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09/05/2001 | LUXEMBOURG | N°13273

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 mai 2001, 13273


Tribunal administratif N° 13273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 avril 2001 Audience publique du 9 mai 2001

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Recours formé par Madame … COROVIC, et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13273 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2001 par Maître Louis TINTI, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … COROVIC, née l...

Tribunal administratif N° 13273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 avril 2001 Audience publique du 9 mai 2001

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Recours formé par Madame … COROVIC, et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13273 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2001 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … COROVIC, née le … à Novi Pazar (Serbie/Yougoslavie), agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de son fils … …, né le … à Novi Pazar (Serbie/Yougoslavie), tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 janvier 2001, notifiée en date du 22 janvier 2001, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié politique manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 mars 2001, notifiée le 13 mars 2001, intervenue sur recours gracieux du 22 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2001.

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Le 20 novembre 2000, Madame … COROVIC, préqualifée, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de son enfant mineur … …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Madame COROVIC fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Madame COROVIC fut entendue en date du 30 novembre 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par courrier datant du 8 janvier 2001, lui notifié en date du 22 janvier 2001, le ministre de la Justice informa Madame COROVIC de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs suivants: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous êtes arrivée au Luxembourg le 20 novembre 2000 vers 9.30 heures.

Vous exposez que vous demandez de la protection parce qu’il n’y aurait pas de loi en Yougoslavie. Vous indiquez avoir porté plainte contre votre ex-époux, mais la police n’aurait rien fait.

Vous précisez les divers problèmes que vous avez eus avec votre ex-époux. Il serait l’unique raison pour laquelle vous avez quitté votre pays d’origine.

Force est de constater que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Vous ne faites état que de problèmes familiaux ne rentrant pas dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux que Madame COROVIC a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 22 février 2001 à l’encontre de la décision ministérielle précitée s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre datant du 8 mars 2001, elle a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 8 janvier et 8 mars 2001 par requête déposée en date du 13 avril 2001.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose être originaire du « Sandzak » en Serbie, de nationalité yougoslave et de religion musulmane et avoir fui son pays d’origine au courant du mois de novembre 2000 en raison du fait qu’elle aurait eu de graves problèmes relationnels avec son ex-époux et que les autorités judiciaires yougoslaves, respectivement serbes, n’auraient pas été en mesure d’apporter une solution satisfaisante à ces problèmes. Elle fait valoir que lesdits problèmes auraient été suffisamment graves pour que sa vie s’en serait trouvée menacée au point qu’elle n’aurait eu d’autre solution que de quitter son pays, étant donné que la plainte par elle déposée 2 pour mettre un terme aux agissements de son ex-époux serait restée sans effet, ceci en raison de la situation de confusion qui régnerait actuellement en Yougoslavie et plus particulièrement en Serbie. Elle relève que cette absence de protection à son égard serait encore aggravée par le fait qu’elle est d’origine musulmane et que ce lien avec sa religion serait partant de nature à faire rentrer les menaces pesant sur elle dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la demanderesse n’aurait, à aucun moment, invoqué une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, mais se serait limitée à faire état de sa crainte se dégageant de ses relations avec son ex-époux, pour soutenir qu’il serait évident que sa demande d’asile ne rentrerait nullement dans le cadre de la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement, si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir la Serbie.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, la demanderesse, interrogée sur les motifs de sa demande d’asile au Luxembourg, a répondu qu’« elle cherchait à être protégée pendant un certain temps parce qu’il n’y a pas de loi chez nous. J’avais porté plainte contre mon ex-mari, mais ils n’ont rien fait. J’ai considéré que ma vie était en danger et j’ai donc quitté le pays pour être en sécurité », de même qu’elle a indiqué qu’elle veut rester au Luxembourg « jusqu’à ce qu’il y ait des lois (chez elle) », tout en affirmant que « c’est le désordre qui règne actuellement là-bas. En plus, mon mari à des cousins dans la police ». Interrogée plus particulièrement sur l’existence de persécutions personnellement subies, elle a indiqué que « l’unique raison que j’avais pour quitter le pays est mon ex-mari ».

S’il est certes vrai que la demanderesse a précisé à travers son recours gracieux, ainsi qu’en cours de procédure contentieuse que la crainte par elle éprouvée par rapport aux menaces de son ex-mari serait accrue du fait de sa confession musulmane en ce sens que les musulmans de Serbie auraient beaucoup plus de mal à voir leurs droits élémentaires défendus et consacrés que tel serait le cas s’agissant d’orthodoxes, force est cependant de constater qu’à sa base la crainte invoquée par la demanderesse à l’appui du 3 recours est essentiellement d’ordre privé en ce qu’elle se dégage directement de sa relation avec son ex-mari, de même que l’absence alléguée de protection adéquate afférente s’analyse en substance en une considération tenant à la situation générale dans son pays d’origine, de sorte que c’est à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour ne pas tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 mai 2001 par:

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13273
Date de la décision : 09/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-09;13273 ?

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