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10/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12854C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2001, 12854C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12854C du rôle Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 10 mai 2001 Recours formé par les époux … et … IBROVIC-… contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris n° du rôle 12237 du 20 décembre 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 février 2001 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, au nom de … IBROVIC et son

épouse … …, demeurant ensemble à L-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de r...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12854C du rôle Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 10 mai 2001 Recours formé par les époux … et … IBROVIC-… contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris n° du rôle 12237 du 20 décembre 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 5 février 2001 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, au nom de … IBROVIC et son épouse … …, demeurant ensemble à L-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs … contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 20 décembre 2000, à la requête des demandeurs préqualifiés contre le ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 19 février 2001 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Louis TINTI ainsi que le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs observations orales.

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Par requête, inscrite sous le numéro 12237 du rôle, déposée le 14 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, … IBROVIC, né le … à …(Kosovo), de nationalité yougoslave, et son épouse … …, née le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs…, ont demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 7 juin 2000, leur notifiée le 17 juillet 2000, portant rejet de leur demande en octroi du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement en date du 20 décembre 2000, a reçu le recours en réformation en la forme et l’a déclaré non justifié au fond.

Maître Louis TINTI a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 5 février 2001 en reprenant en substance l’argumentation développée devant les premiers juges.

Il reproche notamment aux premiers juges d’avoir refusé à tort aux appelants la qualité de réfugiés au sens de l'article ler, section A,2 de la Convention de Genève.

D’après les appelants, il suffirait de démontrer leur appartenance à un groupe ethnique susceptible de faire l'objet de persécutions, sans pour autant que ces persécutions puissent être utilement réfrénées par les autorités en place et il ne devrait pas être nécessaire de démontrer qu'ils aient recherché la protection de ces mêmes autorités.

Par ailleurs, le risque de persécutions de la part des Albanais dans le chef de IBROVIC … serait d’autant plus évident alors qu’il aurait exercé la profession de musicien au sein d'un groupe souvent conduit à jouer des chansons tchetniks lors de prestations retransmises à la radio ou à la télévision.

Le délégué du gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 19 février 2001 dans lequel il se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de l’acte d’appel en demandant pour le surplus la confirmation du premier jugement.

L’acte d’appel est à déclarer recevable pour avoir été interjeté dans les délais et forme de la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le juge administratif est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par la Cour ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais elle apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur et il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique.

2 Les premiers juges sont parvenus à la conclusion que le risque de persécutions de la part de la majorité albanaise du Kosovo, dont se prévalent les demandeurs, revient en substance à faire valoir des persécutions de la part d’un groupe de la population à leur encontre et d’un défaut de protection de la part des autorités de leur pays d’origine face à ces actes de persécution.

C’est à juste titre qu’ils ont décidé que si une persécution n’émane pas de l’Etat mais de groupes de la population, celle-ci ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

Le tribunal administratif a souligné à juste titre que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers.

En l’espèce, les appelants font état de leur crainte de voir la majorité ethnique des Albanais commettre des actes de violence à leur encontre, mais restent en défaut d’établir concrètement l’existence de persécutions systématiques à l’encontre de la minorité ethnique dont ils font partie et l’incapacité caractérisée des forces onusiennes et de l’administration civile actuellement en place de leur assurer une protection adéquate en cas de retour.

S’il est exact que … IBROVIC a dès le début de la procédure fait valoir que son activité musicale, consistant notamment à chanter des chansons tchetniks (chansons pro-serbes), était susceptible d’accroître le risque de persécution, l’affirmation que cette activité ait été retransmise à la radio et à la télévision et qu’il ait été vu et entendu très largement par un grand nombre d'Albanais, apparue pour la première fois en instance d’appel, n’est pas de nature à emporter l’intime conviction de la Cour.

Le premier jugement est partant à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement;

déclare la requête d’appel de … IBROVIC et de son épouse … … recevable mais non fondéé;

3 partant confirme le jugement du 20 décembre 2000.

condamne les appelants aux frais d’instance.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12854C
Date de la décision : 10/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-10;12854c ?

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