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03/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12394

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2001, 12394


Tribunal administratif N° 12394 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 octobre 2000 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … MUHOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12394 et déposée en date du 12 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, assisté de

Maître Linda FUNCK, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif N° 12394 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 octobre 2000 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par Monsieur … MUHOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12394 et déposée en date du 12 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, assisté de Maître Linda FUNCK, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MUHOVIC, né le … à Rozaje, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 4 août 2000, lui notifiée le 12 septembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique. Le recours tend à titre subsidiaire à voir constater que le requérant aurait dû se voir accorder le droit de rester provisoirement sur le territoire du Grand-Duché.

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 12 janvier 2001 par Maître Marc ELVINGER, assisté de Maître Linda FUNCK, au greffe du tribunal administratif;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER et Maître Linda FUNCK en leurs plaidoiries à l’audience publique du 29 mars 2001;

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En date du 12 octobre 1998, Monsieur … MUHOVIC, né le … à Rozaje, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».Monsieur MUHOVIC fut entendu en date du 12 octobre 1998 par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 17 août 1999, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 4 août 2000, notifiée le 12 septembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur MUHOVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez accompli votre service militaire de juin 1997 à juin 1998 au Kosovo. Vous avez reçu ensuite un appel à la réserve pour début octobre 1998, auquel vous n’avez cependant pas répondu, de peur d’être envoyé de nouveau au Kosovo.

Vous ne voulez pas rentrer, parce que vous avez peur d’être jugé et puni pour désertion.

Vous indiquez que votre religion ne vous a pas posé de problèmes.

Le conflit armé étant terminé au Kosovo, la raison pour laquelle vous avez quitté votre pays n’existe plus à l’heure actuelle.

Par ailleurs, la seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par requête déposée en date du 12 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif, Monsieur MUHOVIC a fait introduire un recours en réformation, subsidiairement en annulation contre la décision du ministre de la Justice du 4 août 2000, notifiée le 12 septembre 2000. Le recours tend à titre plus subsidiaire à voir constater que le requérant aurait dû se voir accorder le droit de rester provisoirement sur le territoire du Grand-Duché.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent à connaître du recours en réformation introduit. Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours, le requérant fait exposer être originaire du Monténégro et être de confession musulmane. Il aurait effectué son service militaire au sein de l’armée fédérale yougoslave au Kosovo. Quelques mois plus tard, il aurait été appelé à la réserve. Du fait qu’il ne voulait plus retourner à la guerre, il aurait déserté et aurait fui son pays. Le requérant fait valoir ne pas pouvoir rentrer au pays au vue du risque qu’il courrait d’être poursuivi en tant que déserteur. A son retour au pays il risquerait de se faire condamner à une peine de prison disproportionnée par rapport au délit de désertion commis.

Le délégué du gouvernement a répondu aux affirmations du requérant en faisant valoir que l’insoumission ne constituerait pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié. Le délégué a encore insisté sur la situation politique nouvelle régnant en République Fédérale Yougoslave pour conclure au rejet de la demande du requérant.

Dans son mémoire en réplique, le requérant a insisté que les faits à la base de sa demande seraient établis à suffisance de droit, de sorte que les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié politique seraient remplies.

Aux termes de l’article 1er section A 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas seulement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laisse supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais le tribunal apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur MUHOVIC lors de son audition du 17 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le rapport figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans son chef d’une crainte actuelle justifiée de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou des ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant notamment le motif de la désertion invoqué par le requérant, force est de constater que la désertion, à l’instar de l’insoumission ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou des ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er section A, 2. de la Convention de Genève.

Le requérant reste en défaut d’établir qu’une condamnation pour insoumission, respectivement pour désertion le cas échéant encourue, serait d’une sévérité dépassant la normale et qu’elle serait effectivement exécutée à son encontre.

L’examen des arguments et déclarations avancées par le demandeur amène le tribunal à conclure que, dans leur ensemble et en substance, ils constituent l’expression d’un sentiment général de peur, sans que le demandeur fasse état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles qu’il y aurait raisonnablement lieu d’admettre que ses conditions de vie seraient intolérables dans son pays d’origine.

Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter pour être non fondé.

La loi prévoyant un recours en réformation dans la matière qui est en cause, le recours en annulation formulée à titre subsidiaire doit être déclaré irrecevable ( cf notamment Tribunal administratif 22 décembre 1999, 11455, Barthel).

Quant à la demande du requérant formulée à titre tout à fait subsidiaire à bénéficier du régime de protection temporaire prévu à l’article 13, alinéa 3 de la loi du 3 avril 1996, il se dégage de l’économie de ce texte que le statut de tolérance y prévu ne peut être accordé qu’après le rejet d’une demande d’asile. Il s’en déduit qu’on ne saurait admettre que dans une même procédure, le droit d’asile et le bénéfice du statut de tolérance puissent être demandés.

Le statut de tolérance ne saurait être accordé par le ministre qu’une fois le statut de réfugié refusé. Cette demande du requérant doit partant être déclarée irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, le dit non fondé et en déboute, déclare irrecevables la demande en annulation ainsi que la demande du bénéfice du statut de tolérance, condamne le requérant aux frais de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2001 par :

M. Ravarani, président Mme Harles, juge suppléant Mme Didlinger, juge suppléant en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12394
Date de la décision : 03/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-03;12394 ?

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