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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12858

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12858


Tribunal administratif N° 12858 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 25 avril 2001

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Requête formée par Monsieur … SLATINA et son épouse, Madame … en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12858 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2001 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscri

t au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … SLATINA, né le … Priboj, et de son é...

Tribunal administratif N° 12858 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2001 Audience publique du 25 avril 2001

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Requête formée par Monsieur … SLATINA et son épouse, Madame … en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12858 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2001 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … SLATINA, né le … Priboj, et de son épouse, Madame …, née le … à Plasce, les deux étant de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 13 octobre 2000, notifiée le 13 décembre 2000, portant refus du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2001 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edith REIFF, en remplacement de Maître François GENGLER, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … SLATINA, préqualifié, et son épouse, Madame …, préqualifiée, se virent notifier à personne en date du 13 décembre 2000, une décision du ministre de la Justice datant du 13 octobre 2000, portant refus dans leur chef du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, prononcé sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

En date du 5 février 2001, les époux SLATINA-… ont fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux contre la décision précitée du ministre de la Justice du 13 octobre 2000.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer qu’en date du 14 décembre 2000, ils auraient sollicité auprès du ministère de la Justice, service des étrangers, l’assistance d’un avocat en vue d’introduire un recours en réformation auprès du tribunal administratif à l’encontre de la prédite décision ministérielle, que par la suite, ils auraient envoyé leur demande d’assistance judiciaire au bâtonnier du barreau de Diekirch, que par lettre datée du 2 janvier 2001, leur mandataire aurait été désigné par le prédit bâtonnier en vue de les assister « dans le cadre de leur demande en obtention du statut de réfugié politique, sans qu’il avait été précisé s’il s’agissait d’accompagner les requérants auprès du ministère de la Justice ou de faire un recours contre une décision déjà prise de refus » et qu’en date du 12 janvier 2001, Monsieur SLATINA aurait réceptionné la prédite lettre du bâtonnier du 2 janvier 2001, remise à la poste le 5 janvier 2001, par laquelle ils auraient été informés de la désignation d’un avocat commis d’office. Ils estiment que les raisons permettant d’expliquer le retard de la remise de la lettre du bâtonnier à Monsieur SLATINA ressortiraient d’une lettre signée par le bourgmestre et la secrétaire communale de la commune de Bourscheid, datée du 29 janvier 2001, qui est de la teneur suivante :

« En effet, la lettre recommandée dont s’agit [à savoir la décision précitée du ministre de la Justice du 13 octobre 2000] a été remise par le facteur des P & T en date du lundi, 8 janvier 2001 à l’adresse officielle de M. Slatina, Mairie de Bourscheid, Schlasswee 1, L-9140 Bourscheid et le récépissé a été signé par la secrétaire communale, Mme Alice Koob.

Monsieur Slatina réside de fait dans une seconde résidence à Dirbach, dans une zone définie au PAG comme « zone de maisons de weekend ». Or, notre règlement sur les bâtisses interdisant de prendre son domicile permanent dans toute zone non définie comme zone destinée à l’habitation permanente (pour les raisons y indiquées, notamment manque d’infrastructure), et afin de ne pas créer de précédent en la matière, il a été convenu de commun accord avec les responsables des services concernés d’inscrire M Slatina à l’adresse de la Mairie de Bourscheid Schlasswee 1, L-9140 Bourscheid. Son courrier arrive donc à cette adresse et est remis à l’intéressé quand il se présente au secrétariat communal mais au plus tard le vendredi après-midi de chaque semaine lors de la tournée de l’appariteur communal lors de sa tournée.

Ne connaissant ni le contenu de l’enveloppe ni son urgence, la secrétaire communale a donc, faute de passage de l’intéressé, remis la lettre en question à l’appariteur qui l’a remise le vendredi, 12 janvier 2001 dans l’après-midi à l’intéressé ».

Ils soutiennent encore que Monsieur SLATINA aurait téléphoné en date du 12 janvier 2001 à l’étude de l’avocat désigné d’office par le bâtonnier et qu’un rendez-vous lui aurait été fixé pour le 16 janvier suivant.

Sur ce, ils font valoir qu’au jour de leur rendez-vous en l’étude de l’avocat commis d’office, les délais de recours avaient expiré sans qu’il n’y ait eu faute de leur part, alors qu’ils auraient été dans l’impossibilité d’agir plus tôt. Ils demandent partant à être relevés de la déchéance ainsi encourue et à se voir autoriser à introduire un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 13 octobre 2000.

Le délégué du gouvernement fait valoir que les deux conditions posées par l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice ne seraient pas remplies en l’espèce.

2 Ainsi, il estime que les demandeurs auraient commis une faute dans la mesure où, d’une part, ils ne se seraient pas présentés dans un délai utile à la mairie de Bourscheid, c’est-à-dire à l’adresse de leur résidence officielle, afin de réceptionner le courrier du bâtonnier du barreau de Diekirch précité du 5 janvier 2001 et, d’autre part, la décision précitée du ministre de la Justice du 13 octobre 2000 leur aurait été notifiée en mains propres et qu’à cette occasion, les délais de recours leur auraient été « clairement exposés », de sorte qu’ils auraient dû réagir avant l’expiration du délai de recours « alors qu’aucun avocat ne leur avait été assigné ».

Le représentant étatique relève finalement qu’en ce qui concerne la deuxième condition posée par le prédit article 1er, il y aurait lieu de retenir que les demandeurs avaient connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, en ce que la décision ministérielle précitée du 13 octobre 2000 leur avait été notifiée en mains propres. Ils ne se seraient partant pas trouvés dans l’impossibilité d’agir, car il leur aurait été loisible d’aller chez « n’importe quel avocat » pour introduire un recours contre la décision litigieuse dans les délais de la loi.

La requête en relevé de déchéance, non autrement contestée sous ce rapport, ayant été présentée suivant les formes et délai prévus par la loi, elle est recevable.

La loi précitée du 22 décembre 1986 dispose en son article 1er que « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».

Il est constant en cause qu’à partir de la notification en date du 13 décembre 2000, les époux SLATINA-… ont eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, étant entendu que ladite décision comprend l’indication complète des voies de recours ensemble l’indication de sa communication aux demandeurs.

Les demandeurs ne rentrent dès lors pas sous les prévisions du premier cas d’ouverture d’un relevé de déchéance prévu par la loi.

L’article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 prévoit néanmoins un autre cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance, à savoir l’hypothèse dans laquelle, bien que le demandeur a eu connaissance de l’acte en question, il était néanmoins dans l’impossibilité d’agir.

Force est de constater que seulement pour le premier cas d’ouverture, celui où la personne concernée n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, le texte légal prérelaté exige que cette hypothèse soit vérifiée « sans qu’il y ait eu faute de sa part », alors que pour le deuxième cas d’ouverture, relatif à l’impossibilité d’agir, pareille condition n’est point prévue.

En effet, les auteurs du texte avait à l’esprit que cette seconde hypothèse pouvait être celle « où une personne s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir pendant le délai imparti à la suite d’une signification ou notification régulière ayant fait courir le délai.

Cette impossibilité d’agir pourra être due à un empêchement physique, résultant d’une 3 maladie grave, d’un accident privant l’intéressé de l’usage de ses facultés mentales ou le mettant autrement hors d’état de pourvoir à ses intérêts » (doc. parl. N° 2879, commentaire des articles, p. 3, ad. art. 1er in fine).

Le relevé de forclusion, intervenant par rapport à des délais de recours ayant un caractère d’ordre public ainsi qu’un effet en principe automatique, constitue un incident grave et exceptionnel de sorte qu’il y a lieu d’interpréter la notion d’impossibilité d’agir d’une manière restrictive ( cf. Cour d’appel, 20 décembre 1991, Pas. 28, p. 250).

Dans l’hypothèse où un mandataire a été chargé par une personne, même si, comme dans le cas d’espèce, le mandataire a été chargé par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Diekirch, qui agit en nom et pour compte des demandeurs, en vue de l’introduction d’un recours dans une matière dans laquelle le droit de postulation d’un professionnel est la règle, comme celle sous rubrique réservant aux avocats à la Cour le monopole des recours à intenter au fond contre des décisions administratives individuelles, l’impossibilité d’agir n’est en principe pas donnée, lorsque le mandat pour agir a été conféré en temps utile au professionnel par le justiciable concerné (cf. trib. adm. 2 octobre 2000, Mujkovic, n° 12175 du rôle, non encore publié), comme tel a été le cas en l’espèce.

Il est dès lors de principe que la négligence de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie pas un relevé de forclusion (cf. Encyclopédie Dalloz, Procédure Civile, V° Délais, n° 45).

En effet, admettre le raisonnement adverse impliquerait que la partie demanderesse, une fois son mandat conféré, devrait être relevée de la déchéance, quelle que soit la cause justificative de l’inaction du professionnel concerné, ce qui reviendrait à outrepasser sans cause légitime des délais par ailleurs fixés à titre obligatoire par le législateur, le relevé de déchéance étant à interpréter de façon restrictive, vu son caractère exceptionnel, suivant la loi précitée du 22 décembre 1986.

En l’espèce, aucune justification de l’inaction du professionnel chargé du dossier des demandeurs n’a été fournie, alors qu’au contraire celui-ci n’a pas, nonobstant sa désignation par le bâtonnier pour assister les demandeurs, convoqué ses mandants et n’a par ailleurs entrepris aucune autre démarche en vue de sauvegarder les intérêts de ces derniers. Il échet également de constater que les demandeurs de leur part n’ont entrepris aucune diligence en vue de s’assurer de la bonne exécution de leur mandat ou en vue de se renseigner sur le nom de l’avocat qui leur a été désigné, pareille démarche n’ayant été effectuée qu’après avoir réceptionné la lettre précitée du 2 janvier 2001 du bâtonnier. Il est dans ce contexte indifférent de connaître les raisons exactes ayant motivé la remise tardive du prédit courrier aux demandeurs, résultant en l’espèce d’un problème de distribution du courrier dans la commune de Bourscheid, dont les demandeurs avaient par ailleurs connaissance avant la remise du courrier en question.

Partant, dans la mesure où les époux SLATINA-… ont introduit dans le délai du recours contentieux une demande en vue de bénéficier de l’assistance d’un avocat et qu’un avocat a été désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Diekirch en date du 2 janvier 2001 pour les assister en vue de l’introduction de leur recours, ils avaient donné mandat à un professionnel de la postulation de déposer un recours au fond pour leur compte, de sorte que le deuxième cas d’ouverture n’est pas vérifié en l’espèce.

4 La requête en relevé de forclusion n’est par voie de conséquence pas fondée.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare la demande en relevé de forclusion recevable ;

au fond la dit non justifiée et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge et lu à l’audience publique du 25 avril 2001 par le vice président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12858
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12858 ?

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