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03/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12620

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2001, 12620


Tribunal administratif N° 12 620 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … RAMDEDOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12620 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2000 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, assi

sté de Maître Mourad SEBKI, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats...

Tribunal administratif N° 12 620 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … RAMDEDOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12620 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2000 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Mourad SEBKI, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … , à Bar (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mai 2000, notifiée le 24 juillet 2000, confirmée sur recours gracieux le 16 novembre 2000 et refusant de faire droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Mourad SEBKI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 20 mai 1999, Monsieur … RAMDEDOVIC, né le … , à Bar, Monténégro, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , a introduit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Le 20 octobre 1999, Monsieur RAMDEDOVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 31 mai 2000, notifiée le 24 juillet 2000, le ministre de la Justice informa le requérant de ce que sa demande avait été rejetée.

Cette décision est motivée comme suit : “ . . . Il résulte de vos déclarations que vous avez déjà séjourné au Grand-Duché de Luxembourg durant plusieurs mois en 1997, après 1 avoir été débouté de votre demande en obtention du statut de réfugié en Belgique. Vous dites être rentré à Bar / Monténégro en août 1997, faute d’avoir obtenu un permis de travail au Luxembourg.

En mars 1999, au lendemain d’un appel pour la réserve à l’armée fédérale yougoslave, vous indiquez avoir quitté Bar / Monténégro pour Sarajevo via Podgorica.

D’ici vous affirmez être reparti le 2 avril 1999 en direction du Luxembourg. Après avoir transité par la Croatie, la Slovénie, l’Autriche et l’Allemagne, vous êtes arrivé à Luxembourg le 6 avril 1999, où vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le 19 avril 1999.

Il ressort par ailleurs de vos déclarations que vous avez quitté votre pays à cause de l’appel pour la réserve. Vous prétendez également qu’il ne vous est pas possible de vivre en liberté au Monténégro et d’y réaliser vos projets d’avenir. Vous dites être victime de la guerre, alors que vous vous qualifiez vous-même de pacifiste.

Concernant vos activités politiques, vous affirmez avoir exercé la fonction de secrétaire de la section du parti politique libéral « LSCG » dans votre village, ceci avant votre départ en Belgique en 1995. Aujourd’hui, vous n’êtes plus que simple membre. Vous avez adhéré à ce parti parce qu’il se bat pour l’indépendance pacifique du Monténégro. Vous indiquez avoir été convoqué au poste de police pour répondre à des questions sur votre parti, mais vous soulignez que vous n’avez pas été maltraité.

Finalement vous exprimez une certaine peur de rentrer dans votre pays d’origine parce que vous craignez qu’une guerre éclate au Monténégro. Vous prétendez également avoir peur de la prison, cette peur étant par ailleurs liée à vos opinions politiques et à votre confession musulmane.

En ce qui concerne votre refus de l’appel en réserve, la seule crainte des peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Quant aux interrogatoires de la police portant sur vos activités politiques, si les activités dans un parti d’opposition poursuivant l’indépendance du Monténégro peuvent, le cas échéant, justifier des craintes légitimes de persécution, il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de mauvais traitements subis en raison de celles-ci. En effet, les simples interrogatoires de la police, à les supposer établis, ne sont pas d’une gravité telle qu’ils justifient une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Au sujet de la crainte invoquée en relation avec la situation générale des musulmans au Monténégro, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir concrètement, que sa situation est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Vous n’avez pas fait valoir de raisons personnelles crédibles de nature à justifier dans votre chef, la crainte d’être persécuté pour une des raisons énoncées par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève.

2 Par conséquent, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Par requête déposée le 14 décembre 2000, … RAMDEDOVIC a introduit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 31 mai 1999 notifiée le 24 juillet 1999 et confirmée sur recours gracieux le 16 novembre 1999.

Ce tribunal étant compétent, en vertu des dispositions de l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique serait justifiée en ce qu’il remplirait les conditions prévues par la Convention de Genève.

Il expose à cet effet qu’il aurait quitté son pays « à cause de l’appel pour la réserve » étant donné qu’il aurait déjà été convoqué pour la réserve au moment de la guerre en Croatie et qu’il aurait suivi cet appel. Il aurait cependant été amené à réaliser qu’il ne se battait pas pour la Yougoslavie, mais pour des intérêts particuliers.

Suite à cette expérience, il se serait déclaré pacifiste et refuserait actuellement de participer à une quelconque intervention militaire.

Il relève dans ce même ordre d’idées que les peines encourues du fait de désertion s’échelonneraient de 5 mois à 5 ans d’emprisonnement et qu’elles seraient appliquées de façon discriminatoire notamment en ce qui concerne les objecteurs de conscience dont il ferait partie.

Le requérant soutient encore que son appartenance au parti politique libéral LSCG militant pour l’indépendance pacifique du Monténégro, serait susceptible de mettre en danger son existence.

Il exprime finalement une peur plus générale liée à la situation précaire des musulmans au Sandzak.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation de Monsieur RAMDEDOVIC et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut 3 ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen à faire par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il doit apprécier également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par … RAMDEDOVIC lors de son audition du 20 octobre 1999, telle que celle-ci est relatée dans le rapport figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le principal argument avancé par Nezdad RAMDEDOVIC est le fait d’avoir fui son pays au moment de recevoir sa convocation pour la réserve de sorte qu’il craint, en cas de retour, d’être poursuivi et condamné du chef de désertion.

Or, l’insoumission n’est pas, en elle même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A de la Convention de Genève.

Il ne ressort par ailleurs pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Nezdad RAMDEDOVIC risquait ou risque devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour l’une des causes visées par la Convention de Genève.

S’il est vrai que le requérant verse différents documents de nature a décrire la situation générale des musulmans au Sandzak ainsi que celle des réfractaires et déserteurs rapatriés dans leur pays d’origine, il n’en reste pas moins qu’il ne produit aucun élément établissant que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Le demandeur fait encore état de son appartenance au parti politique libéral « LSCG » militant pour l’indépendance du Monténégro pour étayer sa crainte d’être persécuté en cas de retour au Monténégro.

4 Or, si les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, la simple qualité de membre d’un tel parti ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié. (trib. adm.

20 mai 1999, n° 10924 du rôle, ADEMI) Le demandeur avance qu’avant son premier départ du pays en 1995, il aurait été interrogé à deux reprises par la police au sujet de ses activités politiques, mais précise toutefois qu’il n’a pas subi de mauvais traitements. Il n’établit donc actuellement ni de persécution, ni une crainte justifiée de persécution aux termes de la Convention de Genève.

Si … RAMDEDOVIC exprime finalement une peur vague de la situation actuelle des musulmans au Sandzak, il faut remarquer qu’un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève ni d’ailleurs de simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable. (trib. adm. 29 avril 1999, n° 11220 du rôle, TAIRI confirmé par arrêt du 6 juillet 1999, n° 11313C du rôle) Il faut d’ailleurs attirer l’attention sur la nouvelle situation politique qui règne en République Fédérale de Yougoslavie en ce qu’un nouveau président a été élu, un nouveau gouvernement a été formé et que le pays fait de nouveau parti d’organisations internationales comme l’ONU.

Il découle de ce qui précède que les arguments et déclarations produits par le requérant constituent l’expression d’une peur générale, sans qu’il ne fasse état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Le recours laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2001 par :

M. Ravarani, président Mme Harles, juge-suppléant Mme Didlinger, juge-suppléant en présence de M. Legille, greffier.

5 s. Legille s. Ravarani 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12620
Date de la décision : 03/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-03;12620 ?

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