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03/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12437

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2001, 12437


Tribunal administratif N° 12437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2000 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par les époux … PEPELJAK et … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12437 et déposée en date du 25 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc SUNNEN, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PEPELJAK, né le … à Podgor...

Tribunal administratif N° 12437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2000 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par les époux … PEPELJAK et … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12437 et déposée en date du 25 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc SUNNEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PEPELJAK, né le … à Podgorica (Monténégro), de nationalité yougoslave et de son épouse … PEPELJAK-…, née le … à Podgorica ( Monténégro), demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant à la réformation de la décision du ministre de la Justice du 21 juin 2000, leur notifiée le 16 août 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et contre une décision du 29 septembre 2000 intervenue sur recours gracieux introduit le 15 septembre 2000, notifiée au mandataire des requérants le 4 octobre 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER et Maître Frédérique LERCH, en remplacement de Maître Marc SUNNEN, en leurs plaidoiries à l’audience publique du 29 mars 2001;

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En date du 18 juin 1999, Monsieur … PEPELJAK, né le … à Podgorica (Monténégro), de nationalité yougoslave et son épouse … PEPELJAK-…, née le … à Podgorica (Monténégro), demeurant actuellement ensemble à L-3460 …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».Les requérants furent entendus en date du 18 juin 1999 par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur leur identité.

Le 21 juillet 1999, Monsieur … PEPELJAK et son épouse … PEPELJAK-… furent entendus par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 21 juin 2000, notifiée le 16 août 2000, le ministre de la Justice informa les requérants de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations qu’en date du 16 juin 1999 vous avez quitté Sarajevo à l’aide d’un passeur. Vous déclarez avoir traversé Kladuca, la Croatie, la Slovénie, l’Italie et la France avant d’être arrivés au Luxembourg en date du 17 juin 1999.

Vous, Monsieur, vous relevez avoir accompli votre service militaire en 1997/1998 à Nis/Serbie, mais ne pas avoir été appelé à la réserve après.

Tout en affirmant avoir eu les moyens pour vivre aisément dans votre pays, vous exposez avoir fui votre domicile du fait de l’insécurité y régnant. Vous précisez à cet effet qu’il y a eu des bombardements et que les nombreux réservistes stationnés dans votre région vous ont fait peur. Ainsi ils buvaient beaucoup et ont tiré en l’air. Vous faites état d’une peur générale à l’égard de la guerre et de la situation actuelle régnant dans votre pays en précisant que vous craignez l’éclatement d’une guerre en Serbie et au Monténégro. Selon vos dires votre peur serait liée à votre confession musulmane.

De votre côté, Madame, vous confirmez les déclarations de votre mari, sans pour autant faire état de persécutions propres.

Quant aux motifs invoqués à l’appui de vos demandes, il y a lieu de relever que le fait d’avoir invoqué l’insécurité générale régnant dans votre pays ainsi qu’une peur à l’égard de la guerre et des réservistes, n’est pas de nature à justifier une persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, la reconnaissnce de statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’aisle qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution pour un des motifs énumérés par la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par courrier de leur mandataire du 15 septembre 2000, Monsieur … PEPELJAK et son épouse … PEPELJAK-… ont fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 29 septembre 2000, ils ont fait introduire, par requête déposée en date du 25 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif, un recours en réformation contre la décision du ministre de la Justice du 21 juin 2000, notifiée le 16 août 2000, et contre la décision du 29 septembre 2000 rejetant le recours gracieux formé le 15 septembre 2000 contre la décision du 21 juin 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Les requérants soulèvent à titre principal l’illégalité de la décision confirmative du 29 septembre 2000 au motif qu’elle ne serait pas motivée.

Or il est admis qu’en cas de décision prise sur recours gracieux, la motivation de la deuxième décision peut consister dans le renvoi à la décision antérieure dûment motivée, si celle-ci précise les éléments de fait constitutifs de la notion juridique applicable, ces derniers devant être spécifiques à la cause en question et ne pas se limiter à des considérations d’ordre général ( trib. adm. 8 juillet 1997, numéros 9685 et 9700 du rôle).

En l’espèce la décision rendue sur recours gracieux indique qu’« à défaut d’éléments pertinents nouveaux, je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande et je ne peux que confirmer ma décision du 21 juin 2000 … dans son intégralité ». Par ces derniers mots, le ministre renvoie implicitement mais nécessairement aux motifs contenus dans sa décision du 21 juin 1999. Ces motifs ont été indiqués de façon claire et précise dans ladite décision et procédent d’une analyse détaillée de la situation personnelle des requérants et des arguments développés par eux dans leur demande du 18 juin 1999. La décision du 29 septembre 1999 répond partant aux prescriptions de la jurisprudence précitée et le moyen de son irrégularité soulevé par les requérants ne saurait valoir.

A l’appui de leur recours contre la décision du 21 juin 2000, les requérants ont fait exposer être originaires du Monténégro et être de confession musulmane. Monsieur PEPELJAK aurait effectué son service militaire au sein de l’armée fédérale yougoslave en 1997/1998. Il n’aurait pas été convoqué pour la réserve, mais les requérants affirment avoir fui leur pays en raison de la grande insécurité y régnant. Ils auraient habité à côté d’une caserne de l’armée fédérale et les réservistes auraient fait régner une atmosphère de perpétuelle menace autour de cette caserne. Monsieur PEPELJAK dit souffrir actuellement de schizophrénie en raison du sentiment de peur perpétuelle qu’il aurait ressentie.

Le délégué du gouvernement a répondu aux affirmations du requérant en faisant valoir qu’un sentiment général d’insécurité ne constituerait pas une persécution au sens de la Convention de Genève. Le délégué a encore insisté sur la situation politique nouvelle régnant en République Fédérale Yougoslave pour conclure au rejet de la demande des requérants.

Aux termes de l’article 1er section A 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas seulement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laisse supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais le tribunal apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur … PEPELJAK et son épouse Madame … PEPELJAK-… lors de leur audition du 21 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le rapport figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans leur chef d’une crainte actuelle justifiée de persécution en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er section A, 2. de la Convention de Genève.

L’examen des arguments et déclarations avancées par les demandeurs amène le tribunal à conclure que, dans leur ensemble et en substance, ils constituent l’expression d’un sentiment général de peur, sans que les demandeurs fassent état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles qu’il y aurait raisonnablement lieu d’admettre que leurs conditions de vie seraient intolérables dans son pays d’origine. Le fait que Monsieur PEPELJAK souffrirait actuellement de schizophrénie en raison de la peur perpétuelle dans laquelle il aurait vécue n’est pas dû à des persécutions personnelles et délibérées dirigées contre lui, mais résulte d’une situation d’insécurité générale régnant à l’époque de sa fuite. Cet état de choses n’est pas de nature à établir l’existence dans son chef de conditions telles qu’il pourrait valablement revendiquer le statut de réfugié politique au sens de la convention de Genève.

Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, le dit non fondé et en déboute, condamne les requérants aux frais de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2001 par :

M. Ravarani, président Mme Harles, juge suppléant Mme Didlinger, juge suppléant en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12437
Date de la décision : 03/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-03;12437 ?

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