre du 1er septembre 2000, notifiée en date du 14 novembre 2000, de ce que leur demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre pays à cause de la situation politique et économique instable là-bas. Vous ne voulez pas rentrer pour cette même raison. En outre, vous affirmez avoir peur des élections qui auront lieu en septembre 2000 et d'une éventuelle nouvelle guerre suite à ces élections.

Vous déclarez tous les deux que vous n'avez pas personnellement subi de persécutions.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d'asile qui doivent établir concrètement que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Vous ne faites pas valoir de raisons personnelles de nature à justifier, dans votre chef, une telle crainte.

Par conséquent vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2. d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (..) ».

2 A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet de leur demande d’asile, les époux MAVRIC-… ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 14 décembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent être originaires de Serbie et d’avoir quitté ce pays à cause de la situation politique et économique instable et à cause des tensions entre le Monténégro et la Serbie. Quant à la situation générale actuelle dans leur pays d’origine, ils exposent qu’elle ne serait toujours pas stabilisée en ce que le pouvoir de Monsieur KOSTUNICA serait encore incertain et en ce que Monsieur MILOSEVIC aurait « refait surface à la veille du congrès extraordinaire de son Parti socialiste le 25 novembre 2000 » et qu’il semblerait « vouloir trouver une formule pour sa survie politique », de sorte qu’un retour forcé les exposerait à un danger de mort. Quant à leur situation personnelle, les demandeurs se prévalent de leur crainte de persécutions en raison de leur religion musulmane.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux MAVRIC-… lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure 3 contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève.

En effet, l’ensemble des moyens développés par les demandeurs et sur leur crainte de persécutions en raison de leur appartenance à la communauté religieuse musulmane ainsi sur leurs craintes résultant de la situation politique générale, constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que les demandeurs n’aient établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que leur vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine. Lors de leurs auditions respectives, les demandeurs ont confirmé ne pas avoir personnellement subi de persécutions et ne pas avoir été accusés ou incarcérés sans jugement, mais ont déclaré fonder leur peur sur les tensions entre le Monténégro et la Serbie et le risque de guerre civile.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2001 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12623
Date de la décision : 14/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-14;12623 ?

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