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03/05/2001 | LUXEMBOURG | N°11411

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2001, 11411


Tribunal administratif N° 11411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par la société à responsabilité limitée LOGINTER sàrl, Mersch contre 1) une décision du ministre de l’Intérieur 2) une délibération du conseil communal de Mersch 3) un arrêté du ministre de l’Environnement en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11411C du rôle et déposée au greffe de la Cou

r administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de ...

Tribunal administratif N° 11411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 3 mai 2001

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Recours formé par la société à responsabilité limitée LOGINTER sàrl, Mersch contre 1) une décision du ministre de l’Intérieur 2) une délibération du conseil communal de Mersch 3) un arrêté du ministre de l’Environnement en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11411C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée LOGINTER s.à r.l., établie et ayant son siège social à L- … , représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1) de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, et refusant de faire droit à sa réclamation présentée et portant sur un terrain sis à Rollingen, au lieu-dit « in den Bohnenstücker », inscrit au cadastre de la commune de Mersch, section E de Rollingen, et y référencé sous les numéro 373/1773 et 375, 2) de ladite délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997, ainsi que 3) d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, approuvant la délibération du conseil communal de Mersch portant approbation définitive du plan d’aménagement général de la commune de Mersch ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 23 juillet 1999, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mersch;

Vu l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives opérant la transmission au tribunal administratif sans autre forme de procédure du recours inscrit sous le numéro 11411C du rôle, y inscrit dorénavant sous le numéro 11411 du rôle ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 précitée, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 30 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mersch ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse au mandataire de la partie demanderesse par voie de télécopie en date du 28 décembre 1999 ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif du 26 janvier 2000 accordant une prorogation du délai légal jusqu’au 29 février 2000 pour déposer le mémoire en réponse pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2000 par Maître André HARPES au nom de la société LOGINTER sàrl ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique au mandataire de l’administration communale de Mersch par voie de télécopie en date du 17 mars 2000 ;

Vu le résultat de la visite des lieux effectuée en date du 13 mars 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Eric HUTTERT, en remplacement de Maître André HARPES, et Marianne MEYERS, en remplacement de Maître Georges PIERRET, de même que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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La société à responsabilité limitée LOGINTER s.à.r.l, préqualifiée, dénommée ci-

après « la société LOGINTER », est propriétaire d’un terrain sis à Rollingen, au lieu-dit « in den Bohnenstücker », inscrit au cadastre de la commune de Mersch, section E de Rollingen, et y référencé sous les numéro 373/1773 et 375. Lors de l’adoption provisoire du nouveau plan d’aménagement général de la commune de Mersch, parties écrite et graphique, en date du 28 juillet 1995, le conseil communal décida d’exclure cette parcelle, initialement classée en secteur d’habitation à faible densité, du périmètre d’agglomération.

Par lettre du 14 septembre 1995, le mandataire de la société LOGINTER soumit une réclamation au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mersch dans laquelle il exposa que « la société LOGINTER est le propriétaire d’un terrain sis aux lieux dits « in den Bohnenstücker » et portant le numéro cadastral 373/1773 et 375. Ce terrain, selon le PAG en vigueur est classé en zone « secteur d’habitation à densité faible ». Le terrain a donc été parfaitement constructible et cette qualité précise a mené ma cliente à acheter ce terrain. Ma cliente a donc un projet précis (lotissement) à réaliser sur sa propriété et des investissements subséquents ont été engagés. Selon le PAG projeté, le terrain serait reclassé en « zone hors 2 périmètre ». Cette réduction du périmètre de construire comportera pour ma cliente le sacrifice total de son terrain comme place à bâtir. Sur ce point, ma cliente formule des contestations les plus vives quant à l’existence de justes causes quant à la nécessité de la réduction du périmètre de construction sur les lieux, alors que du côté opposé de la route se trouvent des immeubles à habitation qui sont plus éloignés du centre de la ville que le seraient les immeubles à construire sur la propriété de ma cliente. Partant ma cliente doit insister à voir conserver la classification de son terrain en zone « d’habitation de densité faible ». Cette conservation de la classification du terrain se justifie par l’absence de justes causes à l’origine de la reclassification projetée et s’impose en respect du principe des droits acquis dont ma cliente peut légitimement se prévaloir. Afin d’éviter l’atteinte grave et inéquitable aux droits acquis et la diminution conséquente de la valeur du patrimoine de ma cliente, je vous prie de bien vouloir reprendre la classification du terrain selon le PAG en vigueur pour en faire une partie intégrante du projet du plan d’aménagement entrepris ».

Par délibération du 29 janvier 1997, le conseil communal adopta définitivement le projet d’aménagement général et le collège échevinal, par courrier du 2 juin 1997, informa le mandataire de la société LOGINTER de ce qu’il a été décidé « de reclasser les terrains N°373/1773 et 375 de la section Rollingen sur une profondeur de +- 20 m en zone d’aménagement différé, suivant plan en annexe ».

A la suite de cette décision, le mandataire de la société LOGINTER s’adressa en date du 10 juin 1997 au ministre de l’Intérieur en faisant valoir que « (…) Initialement projeté « zone hors périmètre », ce terrain anciennement classé « secteur d’habitation à densité faible » a retrouvé, suite à la réclamation une reclassification en zone d’aménagement différé sur une profondeur de +- 20 mètres. Il est cependant un fait que ce terrain restera classifié « zone hors périmètre » pour presque 90% de sa surface. (…) La présente réclamation comporte la demande à ce que la classification actuelle du terrain en « zone d’habitation de densité faible » soit maintenue. Cette révision du projet éviterait toute atteinte au patrimoine de ma cliente pour permettre le meilleur degré d’utilisation de ce terrain et respecterait la prémisse de tout urbanisme qui doit éviter un éclatement des agglomérations pour utiliser au mieux les terrains disponibles rapprochés au centre de la ville tout en respectant un degré de densité décroissant depuis le centre de ville ».

La commission d’aménagement près du ministère de l’Intérieur instituée en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, lors de ses séances des 20 et 25 mars et 5 août 1998, émit un avis négatif concernant la réclamation de la société LOGINTER.

Par décision du 2 avril 1999, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, et il déclara recevables en la forme mais quant au fond non motivées à suffisance de droit les réclamations y énumérées, dont celle introduite pour compte de la société LOGINTER.

Le rejet de cette réclamation est motivée comme suit par la décision ministérielle en question : « qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la réclamation présentée portant sur les parcelles cadastrales nos 373/1773 et 375 sises à Rollingen, aux lieux dits « In den Bohnenstücker », alors que le reclassement en zone verte, respectivement en zone d’aménagement différé, est justifié vu qu’une urbanisation intégrale des fonds en question créerait un préjudice grave à la beauté du paysage et contribuerait sensiblement au mitage de celui-ci ».

3 Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999, la société LOGINTER a fait introduire un recours en annulation dirigé à la fois contre la décision précitée du ministre de l‘Intérieur du 20 [sic] avril 1999, approuvant la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du nouveau projet d’aménagement général, contre cette dernière dans la mesure du rejet de ses objections présentées à travers ses réclamations, ainsi que contre un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998.

L’administration communale de Mersch se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Suivant une jurisprudence constante de la Cour administrative, les décisions communales et gouvernementales posées dans le cadre de l’adoption d’un plan d’aménagement général, suivant la procédure prévue par l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937, revêtent la qualité d’actes administratifs à caractère réglementaire, y compris ceux statuant de façon individualisée par rapport à des objections, voire réclamations émanant de parties intéressées. En effet, lesdites décisions ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des territoires qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, leur imprégnant ainsi un caractère réglementaire (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Actes réglementaires, I Principes, n° 6, p. 25 et trib. adm. 2 février 2000, n°s 10929 à 10931 du rôle).

Conformément à l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, telle qu’applicable au moment de l’introduction du recours, « la Cour administrative statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».

Dans la mesure où à travers la motivation du recours, ce dernier vise à critiquer des dispositions des parties graphique et écrite du plan d’aménagement général, la Cour administrative était compétente, au jour de l’introduction du recours sous examen, pour en connaître, cette compétence ayant été dévolue au tribunal administratif en vertu de l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

L’affaire sous analyse n’ayant pas encore été instruite à la date de l’entrée en vigueur de ladite loi du 21 juin 1999, elle fut transmise en vertu de son article 71 au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro du rôle 11411.

Le tribunal est compétent aux termes de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 pour statuer en tant que juge de l’annulation en la matière. Par ailleurs, le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant la demande en annulation introduite à l’encontre de la décision du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, force est de constater que la requête ne contient aucun moyen d’annulation directement dirigé à son encontre, de sorte que cette demande est à rejeter pour être non fondée.

A l’appui de son recours, la société LOGINTER fait valoir que le ministre de l’Intérieur se serait borné à donner une motivation abstraite à l’appui de sa décision, de sorte 4 que sa décision devrait encourir l’annulation pour absence de toute indication concrète permettant d'apprécier la réalité et la pertinence des motifs. Elle estime plus particulièrement que le ministre aurait soutenu abstraitement qu’ « une urbanisation intégrale des fonds en question créerait un préjudice grave à la beauté du paysage », sans indiquer en quoi l’atteinte à la beauté du paysage provoquée par une urbanisation des fonds en question consisterait.

Elle considère encore que l’administration communale de Mersch ainsi que le ministre auraient pris leur décision sur base d’une appréciation inexacte de la situation et que le reclassement serait intervenu « sans juste cause », alors que « du côté opposé de la route se trouvent des immeubles à habitation qui sont plus éloignés du centre de la ville que le seraient les immeubles à construire sur la propriété de la requérante ».

Elle fait valoir que la prémisse de tout urbanisme serait d’éviter un éclatement des agglomérations pour utiliser au mieux les terrains disponibles rapprochés du centre de la ville tout en respectant un degré de densité décroissant depuis le centre de la ville pour conclure qu’en « soustrayant le terrain en question au périmètre constructible, l’administration a violé de façon éclatante la prémisse précitée ».

Le mandataire de l’administration communale de Mersch relève que le recours est dirigé contre la décision d’approbation du ministre et que le ministre a le pouvoir d’approuver ou de refuser l’approbation d’une délibération du conseil communal. Il fait valoir que le pouvoir de tutelle du ministre l’obligerait de vérifier la conformité de la décision de l’autorité communale à la loi et à l’intérêt général. En l’espèce, il estime que l’autorité communale n’avait en vue que l’intérêt général consistant à ce qu’« un aménagement cohérent et valable soit garanti aux habitants de la commune de Mersch ». Il conclut en se rapportant « à la prudence du tribunal administratif quant à la régularité formelle de la décision ministérielle qui ne saurait en aucune façon contrarier la régularité formelle de la décision communale ».

Le délégué du gouvernement fait valoir que les autorités communales, en adoptant le nouveau plan d’aménagement général de la commune de Mersch, auraient évalué la situation urbanistique existante par rapport à l’ancien plan d’aménagement général et elles auraient agi en conséquence, en portant les modifications nécessaires audit projet. Il conclut que le classement des fonds litigieux aurait été modifié en vue de garantir un urbanisme selon les règles de l’art et de se conformer aux conditions imposées par la nécessité d’un développement durable, conforme à l’intérêt général.

Dans son mémoire en réplique, la société LOGINTER souligne à nouveau qu’il y aurait violation de la loi pour absence de motifs, que la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 aurait seulement énoncé des motifs « valant pour l’ensemble des terrains ayant été reclassés et non pas des motifs à l’appui du reclassement de la parcelle appartenant à la société LOGINTER, que partant l’acte pris par l’autorité communale est illégal ». Elle considère finalement que le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, n’aurait pas donné de justifications objectives de nature à motiver le reclassement de ses terrains et dans la mesure où les « pouvoirs publics doivent assurer la sauvegarde de l’intérêt général et que la mission d’intérêt général commande ainsi de tenir compte des impératifs économiques et qu’en l’espèce, l’administration n’a même pas essayé de concilier les deux intérêts en présence », alors que l’ancien classement en zone d’habitation de faible densité aurait opéré cette conciliation, il y aurait lieu de maintenir le classement antérieur à la modification du plan d’aménagement général.

5 Il est constant que suite à la modification du plan d’aménagement général de la commune de Mersch, les parcelles litigieuses de la société LOGINTER, situées dans une zone dite « zone d’habitation de faible densité», furent classées, lors du vote définitif par le conseil communal, pour une partie en zone d’aménagement différé et pour la plus grande partie en zone hors périmètre.

La société LOGINTER soutient en substance que ni le conseil communal ni le ministre, qui aurait entériné les conclusions du conseil communal, n’auraient valablement motivé leurs décisions de reclasser les prédites parcelles, ce qui équivaudrait à une absence de motivation entraînant que ni la demanderesse ni le tribunal ne sauraient vérifier l’exactitude et la validité des motifs en question par rapport aux dispositions légales et réglementaires applicables.

Tout acte administratif doit reposer sur un motif, dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir. Cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidés dans leur décision.

En l’espèce, le tribunal constate que les décisions prises par respectivement le conseil communal et le ministre de l’Intérieur indiquent que « le reclassement en zone verte, respectivement en zone d’aménagement différé, est justifié vu qu’une urbanisation intégrale des fonds en question créerait un préjudice grave à la beauté du paysage et contribuerait sensiblement au mitage de celui-ci ».

Le reproche d’une absence de motivation est donc à rejeter, dès lors qu’il existe deux motifs tirés, d’une part, de l’urbanisme cohérent de la localité de Rollingen et, d’autre part, de l’atteinte à la beauté du paysage.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il convient encore d’examiner si les faits à la base du reclassement effectué sont vérifiés en l’espèce.

Même si en vertu de l’article 5 de la loi précitée du 12 juin 1937, les projets d’aménagement peuvent être révisés et modifiés et que les parties intéressées ne possèdent partant pas un droit acquis par rapport au classement de leur terrain (J.Cl. Adm. Fasc. 445-35, n°36), les changements y apportés ne doivent néanmoins pas s’opérer de manière arbitraire, mais doivent résulter de considérations d’ordre urbanistique précises et circonstanciées et répondre à une finalité d’intérêt général.

Il convient dès lors d’examiner en l’espèce si les motifs invoqués peuvent légalement justifier le changement de classement opéré ayant consisté à sortir un terrain d’une zone constructible pour l’inclure dans une zone non constructible, étant entendu que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité à la base de l’acte administratif attaqué.

Compte tenu de la mutabilité intrinsèque des situations générales, due aux changements de circonstances de fait et de droit, les actes réglementaires ne créent, en principe, que des droits précaires et maintiennent dans le chef de l’autorité administrative, le pouvoir soit de changer soit d’abroger un acte réglementaire, en faisant usage des pouvoirs 6 qui lui sont conférés dans l’exercice de sa mission. Dans cette optique, l’invocation de l’intérêt général motivé par un urbanisme cohérent et l’atteinte à la beauté du paysage peuvent justifier des changements dans les parties graphique et écrite d’un plan d’aménagement général.

En l’espèce, il est constant que la partie du terrain litigieux, qui a été classée en zone d’aménagement différé, à savoir la parcelle portant le numéro cadastral 373/1773, se situe le long d’une rue où existent, du côté opposé, des maisons, et fait partie d’un ensemble de fonds non construits qui, bien que situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération, sont interdits temporairement à toute construction et à tout aménagement. Conformément à l’article 11 de la partie écrite du plan d’aménagement général, en cas de nécessité reconnue par le conseil communal, ce dernier décide de l’affectation et détermine les règles d’utilisation relatives à cette zone d’aménagement différé, étant entendu par ailleurs que cette zone doit être couverte, avant toute construction, par un plan d’aménagement particulier.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement relève que ce classement permet aux autorités communales de tenir compte, d’une part, de l’évolution de la localité de Rollingen et des besoins, s’en dégageant, et, d’autre part, d’établir des règles particulières qui prennent en considération l’existence de la zone d’intérêt paysager avoisinante. En effet, les parcelles en cause se situent à l’extrémité du périmètre d’agglomération de Rollingen, dans un paysage encore intact, de sorte que l’intervention obligatoire des autorités communales et des services compétents du ministère de l’Intérieur a valablement pu être prévue dans un souci de garantir que l’urbanisation des fonds en question sera réalisée suivant des critères répondant à un aménagement cohérent des fonds et de manière à s’intégrer harmonieusement dans le paysage.

Ce raisonnement n’est pas énervé par le fait qu’il existe des constructions de l’autre côté de la rue bordant le terrain litigieux, impliquant, pour la demanderesse, que son terrain devrait également être constructible, étant donné que cette considération ne met pas en cause l’unité de l’ensemble des parcelles reclassées, qui forment un ensemble cohérent et indépendant des parcelles situées de l’autre côté de la rue, ces dernières se trouvant par ailleurs couvertes par un plan d’aménagement particulier.

En ce qui concerne le reclassement de la parcelle portant le numéro cadastral 375 en zone verte, force est de constater qu’il s’agit d’un terrain qui ne borde pas la rue, ne touchant donc à aucune infrastructure existante, et qui, de surcroît, est en forte déclivité. Ce terrain se situe par ailleurs dans un paysage encore intact, caractérisé par une beauté indéniable, de sorte que le motif tiré de l’atteinte à la beauté du paysage et du mitage de ce dernier a valablement pu être retenu à la base des actes administratifs déférés.

Ce motif, partant susceptible de justifier les décisions déférées, n’est pas contredit par la société LOGINTER, qui n’apporte aucun élément qui prouverait que l’administration, en changeant la partie graphique du plan d’aménagement général, aurait agi dans un but autre que l’intérêt général ou qu’elle avait un motif autre que la protection de la beauté du paysage.

Par ailleurs, les parcelles faisant l’objet du présent litige, loin d’être soumises à une charge particulière imposée à un seul membre de la collectivité, font partie d’un ensemble cohérent comptant plusieurs parcelles non construites, également soumises au même régime urbanistique.

Comme la modification des dispositions des parties graphique et écrite du plan d’aménagement général relève de l’opportunité politique et comme par ailleurs la société 7 LOGINTER n’a pas rapporté la preuve que le changement de certaines dispositions du plan d’aménagement général aurait été effectué dans un but autre que l’intérêt général, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais de l’instance.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 3 mai 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11411
Date de la décision : 03/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-05-03;11411 ?

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